L’IA au service du voyage sur mesure

Micro-personnalisation, réactivité, autonomie… Les attentes des voyageurs évoluent. Face à ces nouveaux comportements, les acteurs du tourisme et de l’hôtellerie revoient leur copie en matière de numérique. Et surfent sur la vague de l’intelligence artificielle, notamment générative.

Texte Louise-Jeanne Simon

Imaginez un assistant virtuel disponible 24 h sur 24, capable de comprendre instantanément que vous aimez les plages paradisiaques, le sport et la cuisine exotique, et qui vous propose un séjour à Bali avec des cours de surf le matin et des dégustations de street food le soir. Ou alors qui vous aide à trouver le meilleur bar à tapas de Barcelone à 2 heures du matin et, surtout, vous réserve une table en un clin d’œil. Jusque-là décevants, les outils de recherche dédiés au tourisme s’améliorent. Et ce, grâce à l’intelligence artificielle (IA) générative qui s’impose comme une alliée incontournable pour les acteurs du tourisme. « L’IA générative s’inscrit dans Happy Digital, l’un des piliers stratégiques de l’entreprise, dont la philosophie est de mettre le digital au service de nos clients et de nos collaborateurs », déclare Siddharta Chatterjee, Global Chief Data Officer (directeur de la donnée) de Club Med. « Son essor introduit de nouveaux outils et de nouvelles pratiques », abonde Jean-François Guilmard, Chief Data Officer du groupe Accor, qui a ainsi lancé un centre d’excellence dédié.

Jean-François Guilmard (groupe Accor) : « Nous ne croyons pas à une IA qui viendrait remplacer les êtres humains. » © DR

Leurs objectifs sont doubles : augmenter l’expérience client et faire gagner en productivité les employés pour leur libérer du temps sur des tâches à forte valeur ajoutée. « Nous ne croyons pas à une IA qui viendrait remplacer les êtres humains et à des hôtels avec des robots majordomes. Au contraire, nous voulons des collaborateurs avec des outils qui permettent de personnaliser l’expérience client, de la réservation au check-out», affirme Jean-François Guilmard. Car si les robots dans les hôtels et les aéroports ont un temps fait le buzz, l’époque du gadget est révolue… Les voyageurs aspirent à une expérience réelle, humaine et personnalisée. L’essence même du tourisme.

Parmi les cas d’usage à destination de ses clients, le groupe Accor teste actuellement un assistant de voyage en Australie et au Royaume-Uni. « Il permet de proposer une réponse à l’intérêt croissant de nos clients pour la recherche d’inspiration, et un outil d’interaction de bout en bout répondant aux questions des clients, de la réservation au “post stay” (après le séjour, Ndlr). » Prochaine étape ? Un moteur conversationnel dédié aux agents afin de les aider à être plus rapides dans leurs réponses, notamment sur les questions du type « La piscine est-elle ouverte ? » ou « Combien de points de fidélité vais-je gagner ? »

L’IA permet aux acteurs du tourisme d’équiper leurs collaborateurs d’outils visant à les soulager de tâches fastidieuses. Objectif : leur libérer du temps pour le conseil client… et les relations humaines. © DR

Club Med développe lui aussi un chatbot (outil de conversation, Ndlr) alimenté par l’IA générative. Il s’appuie sur toutes les données du resort (plan, dimension des chambres, activités, moyens de transport…) pour répondre à des questions liées aux services et aux produits, et même désormais fournir des devis. « Nous augmentons ainsi l’autonomie de nos clients, une demande très plébiscitée en ce moment », précise Siddharta Chatterjee. Lancée début 2024 au Brésil sur WhatsApp, la solution devrait se déployer d’ici à la fin de l’année en Israël, en Asie et aux États-Unis.

Il ne s’agit pas là de cas isolés. Offices du tourisme du Grand Est et de Val d’Isère, Air France… les initiatives se multiplient à différentes échelles. Et les voyageurs s’en emparent. Selon l’étude 2024 « Future Travel Trends » de Marriott Bonvoy, plus d’un adulte sur cinq en France (21 %) a utilisé l’IA pour l’aider à planifier ses vacances ou à faire des recherches sur le sujet. Et 91 % des utilisateurs déclarent qu’elle a influencé leur décision. Reste toutefois à s’assurer que les réponses ne soient pas frustrantes. La clé ? Des bases de données riches et structurées. Et du contenu. C’est d’ailleurs l’une des forces de Club Med, qui a refondu totalement ses infrastructures de traitement de données. « Nous avons un patrimoine de 7 milliards de points de données de clients », indique Siddharta Chatterjee. Mais l’IA comporte également des risques… notamment celui de l’impact carbone. « Le calcul du C02 s’inscrit dans nos décisions », rassure Jean-François Guilmard. Quant à la question des données personnelles, tous le revendiquent : les développements sont en total respect du RGPD (règlement général sur la protection des données). La réservation de séjours fait sa révolution ! 

En France, plus de 1 voyageur sur 5 (21 %) a utilisé l’IA pour planifier ses vacances, trouver la destination, l’hôtel qui lui conviennent le mieux, selon l’étude 2024 « Future Travel Trends » de Marriott Bonvoy. © Shutterstock

Des applis pour voyageurs et épicuriens

© DR

Jean-François Pillou (photo ci-dessus), ingénieur et inventeur du site Comment ça Marche, a créé AroundUs, un guide de voyage interactif pour repérer les lieux touristiques proches. « J’ai eu l’idée à Carnac, racontait-il lors de la conférence Next Tourisme en mai dernier. Au-delà des alignements, je voulais que mes enfants voient un menhir et un dolmen. Résultat : Google me proposait douze crêperies, un hôtel, etc., et une forêt de points rouges sur une carte. » Grâce à l’IA générative, AroundUs référence plus de 14 millions de lieux et 1 million de restaurants, vérifiés et indiqués avec les données GPS, photos et brefs descriptifs. Le tout est finement catégorisé grâce à 16 000 filtres et disponible en huit langues. Autre application créée par un Français, Sébastien Caron, plus orientée sur le carnet d’adresses et plutôt destinée à des jeunes urbains (plus de 4 millions d’utilisateurs), Mapstr permet d’enregistrer et de partager avec ses amis ses restaurants, hôtels, cafés et autres bons plans préférés. Idéal pour fabriquer son propre guide de voyage, réunir et conserver ses hot spots personnels et en découvrir de nouveaux, suggérés par l’IA.

Objectif gain de temps 

Siddharta Chatterjee (Club Med) : « Nous avons un patrimoine de 7 milliards de points de données de clients. » © DR

Les acteurs du tourisme utilisent également l’intelligence artificielle générative pour soulager leurs employés. Côté marketing, la technologie facilite notamment la gestion des photos, primordiales dans l’univers du voyage. Club Med a ainsi entièrement automatisé le travail d’indexation et de labellisation des images. « Au lieu d’y passer 10 heures, les collaborateurs passent au maximum 1 heure de supervision », se félicite Siddharta Chatterjee. Même démarche du côté d’Accor, qui a développé un outil basé sur 11 critères (exposition, couleurs…) pour aider des hôteliers à identifier facilement les visuels qu’ils souhaitent mettre en avant. Le groupe commence également à travailler sur leur amélioration, en remplaçant par exemple une bouteille en plastique par une bouteille en verre. Traduction automatique à grande échelle, code assisté par l’IA pour les développeurs, génération de contenu éditorial, analyse de la réglementation, génération de mails… les applications se multiplient pour faciliter la tâche des collaborateurs.

Quand l’IA lutte contre le gaspillage alimentaire

© DR

Après un test concluant de la technologie Winnow dans ses établissements de Hong Kong, Londres, Miami et Dubaï – qui a permis en six mois de réduire le gaspillage alimentaire de 36 % –, Mandarin Oriental déploie la solution au sein de ses 40 établissements. De son côté, le groupe Accor a lancé plus de 200 pilotes autour de trois technologies : Winnow, Orbisk et Fullsoon, une start-up qui a vu le jour au sein de son « Innovation Lab » : « L’algorithme de Fullsoon va aider la cuisine à commander de façon juste et limiter le gaspillage alimentaire, avec un objectif de près de 800 euros d’économies de déchets en moyenne par mois et par hôtel. Cela s’accompagne d’une ambition d’optimisation de la marge Food & Beverage d’à peu près 6 % », explique Jean-François Guilmard. Quant à Club Med, il expérimente actuellement dans les resorts de Da Balaia, au Portugal, et de l’Alpe Huez, en France, des systèmes de « balances connectées » dotées d’une caméra et d’une IA qui analysent les volumes de gaspillage et la typologie d’aliments. Un outil qui permet ensuite à chaque chef d’adapter les menus.

Article paru dans le numéro 136 d’Hôtel & Lodge.

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