Pour son premier hôtel en Inde, Six Senses redonne vie à un fort du Rajasthan du xive siècle. Palais d’origine et bâtiments nouveaux ébauchent un cadre à la fois intimiste et grandiose, offrant une escale de sérénité dans un pays réputé pour son agitation incessante.
Par Astrid Latapie / Photos : droits réservés
En décembre, l’or tapisse les campagnes de ce coin du Rajasthan. Partout où l’œil se pose, le jaune vif des champs de moutarde tranche sur le bleu du ciel. Au sommet d’une butte, une forteresse du XIVe siècle dessine ses contours crénelés. Une allée dallée de pierres inégales trace le chemin et force à marquer le pas, à laisser derrière soi le tourbillon de l’Inde. Il aura fallu dix années pour redonner à cette vieille sentinelle toute sa splendeur et la voir transformée en hôtel de luxe. Un escalier monumental parcouru de cascades mène à une plateforme d’où le regard embrasse les vieux palais à la patine conservée et les bâtiments nouveaux aux lignes claires.
L’aile abritant les 48 suites et la réception a été esquissée par l’architecte Parul Zaveri. Son travail empreint d’ascèse majestueuse reflète la continuité des traditions architecturales du Rajasthan. Dômes et clochetons coiffent les toits, de hautes arches toujours en nombre impair cassent la régularité des coursives, les volées de marche se comptent en multiple de trois.
Le choix des matériaux se veut noble, comme les lieux. Une profusion de marbre blanc, de boiseries, de grès rose, de plâtre de Paris habille communs et chambres, dans le respect des techniques anciennes.
Le groupe Six Senses s’est emparé de cet écrin intimiste pour y ouvrir son premier hôtel en Inde. Il réplique son ADN à travers des expériences sensorielles qui débutent dès l’arrivée au fort.
En guise d’accueil, une employée récite le mantra Om Shanti, synonyme de paix, le laissant se réverbérer sous la coupole de la réception. Un GEM (Guest Experience Manager) guide ses hôtes jusqu’à leur suite, de véritables cocons de volupté à la sensation d’espace préservée. Point de mobilier encombrant ou surchargé, mais des canapés et banquettes aux tons neutres tout juste rehaussés de rouge grenade, des éclairages étudiés, à tamiser d’une simple pression du doigt sur un interrupteur.
Le luxe s’invite dans des détails aussi triviaux que des toilettes japonaises ou aussi délicats que les poignées de porte en bronze, des mains ouvertes en position de mudra vitarka, le symbole de la transmission de la sagesse bouddhique.
La journée s’écoule au rythme d’activités douces propices à la méditation. L’atelier de poterie prend ses aises au bord de la piscine tandis que le son de bols tibétains résonne dans l’ancien temple du zenana, le palais réservé aux femmes. En fin de journée, une dame venue du village prépare le chaï, le thé aux épices, servi dans la cour-jardin du palais des hommes, le mardana.
Elle enchaîne en façonnant à la main des chapatis (des pains plats), tandis qu’à ses côtés, sous le flamboyant, les hommes entonnent la complainte de contes traditionnels dont les notes se perdent dans les étoiles. La nuit promet d’être douce.
Article paru dans le numéro 120 d’Hôtel & Lodge