L’ambiance sonore, identité des hôtels

À l’instar de l’architecture intérieure ou de l’éclairage, l’ambiance sonore d’un hôtel participe à façonner son décor, affirmer son identité… et créer une expérience singulière pour la clientèle. La mélodie du bonheur.

Dossier réalisé par Céline Amico et Céline Baussay

Une terrasse immaculée, quelques notes suaves de saxophone s’élevant vers le ciel… Dehors comme dedans, le Carlton à Cannes, récemment rénové, vit désormais au rythme d’une playlist qui mixe les standards américains du jazz, les classiques français rétros et les jeunes artistes contemporains. À elle seule, elle ressuscite l’imaginaire du palace azuréen du début du xxe siècle tout en distillant des influences très actuelles. « Loin d’être anecdotique, la musique est devenue un aspect crucial de l’art de recevoir pour les professionnels de l’hôtellerie. Au même titre que l’architecture intérieure ou les arrangements floraux, elle constitue une réelle valeur ajoutée, participe à asseoir le style, l’atmosphère d’un lieu, à signer son identité », explique Maximilien Niepce, fondateur de l’agence de design sonore Spectre, missionnée pour élaborer la bande-son du mythique palace de la Croisette.

Éclectique et savamment dosée, la signature sonore du Carlton Cannes gomme les frontières entre les époques, entre l’intérieur et l’extérieur. © Richard Haughton

Derrière les programmations sur mesure réalisées par les sound designers et autres curateurs pour les professionnels de l’hôtellerie se cache un process technique d’une précision absolue. L’acoustique comme la densité sonore sont très étudiées : « La musique doit accompagner le client sans jamais prendre le pas sur les autres éléments du décor, s’adapter aux différents espaces, aux moments de la journée », remarque Benjamin El Doghaïli, à la tête du studio de création de Mama Shelter. « Au sein des Mama, les playlists sont dépaysantes et éclectiques au petit déjeuner, pour un réveil en douceur, très festives à l’apéritif… Elles restent disponibles en continu en chambre via les applications Spotify, Deezer ou Soundcloud afin de prolonger l’expérience. En revanche, même si elles évoluent selon les saisons, elles restent rigoureusement identiques à Paris, Londres ou Los Angeles. Elles incarnent notre identité et se doivent d’être immédiatement identifiables »,ajoute-t-il. Plusieurs autres marques hôtelières ont intégré l’ambiance sonore et la musique dans leur ADN et, par ricochet, dans l’expérience client : Hard Rock Hotels diffuse ses propres playlists, met à disposition des guitares Fender, accueille des concerts d’artistes internationaux. Fauchon l’Hôtel Paris a mis en scène une suite dédiée à la musique, avec vinyles et guitares, en partenariat avec le Studio Gibson, et organisait cet été au Grand Café Fauchon, deux fois par semaine, des DJ sets « Fauchon Tonic ».

Au bord du Danube, le Aria Hotel Budapest exploite le filon de la musique, en son et en images, jusque dans son espace dédié au bien-être. © DR

Derrière quelques notes et un tempo savamment calibrés se jouent donc l’image de marque et la vision de l’hospitalité d’un établissement, que chacun décline selon ses valeurs.

Le Pley Hôtel, à Paris, multiplie les références aux thématiques de la radio et de la musique. Il possède son propre studio d’enregistrement. © DR

Ouvert début 2023 à Bordeaux, le FirstName entretient son positionnement « feel good » avec des DJ sets et une programmation chill omniprésente dans le lobby, au bar, au restaurant. Au Paris j’Adore, dans le 17e arrondissement de la capitale, la musique, disponible en chambre jusque dans la salle de bains et pilotable via une tablette tactile (à l’instar du remplissage automatisé de la baignoire ou de la diffusion de parfum d’ambiance) est l’occasion d’une pause bien-être multisensorielle.

À Fauchon l’Hôtel, à Paris, les hôtes de la suite Duplex Tour Eiffel peuvent emprunter une guitare Gibson et choisir leur musique parmi les vinyles mis à disposition. © DR

D’autres hôtels, eux, vibrent aussi au rythme de l’identité de leur quartier : le Pley Hotel à Paris reprend à son compte, dans ses chaleureux intérieurs, les univers de la musique et de la radio, secteurs historiquement très présents dans cette partie du 8e arrondissement où se trouve notamment la salle Pleyel. C’est également le cas du Mercer à New York, au cœur de Soho, via une sélection musicale pointue et renouvelée régulièrement, associant pop-rock indépendant, jazz, titres underground des années 1980, groupes confidentiels, qui a forgé son image : celle d’un lieu toujours en avance sur son temps, enclin à séduire un public avide de nouveaux territoires artistiques.

Les professionnels de l’hôtellerie répondent à cette soif de découvertes et d’expérimentations sensorielles en imaginant des concepts toujours plus immersifs. La musique en fait partie.

Pensé comme un lieu de vie ouvert sur la ville et ses habitants, le premier hôtel de la marque FirstName, inauguré récemment à Bordeaux, accueille très régulièrement des concerts et sessions de DJ. © DR

À l’Aria Hotel Budapest, en Hongrie, chacun des quatre étages décline, par son décor, ses œuvres d’art et son fond sonore, un genre musical précis (classique, opéra, contemporain et jazz) et chacune des 49 chambres célèbre un compositeur ou interprète (Count Basie, James Brown, Bob Dylan…). Au Hameau des Baux, en Provence, les œuvres d’art contemporain s’exposent dans les chambres, une librairie Actes Sud s’étend dans le lobby… et les playlists de l’artiste-DJ Samuel Boutruche, également aux manettes de la programmation musicale de la galerie Perrotin à Paris, rythment les différents moments de la journée. « Par la musique, les couleurs, les saveurs, nous faisons appel à la mémoire sensorielle de nos clients, pour créer des moments d’exception et des souvenirs inoubliables », confie l’entrepreneur à l’origine du concept Hôtels Les Petites Maisons, Guillaume Multrier. Une nouvelle dimension du luxe sur fond de clés de sol et de partitions que synthétisent à la perfection Fred Viktor et Jerry Bouthier, qui se présentent comme « couturiers du son » :« Le luxe, c’est le temps, et le temps, c’est l’écoute,note le premier. Notre travail est d’associer des univers et de donner à la musique la même importance que le travail d’un chef, d’un designer, d’un décorateur, pour en faire la composante à part entière d’un lieu. »À bon entendeur…

Costes, pionnier et modèle 

Depuis son ouverture en 1985 rue Saint-Honoré à Paris, le Costes représente la référence ultime en matière de signature sonore d’un hôtel : quinze compilations de son fameux son électro-lounge se sont vendues à des millions d’exemplaires et aujourd’hui, le studio Costes alimente sa propre radio diffusée en direct dans l’hôtel et sur son site Web 24 heures/24.

Enceintes connectées

Design, discrètes, les enceintes nouvelle génération (ici la « Beosound » de Bang & Olufsen) s’invitent en chambre. © DR

Compactes, déclinées dans un large panel de styles et de designs, les enceintes connectées (« Revival iStream » de Roberts, « Acton III » de Marshall, « Beosound » de Bang & Olufsen…) constituent une solution de choix pour diffuser la musique d’une webradio, d’une plateforme de streaming (Spotify, Deezer…), en chambre ou au sein d’espaces communs (petit salon lounge, salle de sport). Les spécimens plus puissants, telle l’enceinte connectée « Phantom II Hotel Mode » de Devialet, spécialement conçue pour l’hôtellerie, permettent quant à eux de créer des atmosphères ultra-immersives dans des espaces de plus de 50 m2

Profession sound designer

Maximilien Niepce, de l’agence Spectre : l’un des chefs d’orchestre du design sonore dans les hôtels. © DR

Spécialisés dans la création d’ambiances sur mesure, les sound designers imaginent des univers musicaux au plus près de l’identité de leurs clients (hôtels, restaurants, boutiques…), combinant la sélection de titres et le travail sur l’acoustique et les solutions de diffusion. Ainsi, l’agence Spectre, implantée à Paris, Hongkong, Dubai et bientôt New York, a façonné l’identité sonore du Cap-Eden-Roc et des hôtels de l’Experimental Group. L’agence Maison Sérieuse s’est chargée de celle d’adresses prestigieuses comme le J.K. Place et le Bristol à Paris, le Coucou Méribel ou l’Eden Roc à Saint-Barth, tandis que le studio Sixième Son a collaboré avec AccorHotels. De son côté, le duo Fred Viktor et Jerry Bouthier œuvre pour l’Annapurna à Courchevel et la collection Evok : il imagine une playlist Spotify spécifique pour chaque adresse, disponible sur Instagram, dont le Sinner dans le Marais, à Paris, pour lequel il a choisi une large collection de vinyles et fait venir aux platines un DJ différent tous les soirs.

Article paru dans le numéro 130 d’Hôtel & Lodge.

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