Shangri-La Le Touessrok, un havre tropical

Trois ans avant de souffler ses cinquante bougies hôtelières, l’iconique 5-étoiles de l’île Maurice, rénové, se positionne désormais, selon les vœux de son directeur Gregory Coquet, comme « un havre tropical, élégant et vibrant ».

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

La légende raconte qu’en 1915, au lieu-dit Trou d’Eau Douce, Henri Wiehé, planteur, revenant de ses champs, tombe en arrêt devant une plage en demi-cercle. Sable blond, eau translucide, sérénité. Le paradis. Un paradis qu’il ignorait, non loin des terrains où ses ouvriers cultivent, qu’il vente ou que le soleil brûle la peau, la canne à sucre, principale ressource de l’île Maurice. Henri convainc vite son épouse de bâtir un cabanon de bois, villégiature de leurs dimanches. La lande alors n’appartient à personne. L’administration britannique confère, sans problème, un titre de propriété que madame Wiehé, d’origine bretonne, baptise Tu-es-roc, en souvenir d’un rocher avançant en mer dans les Côtes-du-Nord, devenues Côtes-d’Armor. C’est qu’ici, comme en Bretagne, la mer sculpte la roche noire, les marées, même moins fortes qu’à l’ouest de la France, dessinent des îlots et des anses. Un paysage aquatique, pastel. Une situation remarquable où la famille Dalais, héritière de Wiehé, agrandissant, avec mesure, le campement, ouvre au début des années 1960 une maison d’hôtes d’une poignée de chambres et une table. La réputation de Jacqueline, femme forte du clan, affable, excellente cuisinière, attire vite les rares touristes qui à cette époque fréquentent l’océan Indien. Jacques Brel, déjà amoureux des îles tropicales, adore s’y reposer après ses concerts, appréciant les recettes de Jacqueline et ses massages qui soulagent son mal de dos. En 1976, le décès de Cyril, mari de Jacqueline, oblige la famille à vendre son bijou à une compagnie sucrière. L’ambition de l’acquéreur : développer, entre les 34 hectares de jardin et les six plages, le premier hôtel de luxe de l’île. Chose dite, chose faite. Finie la petite pension conviviale, un rien artisanale. Le Touessrok des années 1980 déploie sur les trois îlots une centaine de chambres, propose un panel d’activités entre golf 18 trous, pêche au gros, plongées, visites sur mesure et en prime l’îlot Mangénie, île privée à 5 minutes en bateau pour jouer les Robinson. Lancé de façon admirable, le resort caracole en tête grâce à un personnel rompu à l’art de recevoir et une gastronomie hors pair. Et les hôtes, fidèles à « leur maison », reviennent année après année.

À l’étage du bâtiment principal, le Kushi, nouvelle table japonaise, marie décor intimiste, cuisine exquise, art de la table raffiné. © DR
Dans les jardins, ici devant le spa, les bassins scandent l’espace et luttent, aux heures les plus chaudes, avec le soleil. © DR

Pour conserver sa place de leader, ses propriétaires s’appuient sur le savoir-faire de groupes spécialisés dans le management 5-étoiles. One&Only de Sol Kerzner tint longtemps ce rôle, confié désormais à Shangri-La, créé en 1971 par Robert Kuok, Hongkongais. « Aujourd’hui, explique le directeur général, Gregory Coquet, tout change vitesse grand V. Les envies, les attentes des hôtes évoluent comme le monde. Pour mener, en cinq mois seulement, notre dernière rénovation, nous avons pris en compte trois critères : le bonheur et la satisfaction des clients, l’enjeu écologique et le bien-être des salariés. »

En lieu et place du cabanon d’origine, dans le Coco’s Beach Bar, le décor d’Asmaa Said, designer, raconte l’histoire du « Tu-es-roc ». © DR

Surprendre les habitués, attirer de futurs fans, d’abord par une décoration avec plus de peps, confiée en partie à Asmaa Said, designer, créatrice du cabinet The Odd Duck de Dubaï. Sa base-line : donner à voir l’histoire des lieux. Ainsi au Coco’s Beach Bar, à l’emplacement exact du cabanon des Wiehé, des tissus Élitis, Pierre Frey, Perennials résument le paysage. Des lampes avec en guise de pied un dodo, oiseau symbole de l’île, évoquent l’arrivée des Hollandais, friands de ces volatiles dodus si faciles à chasser au point qu’ils disparurent totalement au xviiie siècle. Surprendre et régaler aussi par une offre gastronomique plus aboutie, plus diversifiée, de la cuisine fusion au TSK aux mets japonais de haute volée du Kushi, de la carte brasserie au Coco’s sur la plage avec ses salades composées à la minute, ses viandes aux poissons grillés au Four à Chaux où, dans une ambiance mauricienne, les convives découvrent les plats traditionnels de l’île.

Pour ne pas voler à l’océan Indien, couleur menthe à l’eau, son premier rôle, les chambres et suites avec vue jouent la sobriété. © DR
Le living-room d’une des trois villas du resort, qui bénéficie d’une échappée sur le large et sur un petit îlot dit des amoureux. © DR

« Rappeler ses racines, partager son patrimoine, son histoire, ses savoir-faire avec celles et ceux venus d’Europe, d’Afrique ou d’Asie passer quelques jours sur l’île, c’est ma motivation et celle de toute mon équipe », répète avec conviction Gregory. Dès l’accueil, au son du gong, sous le banyan, le Shangri-La Le Touessrok emporte tout un chacun vers un ailleurs exotique où le temps prend le temps, le temps de continuer d’écrire l’histoire débutée il y a cent ans. 

Gregory Coquet, un enfant du pays

© DR

Il aurait dû s’inscrire dans les pas de son grand-père puis de son père Michel et rentrer dans l’entreprise familiale, IPC, l’imprimerie et maison d’édition la plus renommée de l’île, mais il poursuivait d’autres rêves : devenir hôtelier. Après ses études à Glion Institute of Higher Education, en Suisse, l’une des meilleures écoles de management hôtelier, et quelques beaux postes en Europe, il rentre chez lui. Et sera le premier Mauricien à diriger le Royal Palm, 5-étoiles du groupe Beachcomber, avant, en 2019, de prendre les commandes du Shangri-La Le Touessrok. Son ambition, lui redonner ses charmes insulaires auxquels les hôtes sont si sensibles. Comme ils sont sensibles à son petit accent trahissant ses origines.

Colin Field, une légende

© DR

C’est un des bartenders les plus connus au monde, celui qui pendant trente ans régna sur le bar Hemingway du Ritz Paris. L’ami de toutes les stars qui ne rêvaient que de savourer un de ses cocktails. En retraite du palace de la place Vendôme, Field parcourt le monde, faisant escale plusieurs fois par an au Sega et au Coco’s, bars du Shangri-La Le Touessrok, pour composer les cartes, former les barmen et enchanter les clients pendant ses séjours : « Pour moi, rien de tel qu’un Dry Martini ou un cocktail à base de rhum Labourdonnais et d’ingrédients locaux, mais si un convive me demande un coca-champagne, je lui prépare sans souci. Je ne suis pas là pour imposer des diktats mais pour procurer du plaisir. »

Article paru dans le numéro 139 d’Hôtel & Lodge.

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