Ce n’était pas sa vocation première, mais vingt ans après la fermeture de l’atelier de marqueterie de paille de son grand-père, Lison a repris le flambeau et créé son propre studio dédié à ce matériau un temps tombé en désuétude.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photo de couverture Michelangelo Foundation
«Issue d’une famille d’artisans d’art, je me suis dirigée naturellement vers des études de reliure et de dorure à l’Union centrale des arts décoratifs, dont je suis sortie diplômée en 1972, avant de m’initier à la marqueterie de bois », raconte Lison de Caunes. Puis, par atavisme familial, elle s’essaie, sans grand succès commercial, à la marqueterie de paille, ouvrant malgré tout son studio en 1978 : « Par goût et en mémoire de mon grand-père décédé trop tôt en 1957 sans avoir pu me transmettre son savoir-faire, me former. »
Les débuts sont difficiles, les fins de mois compliquées. Mais Lison s’accroche. Sa ténacité est récompensée quand des architectes et des designers, « redécouvrant » l’Art déco, s’emparent de ses codes et de ses matériaux, le bronze, le galuchat, le verre gravé et la marqueterie de paille. C’est ainsi que, quasiment du jour au lendemain, son carnet de commandes se remplit. Peter Marino, architecte designer, la choisit pour les magasins Vuitton et Guerlain, puis pour Cheval Blanc, palace parisien. Antonio Citterio & Patricia Viel lui demandent de réaliser des paravents pour l’hôtel Bulgari Paris, Pierre-Yves Rochon des panneaux pour le Woodward de Genève… « Dernièrement, je suis intervenue sur le chantier de rénovation des suites de l’hôtel Meurice, j’ai été sollicitée pour les boutiques Cartier, dont celle de Chicago, et la boutique Guerlain au sein du magasin Harrod’s à Londres. Et j’ai réalisé un ensemble de trois tables pour l’anniversaire de la galerie Maison Parisienne, exposées au musée des Arts décoratifs. »
Son seul matériau : la paille de seigle, abondante, accessible, qui, une fois travaillée, change de registre, perd son aspect rustique et devient luxueuse : « La paille à tout pour plaire, son côté naturel, son assemblage simple, une fois la technique acquise, qui ne nécessite aucun vernis et peu d’outillage, des plioirs, des scalpels, des ciseaux, de la colle et des règles. Elle se prête parfaitement à l’édition, comme je le fais, exclusivement sur commande, tout à la fois de panneaux décoratifs, de petit mobilier et d’objets qui apportent un cachet particulier, aussi bien à une boutique, un 5-étoiles, une demeure privée. »
Marcher sur ses traces
Lison aime transmettre, partager. Elle a ainsi formé tous les artisans travaillant à ses côtés, organise pour tous des stages de deux jours d’initiation à la marqueterie de paille. Elle intervient aussi au Campus MaNa, dans l’Yonne, qui propose en résidence des formations professionnelles aux métiers d’art, du design et de l’architecture : « Si on veut assurer la survie de la filière, de celui qui cultive la paille, la récolte, à celui qui la travaille, il faut préparer la relève. »
Article paru dans le numéro 136 d’Hôtel & Lodge.