Ça tourne : les hôtels, décors de films et séries

Poser une caméra au Plaza Athénée à Paris, au Carlton à Cannes, au Caesars Palace de Las Vegas se conçoit… mais au Bel Air à Saint-Brice-sous-Forêt, dans le Val-d’Oise, au Skopelos Village Hotel en Grèce ou au Stanley dans le Colorado, moins évident…

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

Septième art et hôtellerie forment des couples glamour, séducteurs, glaçants, grinçants, parfois incestueux mais toujours fascinants. L’un inspire l’autre, le vampe, et vice-versa. Et lorsqu’un film ou une série cartonne, son succès rejaillit sur l’hôtel lui ayant servi de décor. Sa notoriété, dès lors, monte en flèche, comme ses réservations, tel que le confirme Isabelle Maurin, directrice de la communication du Plaza Athénée et du Meurice, les deux palaces parisiens de la Dorchester Collection : « Le tournage des séries et des blockbusters rapporte d’abord, par la location des lieux aux sociétés de production, des sommes conséquentes, non négligeables dans un budget. Et si le succès est au rendez-vous, les réservations suivent. Ainsi, plus de dix ans après le tournage du dernier épisode de la saison 2 de Sex and the City au Plaza Athénée, celui où Carrie Bradshaw quitte Mr Big (Chris Noth), des Asiatiques, Coréens en tête, se “battaient” pour dormir, quel que soit le prix, dans la suite de Carry Bradshaw. Nous répondons cependant à peu de sollicitations de réalisateurs, nous sommes avant tout un palace dédié à l’hospitalité. Nous écartons, qui plus est, les synopsis violents, dégradants, immoraux, puis passons au gril les projets retenus, demandant parfois quelques ajustements pour préserver notre image. Une fois que tout est OK, nous élaborons un contrat précis, détaillant les conditions de tournage. Ainsi, les scènes dans les parties communes, bars, restaurants, se déroulent la plupart du temps la nuit. Dernières productions acceptées, Miraculous, le film de Jeremy Zag,Julia, la série TV de Daniel Goldfarb, Irma Vep d’Olivier Assayas. Nous avons aussi apprécié l’invasion, il y a quelques années, des Schtroumpfs 2, qui nous a valu un afflux de familles avec bambins, bienvenus au palace. »

Palace de l’avenue Montaigne, avec vue sur la tour Eiffel et ses stores rouges, le Plaza Athénée a servi de décor à Sex & the City. © Eric Laignel

Paris et ses hôtels cartonnent et croulent sous les demandes, comme la Côte d’Azur, exerçant un pouvoir d’attraction sur les cœurs d’artichaut et les midinettes épris de romantisme. Le mythe du french lover résiste aux modes, génération après génération. Les vues sur la tour Eiffel et sur le bleu turquoise de la Méditerranée restent les décors fantasmés pour appâter les spectateurs. Les cinéastes en jouent, naviguant de palaces azuréens sur les Riviera française, italienne, grecque, à des adresses plus exotiques du côté de l’océan Indien. Encore faut-il un scénario bien ficelé. Amants de Nicole Garcia, dont une partie a pour cadre le Prince Maurice, 5-étoiles, joyau de la collection Constance sur l’île de l’océan Indien, malgré un casting plus qu’alléchant (Pierre Niney, Benoît Magimel…) n’a, comme on dit, « pas rencontré son public ». « Nous ne regrettons pas pour autant d’avoir reçu les équipes. Le grand écran révèle avec splendeur le Prince Maurice et depuis, Pierre Niney, insulaire patenté, vient régulièrement chez nous, en vacances en famille, une retombée non négligeable pour notre établissement et notre île, » se réjouit le service relations publiques des hôtels Constance.

Tournage d’Amants, de Nicole Garcia, au Constance Prince Maurice, l’un des plus jolis 5-étoiles de l’océan Indien. © DR

Skópelos, île des Sporades, en mer Égée, a bénéficié elle aussi d’un excellent faire-valoir grâce à Mamma Mia !, comédie musicale de Phyllida Lloyd où une Meryl Streep survitaminée et un Pierce Brosnan, alias Monsieur 007, « interprètent » les chansons du groupe ABBA. « La joyeuse bande logeait au Skopelos Village Hotel, boutique-hôtel de 35 chambres, désormais 5-étoiles, se mirant dans la mer Égée, se souvient Vaggelis Drossos, directeur de l’office de tourisme. L’année suivant la diffusion, en 2009, l’hôtel et l’île ont enregistré un pic de fréquentation. À chaque rediffusion sur les chaînes de télévision du monde ou dans les salles, le phénomène se reproduit : le Skopelos Village hôtel refuse les clients, qui se reportent vers d’autres hôtels, voire des villas, voulant absolument découvrir Skópelos. »

C’est au Four Seasons Maui at Wailea à Hawaï que le réalisateur de White Lotus a filmé certains de ses épisodes les plus drôles. © DR

Autre île, Hawaï, autre océan, tout aussi bleu, le Pacifique, pour la comédie satirique White Lotus. Non seulement les téléspectateurs sont accros à cette série qui espionne les hôtes et les employés d’un hôtel de luxe, mais ils ne rêvent que de partir dans les deux Four Seasons, le Maui at Wailea et le San Domenico Palace en Sicile (lieu de tournage de la saison 2), où évoluent les personnages. « Une aubaine, s’enthousiasme, chemise à fleurs, physique d’acteur, Ben Shank, le directeur général du resort hawaïen, les Français, hormis une poignée de surfeurs, étant jusqu’à présent peu attirés par nos rivages, qu’ils jugent trop lointains, trop américanisés. »

Le Stanley Hotel, 3-étoiles dans le Colorado, décor de Shining, serait désormais hanté par de gentils fantômes pactisant avec les hôtes. © DR

En dehors de ces lieux paradisiaques, qui fait aussi recette ? Les hôtels ayant servi de cadre aux films d’horreur, surtout à Halloween et plutôt auprès des millenials que des boomers. Exemple, le Stanley Hotel, au cœur du parc national des Rocky Mountains, dans le Colorado, sélectionné par Kubrick pour Shining, là où, chambre 237, la folie, la psychopathie de Jack Torrance, interprété de façon magistrale par Jack Nicholson, explosent. Le Stanley Hotel, 3-étoiles cosy, façade blanche, piscine, planté dans un paysage serein, malgré l’histoire sordide de Shining et ses soi-disant gentils fantômes, réjouit familles et tribus, interprétant l’été une partition gentillette. Comme quoi rien ne vaut la vie plus ou moins étoilée pour damer le pion aux scenarii les mieux ficelés.

Le Bel Air… pourquoi ?

Dans Itinéraire d’un enfant gâté, Belmondo et Anconina sont en tête à tête dans une chambre au deuxième étage du Bel Air, ce sans étoile dans le Val-d’Oise, avec un resto turc qui existe toujours. « C’est Eddy Mitchell qui m’en avait parlé car il tournait souvent son émission “La Dernière Séance” au Palace à Beaumont-sur-Oise, cinéma qui appartenait au même propriétaire, Max Brami. Je voulais un lieu bruyant, je l’ai eu », explique Claude Lelouch. Plus mal placé, entre deux bretelles d’autoroute, difficile de trouver. Je l’ai choisi pour ça, cet hôtel où on n’aurait jamais envie de s’arrêter. » La moitié des chambres louées pendant trois semaines : une aubaine pour Brami, cinéphile qui plus est, et un petit coup de projecteur attirant alors quelques clients curieux et, surtout, incitant d’autres réalisateurs à tourner ici. Aujourd’hui, en ouverture de la page Facebook du Bel Air, figure encore la photo des acteurs vedettes.

Sur les pas d’Emily 

© DR

La saison 2 d’Emily in Paris, tournée en partie au Grand-Hôtel du Cap-Ferrat, a donné l’idée au service marketing de Four Seasons de proposer, en 2022, un forfait « Girls trip sur la Riviera » calqué sur l’expérience d’Emily et de ses deux amies : trajet en Bentley de l’aéroport, suite piscine, cabana, spa, expédition boutiques à Monaco, avec personal shopper, etc. Un carton ! Si le forfait n’est plus en ligne, la même expérience peut évidemment être montée sur mesure. « Nous sommes toujours sollicités, pour des enterrements de vie de jeune fille, de longs week-ends entre filles. En priorité par une clientèle américaine », constate le service marketing.

Article paru dans le numéro 132 d’Hôtel & Lodge.

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