Cunard, un mythe flottant

184 ans après sa création, la compagnie britannique, leader de la traversée transatlantique à bord des ocean liners, paquebots ultra-luxeux, enrichit sa flotte d’une nouvelle reine : Queen Anne. Elle lèvera l’ancre au printemps 2024 pour poursuivre la légende Cunard.

Texte Thi-Bao Hoang

Britannia, Mauretania, Lusitania, Carpathia… Depuis 1840, les géants des mers de la flotte Cunard Line voguent sur l’Atlantique, ralliant ainsi le nouveau monde à l’ancien. Avant de devenir le croisiériste qui accueille sur ses larges ponts et dans ses cabines cossues les icônes hollywoodiennes (Audrey Hepburn, Elizabeth Taylor, Cary Grant…), rock stars (David Bowie, Ed Sheeran…) et hommes d’État historiques (Winston Churchill, Nelson Mandela…), la compagnie britannique assurait le tri postal entre la Grande-Bretagne et les États-Unis via le Canada, précisément Halifax, la ville natale du fondateur, Samuel Cunard. L’homme d’affaires avait en effet remporté l’appel d’offres de l’Amirauté qui recherchait un moyen régulier, rapide et fiable d’acheminer le courrier. C’est ainsi que le 22 avril 1838, le Sirius, estampillé du sigle RMS (pour Royal Mail Ship) a effectué la première traversée de Cork, en Irlande, à New York, en 18 jours.

Construit à Saint-Nazaire, le Queen Mary 2 avait des dimensions records à son lancement, dans les années 2000, grâce auxquelles il dépassait le France. 

Du service du courrier aux voyages d’agrément, il n’y a qu’un pas, franchi avec le Britannia, qui embarque ses premiers passagers en 1840 pour un périple de Liverpool à Halifax en 14 jours. Démarre l’ère des transatlantiques à laquelle le nom de Cunard est à jamais associé. 

Lorsque Samuel Cunard, anobli par la reine Victoria, meurt à Londres en 1865, sa compagnie devance déjà ses concurrents (dont la White Star Line) en renommée, vitesse et prouesses techniques : on lui doit la première coque en fer (Persia, 1856), le premier paquebot à hélices (China, 1862), le premier navire éclairé par l’électricité (Servia, 1881), le premier tour du monde (Laconia, 1922). Elle a en outre obtenu de nombreux rubans bleus, qui récompensent les navires les plus rapides à traverser l’océan.

Incroyable salle à manger du Britannia… Comme dans les années 1930, les repas rythment la vie à bord, les grooms sont toujours vêtus de rouge et les designers ont puisé dans les archives pour recréer une ambiance Art déco.  

La compagnie est aussi pionnière en matière d’hospitalité à bord : elle invente les activités de pont en 1860 (croquet, minigolf, squash…) ; installe avant tout le monde des suites spacieuses (1881), nuptiales (1893) et royales (1907), des piscines couvertes et des spas (1982). Ses cabines élégantes et raffinées, ses bars où le champagne coule à flots – 327 bouteilles sont consommées chaque jour sur le Queen Elizabeth – et ses passagers glamour et jet-set forgent sa légende. La stature de la Cunard Line lui permet de traverser les crises : tout d’abord les guerres britanniques auxquelles elle prend part, perdant 22 navires, dont le Lusitania, en 1914-1918, et transportant plus de 1,5 million de soldats en 1939-1945 ; puis la concurrence de l’avion dans les années 1960 et, plus récemment, la pandémie.

Le 3 mai dernier, le Queen Anne, 249e paquebot sous drapeau Cunard, 373 mètres de long pour 3 000 passagers à bord, a été mis à flot au chantier naval Fincantieri Marghera de Venise.

Plébiscitées par les clients, les cabines des navires (ici, le Queen Mary II) ressemblent à des chambres d’hôtel élégantes et raffinées.

Sa construction a été décidée en 2007, bien avant le Covid, et sa mise en service est prévue en 2024 avec trois départs de Southampton (où siège le groupe Carnival, qui a racheté la compagnie en 1998) : le 10 mai, direction les Canaries ; le 24 mai, les îles britanniques ; et le 7 juin, la Méditerranée… Un siècle après l’âge d’or des traversées transatlantiques, le Queen Anne bénéficiera-t-il de l’engouement généré par la pandémie pour le slow tourisme ? Cette dernière crise, après avoir provoqué l’arrêt des croisières, a accéléré la transition énergétique du secteur en l’incitant à renouveler sa flotte. Réponse au printemps prochain, lorsque le nouveau navire amiral du prestigieux quatuor formé avec le Queen Mary 2, le Queen Elizabeth et le Queen Victoria, lèvera l’ancre pour renouer avec les fastes d’une époque où l’on prenait le temps de vivre.  

La mise en beauté du Queen Anne 

© DR

Sous la houlette d’Adam Tihany, architecte d’intérieur célèbre pour ses projets de restaurants et d’hôtels (Hotel Cipriani, A Belmond Hotel à Venise, The Oberoi New Delhi en Inde, The Beverly Hills Hotel à Los Angeles…), trois grands designers ont été convoqués pour magnifier le Queen Anne. Puisant dans les archives de la Cunard Line, à l’université de Liverpool, ils ont modernisé les espaces tout en préservant l’ADN de la compagnie. Le Londonien Simon Rawlings (qui a notamment décoré le Delaire Graff, en Afrique du Sud) a réalisé l’impressionnant atrium, le grand lobby à l’esprit Art déco, et six suites Queens Grill, de 45 à 134 m2, avec balcons XXL et salles de bains en marbre vue mer. Un autre Anglais, Terry McGillicuddy (qui a signé le Waldorf Astoria Versailles-Trianon Palace, le Sandy Lane Resort à La Barbade…), a mis en scène le théâtre de 825 places sur deux niveaux. La Française Sybille de Margerie (Mandarin Oriental Paris, Cœur de Megève…) a sublimé l’emblématique Queens Room, avec ses serveurs gantés de blanc, les mini-suites Princess Grill (35 m2 tout de même…) et les cabines du Britannia Club, plus petites, qui proposent une expérience de luxe décontracté, dans une ambiance de bleu profond parsemé d’éclats d’or. Un décor spectaculaire revendiqué : « Nous avons basé notre concept de design sur l’émerveillement », résume Sybille de Margerie.

Article paru dans le numéro 131 d’Hôtel & Lodge.

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