Fan absolu du bassin d’Arcachon, il ne mettait jamais les pieds sur la Côte d’Azur, et toujours à reculons. Mais deux beaux projets ont amené le designer devant les paysages sauvages et préservés du Var. Aujourd’hui, le voilà conquis !
Propos recueillis par Céline Baussay / Photo Jean-Baptiste Mondino
Philippe Starck fait aveu d’ignorance : « Je n’avais pas très envie de venir sur la Côte d’Azur tout simplement parce que je ne la connaissais pas. » Pourtant, son histoire personnelle n’est pas sans lien avec la région : « à l’âge de 17-18 ans, j’y avais un ami et nous allions déjeuner presque tous les jours chez les parents de Brigitte Bardot. Ils habitaient une minuscule maison très humble, une icône comme j’adore, avec la treille, les colonnes et le petit coteau. C’était absolument génial. C’est là que j’ai compris ce que devait être cette région, mais que je n’ai pas retrouvé plus tard. »
Il raconte aussi volontiers un autre épisode méditerranéen de sa vie : « mes parents possédaient un beau voilier en bois et leur destination de prédilection était toujours l’île du Levant. Un jour, j’ai lu un article sur cette île et je me suis dit qu’elle devait être fantastique, que c’était l’équivalent de l’île Moustique, mais tout près de nous. J’ai dit à ma femme : « on y va, on va acheter une maison ». Nous sommes partis là-bas en bateau un jour d’hiver, en pleine tempête. Nous avons trouvé une toute petite cabane au bord de l’eau, nous l’avons achetée… et nous n’y sommes jamais revenus, par manque de temps. C’était il y a cinq ans. »
Philippe Starck et Michel Reybier, propriétaire du groupe La Réserve, dans le décor de La Réserve à la Plage.
Plus récemment, deux hommes l’ont amené à changer d’avis sur la Côte d’Azur : par amitié pour Michel Reybier, propriétaire du groupe hôtelier La Réserve, il a imaginé un restaurant-cabane chic : La Réserve à la Plage, inaugurée en avril 2019 sur la mythique plage de Pampelonne. « J’ai évidemment beaucoup entendu parler de Nikki Beach, de la Voile Rouge, sauf que je n’y étais jamais allé. C’était la toute première fois de ma vie que je venais sur une plage à Saint-Tropez ! »
Dans le même temps, il a été contacté par Alain Weil, PDG d’Altice France et homme de médias (il a racheté RMC et lancé BFMTV), pour un projet d’hôtel à La Croix-Valmer, le futur Lily of The Valley. Starck en parle comme d’une révélation : « il a réussi à me traîner par les cheveux sur ce qui est maintenant la terrasse de l’hôtel et j’ai fait « wouah, c’est sublime », ça a été un choc. Pendant les travaux, j’ai loué un scooter pour aller me balader. J’ai découvert un lieu miraculeux, préservé, magnifique, alors qu’à une heure et demie de là, tout est ravagé, gâché, affreux. C’est une forêt, un endroit totalement sauvage, et moi je n’aime que cela. J’ai quelques maisons ailleurs, en bord de mer, mais j’ai rarement vu une organisation du paysage comme celle-là, avec les îles au loin. On a l’impression que c’est une peinture. Je suis troublé et bien embêté. J’ai revu violemment ma copie. Je me verrais m’installer ici à la seconde. »
Rencontre parue dans le numéro 108 d’Hôtel & Lodge