L’auteure belge bouscule tous les codes : look sombre, visage lumineux. Voix claire, dureté d’écriture. Son dernier roman, Le Livre des sœurs*, emporte dans l’intimité d’une fratrie fusionnelle. Énigmatique, comme elle.
Propos recueillis par Monique Delanoue Paynot
Vous êtes née au Japon, une empreinte indélébile?
J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 5 ans. Mais j’appartiens à cette catégorie d’individus pour qui les premières années sont les plus importantes. Je me souviens extrêmement bien de ma toute petite enfance. « Ce qui définit le mieux ma personne est d’avoir été arrachée de ce pays », dites-vous… Oui, car je me suis construite à partir de ce manque du Japon. Mais pas n’importe lequel ! Je suis née dans le Kansai, à Kobe, dans le Sud. J’ai grandi dans la montagne. C’est le Japon comme on le rêve, celui des estampes, d’une beauté extraordinaire, aux gens respectueux. Être arrachée des bras de ma nounou japonaise, que j’aimais autant que ma mère, fut un choc tribal. À me déclarer japonaise. À vouloir retourner dans mon pays, un jour ! Ce que j’ai fait à l’âge de 21 ans et qui a donné lieu à l’épisode que je raconte dans Stupeur et Tremblements.
La Chine, New York, l’Asie du Sud-Est… au gré des déplacements professionnels de votre père ambassadeur, que gardez-vous de cette enfance voyageuse?
Tous les trois ans, quitter un pays pour tout recommencer ailleurs, c’était horrible! Et merveilleux. Pour nous les enfants (Amélie a une sœur, Juliette, et un frère, André, NdlR), l’impression était apocalyptique. La Chine m’a laissé des souvenirs exceptionnels. New York, l’extase! Passer du jour au lendemain de la Chine populaire à l’agitation frénétique… Quant au Bangladesh, à l’époque jeune démocratie, ce fut fascinant d’y vivre : le pays le plus pauvre de la Terre à la dimension humaine grandiose. Nous étions fous de joie de ces voyages… ou terriblement effrayés.
Quelle voyageuse êtes-vous à présent?
Légère! Pour me sentir libre, je voyage avec un petit sac à dos et très peu de choses dedans. Je déteste les valises. L’impression de transporter ma prison. J’adore ma maison, mais ce qui rend un voyage grisant est d’échapper à un quotidien, certes formidable, mais très organisé. Les hôtels de luxe, vous aimez? Je suis tout terrain. Cela m’arrive d’être dans des 5-étoiles, comme le Lausanne Palace de mon collègue écrivain, Douglas Kennedy, et je ne boude pas mon plaisir. Mais j’ai dû apprendre à aller dans des hôtels rudimentaires. D’ailleurs, mon préféré, existe- t-il encore, est un ryokan, une auberge traditionnelle à Kyoto, le Nashinoki (« poirier »), avec portes coulissantes en bois léger, parois en papier, tatamis pour dormir.
Quels endroits dans le monde vous inspirent encore?
Ma nouvelle passion est la forêt amazonienne! J’y suis déjà allée trois fois pour de longs séjours. C’est un voyage temporel incroyable, j’aspire follement à y retourner. Mon autre rêve est de découvrir l’Islande et je savoure la partie de ma vie où je ne connais pas encore le pays de Björk, que j’imagine volcanique et extraordinaire.
Le coup de coeur d’Amélie Nothomb : Les Bulles de Paris, « un hôtel à champagne »
« C’est un hôtel pour les amoureux. Du champagne, entre autres… Je le recommande. Chaque suite porte le nom d’un champagne ou d’un amateur. Il est très bien situé dans Paris, au cœur du quartier latin. L’accueil est exquis, luxueux, sans donner l’impression d’être impénétrable. On peut tout à fait décider, sur un coup de tête, d’aller s’offrir la suite Amélie Nothomb pour un week-end. Et l’on y boira des merveilles! »
Article paru dans le numéro 125 d’Hôtel & Lodge.