Maison Brazet, l’excellence française

Au fond d’une cour pavée, dans le XVIe arrondissement de Paris, les mobiliers les plus rares retrouvent leur aura grâce à la maîtrise de gestes ancestraux et l’utilisation de matériaux traditionnels.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

«Jamais je ne te succéderai, répétait, ado, Rémy Brazet à son père, Jacques. Jamais je ne passerai ma vie à tapisser de vieux meubles, comme toi et ma grand-mère Amélie. » Campé sur ses certitudes, Rémy entre à l’école du Louvre, hésitant, sans conviction, entre le métier de commissaire-priseur et celui d’antiquaire, même si l’idée d’acheter 500 euros un objet pour le revendre 1 500 le chiffonne. Le destin sait être malin. Rémy a comme professeur une des conservatrices du château de Fontainebleau, remarquable demeure royale, une des plus belles de France, demeure où Brazet a restauré des pièces essentielles. Le jeune homme mesure alors la noblesse du métier de ses ancêtres et invite quelques-uns de ses acolytes, curieux, à visiter l’atelier de la rue des Belles-Feuilles. Leur émerveillement étonne et secoue le jeune étudiant. Qui, pesant le pour et le contre, décide d’intégrer le fief familial pour apprendre le métier de tapissier sur le tas. À 30 ans, le décès brutal de son père le propulse à la tête de la maison. « Je n’ai jamais regretté, épaulé par une équipe de sept personnes passionnées et sachant que Julien Huet qui travaille avec moi, me succédera, soucieux de perpétuer notre noble métier. L’artisanat revalorisé, j’accueille, qui plus est, des jeunes doués comme Emmanuelle, experte en art de rembourrer les assises avec du crin de queue de bœuf et de poser des semences, ses petits clous de tapissier, avec un ramponneau, marteau aimanté. Estelle et Lucie, les aînées, cousent à la main de précieuses étoffes qui nécessitent parfois des années de tissage. Notre atelier ressemble à un garde-meubles. Les pièces confiées par les châteaux de Versailles, de Fontainebleau, de Compiègne, les plus grands musées du monde, de Boston par exemple, mais aussi des particuliers, Américains, Australiens, des collectionneurs privés, attendent de passer entre les mains expertes de mes compagnons pour retrouver leur beauté originelle. »

Dans quelques mois, Rémy Brazet, troisième génération, laissera sa maison entre les mains de Julien Huet. © Fico
Sur des structures du XVIIIe siècle, dans les ateliers Brazet, Jean-Baptiste Auvray a créé sa ligne « Héritages ».

Dans quelques jours, l’un des plus grands canapés Louis XV d’époque au monde, 4,50 m, débarquera, colonisant une grande partie de l’espace de cette Entreprise du patrimoine vivant. Sur un mur, trois photos décolorées de trois sièges, confiés pour les restaurer à des époques et par des personnes différentes, illustrent le sort de Napoléon : le trône de son sacre, le fauteuil où il signa son abdication et sa chaise d’infirme à Sainte-Hélène. Un hasard qui témoigne de la réputation sans égale de cette équipe de décorateurs qui s’amusent parfois à signer leur travail d’une caricature ou d’une phrase, cachées, que dans 200 ans peut être un tapissier découvrira. 

Du neuf avec du vieux

© Loic Salfati

Jean-Baptiste Auvray, créateur de l’agence d’architecture d’intérieure et de design Faire, travaille avec des artisans et des entreprises labellisées EPV (Entreprise du patrimoine vivant), pour aménager hôtels, boutiques, résidences privées. Ainsi, en collaboration avec la maison Brazet, il a développé Héritages, ligne de mobilier contemporain, des sièges notamment, conçue à partir d’authentiques structures, Louis XV, Louis XVI, Empire, etc., piétement, assises. « Si on les déshabille, précise Jean-Baptiste, on retrouve l’ossature originale en bois, datant de plusieurs siècles. »

Article paru dans le numéro 138 d’Hôtel & Lodge.

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