Trésor du centre historique de Carthagène des Indes, cet ancien couvent du XVIIe siècle a trouvé son salut dans un nouveau registre, l’hôtellerie. Dans le nord de la Colombie, au bord de la côte caraïbe, une légende vivante au décor et au magnétisme étonnants.
Texte Céline Baussay
Entre les rues pavées et les épais remparts, les palais andalous et les maisons multicolores, le cœur vibrant de Carthagène, classé Unesco, raconte cinq siècles d’histoire. La brise venue de la mer des Caraïbes ne suffit pas à rafraîchir l’atmosphère. Mais la torpeur n’empêche pas les anciens de jouer aux échecs, les vendeurs à la criée de donner de la voix, aux abords du Sofitel Legend Santa Clara. Son entrée est discrète, une simple double porte en ferronnerie percée dans une façade ocre orange. Dans le lobby, le superbe plafond en bois date de la pose de la première pierre, en 1621, de ce couvent destiné alors à accueillir l’ordre des Clarisses. La monumentale bâtisse deviendra ensuite un hôpital, une prison, une faculté de médecine, les ateliers de l’école des Beaux-Arts, le siège de la ligue départementale de baseball… Entre-temps, en 1929, elle s’agrandit avec une nouvelle aile au style néoclassique. En 1995, elle est enfin restaurée, transformée en hôtel, et en 2012, elle prend son nom actuel : Sofitel Legend Santa Clara.
Lieu chargé d’histoire, riche d’un patrimoine exceptionnel, elle coche en effet toutes les cases pour entrer dans la collection Sofitel Legend du groupe Accor. Au même titre que le Old Cataract en Égypte ou le Metropole à Hanoï. Le prince Hussein de Jordanie, Fidel Castro ou encore Yasser Arafat ont compté parmi ses premiers clients.
Le temps semble suspendu dans ce lieu divin, propice au ralenti, à la méditation, où prévaut une drôle de sensation, presque mystique. La table gastronomique 1621 a investi le foyer des Clarisses. El Coro Lounge Bar surplombe la crypte du couvent, une curiosité en soi. Mais la rigueur religieuse a laissé la place aux plaisirs épicuriens pour les clients de l’hôtel, loin d’être reclus, heureux de tester les cocktails du Coro Lounge Bar, le divin « arroz de coco » (du riz cuit dans un caramel de coco) du chef français Dominique Oudin, ou les soins signature du spa Sisley Paris mâtinés de traditions colombiennes.
Pendant le petit déjeuner, des palenqueras assurent le spectacle : ces femmes d’origine africaine qui, hors les murs, portent dans des paniers posés sur leur tête des fruits tropicaux, des brioches de maïs et des friandises à vendre, parcourent ici les galeries couvertes du cloître, se faufilent entre les tables, en faisant virevolter leurs robes bariolées. À la tombée de la nuit, au même endroit, commence le rituel des bougies, commun à tous les Sofitel Legend, ici mis en scène par des hommes en tenue de moine. Le cloître replonge alors dans un silence solennel.
Une inspiration pour Gabriel García Márquez
L’écrivain colombien, Gabo pour ses compatriotes, a beaucoup écrit sur Carthagène, sa ville chérie. Le couvent de Santa Clara, celui des « enterrées vivantes » selon ses propres termes, face auquel il a résidé, apparaît même dans son roman De l’amour et autres démons comme celui où était enfermée son héroïne du xviiie siècle, Sierva Maria, soupçonnée de porter la rage après s’être fait mordre par un chien. Il y évoque notamment « un bâtiment carré face à la mer » et « une galerie d’arches autour d’un jardin agreste et sombre ».
Dormir chez Botero
Les 125 chambres et suites de l’hôtel se répartissent entre le couvent et son extension. Parmi elles, 4 suites signature conçues en hommage à des artistes plasticiens colombiens : Ana Mercedes Hoyos, Jim et Olga Amaral, Enrique Grau et Fernando Botero. Celle dédiée à Botero lui a été soumise pour approbation et c’est sa fille, Lina, qui s’est chargée de la décoration intérieure. Elle mesure 147 m2 et possède une magnifique salle de bains en marbre, un salon-bibliothèque très haut de plafond, avec la copie de deux œuvres de Botero et quelques photos personnelles au mur. Sa gigantesque baie vitrée donne sur la piscine extérieure.
Article paru dans le numéro 137 d’Hôtel & Lodge.