Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Posé aux portes du désert, le second 5-étoiles tunisien du groupe Cenizaro enchante tout autant les voyageurs nomades que les officiels en mission, ambassadeurs en tête. Pari osé, pari gagné.
À peine descendu de l’avion, on bascule dans un monde minéral flouté, dont les contours tremblent sous le soleil d’été. Dans le 4×4, à gauche comme à droite du ruban d’asphalte, seul itinéraire menant de Tozeur à Douz, les dunes chauffées à blanc se détachent du tapis de cristaux de sel rose aveuglant. Surgis de nulle part, des chameaux traversent la route à pas très lents, contraignant le chauffeur à stopper. Alors on se repaît de ce décor hallucinant du chott el-Jérid, qu’on devine rude pour l’homme. À 300 mètres de la route, la carcasse dézinguée d’un bus attire le regard, figée dans ce magma argileux comme un rappel à l’ordre, une injonction à se soumettre aux lois qu’édicte cette nature sans pitié, dont seuls les nomades berbères acceptent les contraintes.
Après ces kilomètres initiatiques, Douz semble une bénédiction. Oasis, au cœur du Grand Erg oriental, avec ses palmiers, ses murailles ocre et blanches, ses ruelles bordées d’ombre. Et si, aujourd’hui, ses 22 000 habitants tirent davantage leurs revenus du tourisme et de la culture des dattes que du passage des caravanes, ses jolis quartiers, son musée et les plus anciens content avec éloquence les traditions chamelières.
En acquérant, pour construire son 5-étoiles sudiste, à 3 kilomètres de Douz, 14 hectares de dune d’où jaillit une source, le groupe Cenizaro participe à la renaissance et à la mise en lumière de cette culture ancestrale. The Residence n’est pas un hôtel planté dans le désert, mais un hôtel partie prenante du désert. Il s’y inscrit, s’inspire de son artisanat, de son art, de ses coutumes, de sa cuisine. Ses 50 villas blanches éparpillées sur la propriété, dont les plantes et arbres encore en devenir délimitent des espaces privés avec ou sans piscine, évoquent les campements berbères. Le cabinet HBA/Hirsch Bedner Associates a dessiné le mobilier semblable à celui des maisons des riches marchands, mixant cuir, bois, cuivre. Ses équipes ont chiné les tapis margoum en laine, fixé sous verre les châles bakhnoug, noirs des célibataires, rouges des femmes mariées, les accrochant à côté d’œuvres de jeunes peintres tunisiens pour personnaliser chaque villa.
Sana Gafsi, la directrice, parachutée avec quelque appréhension de The Residence Tunis dans ce grand Sud qu’elle ne connaissait pas, apprivoise ses paysages, recrute alentour, surprise par la spontanéité, la gentillesse, la capacité à établir le contact d’une population habituée depuis des lustres à accueillir des tribus en transit : « Le personnel, c’est un de nos points forts. Du bagagiste au chef de cuisine, des thérapeutes aux concierges, tous ont hérité du sens inné de l’hospitalité, de l’entraide, de la courtoisie. Fiers de leur terre, de leur erg, ils en livrent les secrets, les mystères. Et apprennent peu à peu les codes de l’hôtellerie de luxe. » Walid Gafsi, son mari, grand gaillard au regard de velours, kinésithérapeute de formation, dirige le spa Clarins et vante avec autant de chaleur le souci constant de ses thérapeutes d’embellir, de soulager, conseiller : « Ici les massages font partie intégrante du quotidien, le hammam, les bains de vapeur, les gommages aussi. Mes quatre thérapeutes, formés par les équipes de Clarins, ont investi l’espace avec naturel, adopté les protocoles et les produits de la maison française avec enthousiasme. Ajoutant souvent, à la fin d’un soin, une note personnelle… un rituel de quelques minutes. À la tunisienne. »
La période idéale
De mi-septembre à fin avril, le désert s’explore sans souci. Mais, au-delà de 45 degrés, les autorités ferment nombre de sites. À Douz, même la vie ralentit, le marché perd de sa superbe. Nec plus ultra, décembre : outre le climat agréable, depuis 1910, Douz organise pendant quatre jours, vers le 20 du mois, le Festival international du Sahara. Entre mariages traditionnels, marchés aux bestiaux, marquages des jeunes chameaux, combats, courses, fantasias, une occasion unique de rencontrer le peuple du désert.
Article paru dans le numéro 136 d’Hôtel & Lodge.