Demeure caïdale restaurée et agrandie après le séisme du 8 septembre 2023, Kasbah Tamadot est le camp de base idéal pour partir de village en village à la rencontre des habitants de l’Atlas.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
En construisant, en 1920, sa kasbah près d’Asni, village très animé, Mohamed Souktani, caïd puissant et influent de la région, savait qu’ici, l’été, un vent léger rafraîchirait sa demeure. Accourue du Toubkal, montagne la plus élevée d’Afrique du Nord (4 167 m), la petite brise, « tamadot » en amazigh, calme les ardeurs du soleil, expliquant pourquoi nombre de Marrakchis fuyant la fournaise estivale de la ville, à une heure de route, se nichent dans les plis de l’Altas. Monde rural, tribal, sauvage, aride, minéral où, autour de leurs maisons de torchis mises à mal par les derniers soubresauts des entrailles de la terre, les hommes cultivent dans leurs champs caillouteux quelques légumes et céréales, laissant courir en liberté surveillée chèvres et moutons, tandis que leurs ânes et leurs mules entravés pour ne pas s’échapper les transportent à l’égal des marchandises, indispensables à leur quotidien.
Ces bêtes dites de bât, promènent aussi les hôtes de Tamadot, sur les sentiers rocheux d’un lieu-dit à un autre, frôlant des précipices, contournant des chutes d’eau claires éclaboussant de vert la terre. À l’orée du village de Tagadirt – « petite muraille » – des portes s’entrebâillent, invitation à marquer le pas, à accepter une tasse de thé et quelques gâteaux disposés à la hâte par la mouina (la grand-mère). Autour de la toile cirée, on se parle avec les yeux et les mains. Parfois, un jeune balbutie quelques mots de français, révèle le territoire du couple de loups dorés rôdant dans les parages, « facile à débusquer à condition de marcher lentement, en silence, contre le vent pour que l’odeur de l’homme ne trahisse pas sa présence, confie Amir, un des 17 guides de la vallée, venu voir sa grand-mère. Né ici, je connais bien la montagne. » Les questions fusent, témoins de l’intérêt suscité. Alors Amir propose d’accompagner les curieux. Trente minutes d’approche en file indienne, muets, suivant les empreintes canines gravées dans la poussière du sentier. Et miracle, à l’ombre des genévriers, madame et monsieur Loup, se léchouillant. Leur robe d’un roux pâle masque leurs corps efflanqués. Une oreille, puis deux, puis trois, puis quatre se dressent. On déguerpit, peureux, sous le regard hilare d’Amir pointant le perturbateur, un aigle de Bonelli fuselé comme un avion de chasse fonçant vers un écureuil tentant, en vain, de gagner une planque. Requiem pour l’imprudent !



des fours en argile, offrir thé et gâteaux aux personnes de passage, tisser à la fondation Eve Branson… © Ussain Belabbes




Trois heures plus tard et quelques kilomètres plus haut, essoufflés, on redescend, vers la kasbah, forteresse ocre dont s’enticha Luciano Tempo, antiquaire, décorateur italien, qui l’acheta à la famille du caïd. Les éléphants, les bouddhas, les tentures et les coussins en soie chatoyante, le bassin d’ornement couvert de fleurs jouxtant la réception, c’est lui, voyageur au long cours. Lorsqu’en 2005, la mère de Sir Branson, repère, en montgolfière, la propriété, séduite, elle incite son fils à l’acheter. L’antiquaire la lui vend avec toutes ses œuvres d’art, son mobilier et son entrepôt de 1 000 m2 débordant d’objets les plus hétéroclites provenant d’Afrique, d’Inde et d’Extrême-Orient. En 2023, Kasbah Tamadot vacille sur ses bases, se fend de-ci de-là. Virgin Limited, la société de Branson, s’empresse de la restaurer et d’ajouter aux grandes tentes berbères très agréables à vivre et aux chambres six riads design, enclos dans un jardin privé avec piscine.


Depuis ce lifting, et sa réouverture en octobre 2024, la kasbah, avec sa cuisine 100 % maison, raffinée, son personnel berbère, recruté dans les communautés alentour, ses fours à bois où cuit le pain, les tajines et quelques pâtisseries, mérite plus que jamais ses cinq étoiles. Et désormais, avec son kids club, ses programmes de découverte sur mesure pour enfants et ados, le lodge se prête aux séjours familiaux. Tandis qu’en parallèle, son spa, ses sessions de yoga, de méditation, ses randonnées à thème invitent à des retraites bien-être sur mesure, dans le petit vent descendu des montagnes de l’Atlas s’enneigeant dès novembre.
Soutenir ses « voisins »
Lorsque Sir Branson achète Kasbah Tamadot, il demande à sa mère, Eve, de créer en parallèle une structure pour aider les communautés proches. Elle dépose les statuts d’Eve Branson Foundation qui finance le centre d’artisanat de Tamgounssi, spécialisé dans le tissage et le travail du bois. Une vingtaine de familles profitent ainsi de compléments de revenus. Après le tremblement de terre, la fondation a débloqué un fonds d’aide d’urgence en partenariat avec Virgin Unite, via Global Giving, pour reconstruire les villages, les écoles, soutenir des programmes de formation.
Article paru dans le numéro 141 d’Hôtel & Lodge.