Maison Guérard, sous-titre de ce palace, Relais & Châteaux champêtre, qui a révélé au monde Eugénie-les-Bains, village landais. Oui, car c’est bien l’histoire d’une maison écrite depuis 50 ans par Christine et Michel, puis leurs deux filles Adeline et Éléonore.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
En juin 2023, le regard malicieux, le verbe primesautier, le chef trois étoiles Michel Guérard fêtait en sa demeure ses 90 ans. Quelques semaines plus tard, réunis au Domaine de Primard, près de Giverny, une centaine de ses confrères, en majorité étoilés, rendaient hommage à celui qui, sans jamais se hausser de la toque, toujours aimable, souriant, révolutionna la gastronomie, osant marier minceur et saveurs. Si la route du petit homme vêtu de bleu n’avait croisé, en 1972, celle de Christine Barthélemy, diplômée de HEC, héritière de la Chaîne thermale du soleil, il est fort à parier que ce fils de boucher-éleveur du Val-d’Oise aurait, après sa première adresse, Le Pot-au-Feu à Asnières, qui cartonnait, et ses gammes dans différents étoilés de la capitale, ouvert une nouvelle table parisienne. L’amour changea son destin mais aussi celui d’Eugénie-les-Bains et de la haute cuisine. Michel épousa sa fiancée et la suivit sur ses terres landaises. Comme dans les contes de fées, ils vécurent heureux jusqu’au décès soudain de Christine en 2019.


Travailleurs acharnés tous les deux, visionnaires, ils souhaitent alors changer l’image du lieu tout en préservant son côté thermalisme. Première initiative, baptiser le domaine de plus de 15 hectares « Les Prés d’Eugénie », puis revoir l’offre hôtelière et gastronomique. Ils s’attachent d’abord à métamorphoser la « grande maison » de 28 chambres et suites en boutique-hôtel 5-étoiles. Christine et Michel vont la doter peu à peu, notamment dans les salons du rez-de-chaussée, d’une collection rare de mobilier et d’objets chinés du Second Empire. Puis personnaliser les chambres avec des tissus joyeux, des peintures, des tableaux glanés de-ci de-là, des tapis persans, des lits en laiton du xixe siècle.


Et parce qu’ils savent que certains de leurs curistes aimeraient prolonger leur séjour à l’hôtel mais sans avoir les moyens de s’offrir un palace, ils réenchantent, toujours sur le domaine, au hasard des bosquets, des bassins et de cours d’eau, La Maison Rose, en maison d’hôtes 3-étoiles, style cottage anglais. Un ravissement !
En parallèle, Michel, avec sa brigade, décroche en 1977 trois étoiles Michelin, conservées jusqu’à ce jour. Trois étoiles audacieuses, conciliant le meilleur de la grande cuisine bourgeoise et les plus savoureux des plats minceur. Michel, avec discrétion, a quitté notre planète juste avant que la Maison Guérard, celle de Christine et la sienne, fête ses cinquante ans. La laissant entre de bonnes mains, celles de leurs filles Éléonore et Adeline qui l’ont entouré avec tendresse jusqu’à son dernier souffle.
En cuisine, son « héritier » Hugo
Michel Guérard, comme les plus grands, a toujours eu à cœur de partager, de transmettre. C’est lui qui, après l’avoir totalement associé à son travail, a nommé Hugo Souchet à la tête de ses cuisines. Sachant que le chef souhaiterait, tout en faisant évoluer la carte, s’inscrire dans ses pas, satisfaire les hôtes en proposant une vraie gastronomie française adaptée aux goûts et aux modes de vie actuels. Preuve qu’il avait raison, les clients fidèles s’assoient toujours avec la même gourmandise, le même plaisir dans les restaurants des Prés d’Eugénie.
Article paru dans le numéro 138 d’Hôtel & Lodge.