En 2001, deux ans après l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco du village de Saint-émilion, de son paysage et son vignoble, la famille Perse achète l’Hostellerie de Plaisance. Entrant de plain-pied dans l’Histoire des lieux.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Gérard Perse, vigneron hors norme, propriétaire avec son épouse, sa véritable coéquipière, de l’Hôtel de Pavie, cycliste passionné, a quitté le peloton de tête mi-juillet après avoir mené avec ténacité sa dernière bataille contre la maladie. Quelques jours avant la disparition de leur mari et père, Chantal sa femme, Angélique, sa fille, nous racontaient leur parcours d’hôteliers : « Pendant des années, avec mon mari, Gérard, nous avons séjourné régulièrement à l’Hostellerie de Plaisance, appréciant son emplacement, sa vue imprenable, son esthétisme et surtout la personnalité chaleureuse, teintée d’humour des propriétaires. Quand ces derniers ont souhaité vendre, nous n’avons pas hésité un seul instant à nous porter acquéreurs, tant nous aimions cette maison, son âme. Elle était déjà presque nôtre », se souvient avec un rien d’émotion Chantal Perse. C’était en 2001, huit ans après être devenus propriétaires du domaine viticole du Château Monbousquet, trois ans, après l’achat de Château Pavie. Une évidence, alors, pour le couple Perse, amoureux du terroir, de relier hôtellerie, vin et gastronomie. Avec en prime le bonheur de contempler leurs vignes de Pavie de la terrasse de « leur » hôtel.



Avant la révolution de 1789, un couvent de religieuses accueillait ici même les pèlerins en route vers Compostelle et autres lieux saints. L’hospitalité, déjà, dans son sens premier. La Révolution mit à mal le couvent. Les religieuses chassées, il devint relais de poste, puis auberge. En 1927, pour la première fois, l’hôtel-restaurant apparaît sous le nom d’Hostellerie de Plaisance. Fermé pendant la Seconde Guerre mondiale, quasi abandonné, sa terrasse se transforme en guinguette, fréquentée avec plaisir et assiduité par les Saint-Émilionnais. Ce n’est qu’en 1960 que des hôteliers lui redonnent sa superbe. Les Perse, eux, vont lui offrir ses lettres de noblesse. Et en 2007, après avoir racheté une demeure contiguë du xviiie siècle, mandater le designer et photographe Alberto Pinto pour concevoir la décoration des 14 chambres et cinq suites de ce boutique-hôtel pas comme les autres. Sacrée réussite : cinq étoiles au fronton, adhésion à l’association Relais & Châteaux, table étoilée avec aux commandes le chef Philippe Etchebest, qui quittera les lieux, trop absorbé par ses émissions de télévision. « Mon mari, comme ma fille Angélique et désormais ma petite-fille qui envisage de devenir cheffe, sont passionnés depuis toujours par la gastronomie, plus que moi d’ailleurs. Nous avons une équipe en cuisine, bien pilotée, bien motivée, susceptible de nous apporter des étoiles. Le successeur d’Etchebest, Ronan Kervarrec s’y est attelé, récompensé de deux macarons Michelin avant de partir en 2020 », explique Chantal Perse. Amis avec Yannick Alléno, les Perse appellent à la rescousse le chef multi-étoilé. Il répond présent et forme un duo complice avec le chef exécutif Sébastien Faramond. La Table de Pavie retrouve les deux étoiles, briguant la troisième. Leur recette, valoriser la cuisine bordelaise : omelette d’alose au caviar, pigeon façon ortolan, huître au verjus, garbure, etc. Ils créent leur carte en relation étroite avec le chef pâtissier Sébastien Nabaile et bien évidemment Benoît Gelin, chef sommelier, le vin jouant une partition essentielle. En vedette, les meilleurs flacons de Château Pavie, premier grand cru de Saint-émilion classé A, qui depuis 1998 aligne des millésimes d’excellence.




C’est aussi en 2020 que pour affirmer son lien avec les domaines viticoles des Perse que l’Hostellerie de Plaisance prend le nom d’Hôtel de Pavie. Un 5-étoiles innovant en permanence. Cette année, Quitterie Cirotteau, architecte d’intérieur et designer parisienne, en magnifiant et modernisant les chambres de la Maison des Suites, l’ancienne maison de négoce du xviiie siècle, lui donne une autre dimension, la désignant avec ses immenses chambres et suites comme escale parfaite en pays bordelais, sur la colline de Saint-émilion. À une minute à pied de la collégiale, du beffroi et de l’église monolithe, à deux de la Tour du Roy et de la Porte de Cadène. Comment rêver meilleure situation ? Une situation appréciée à sa juste valeur par Gérard Perse qui après une enfance et une adolescence douloureuses, saisissant sa chance, bosseur émérite, a toujours voulu offrir le nec plus ultra à ses clients, ses amis. Avec générosité et sincérité.
« Faire de chaque accueil un moment inoubliable »

L’avenir de l’Hôtel de Pavie, selon Angélique Da Costa, fille unique de Chantal et Gérard Perse, directrice du personnel des Vignobles Perse et de l’Hostellerie de Plaisance et de l’événementiel, « c’est relever le défi de l’accueil, par davantage d’anticipation, de personnalisation. À l’hôtel comme au Château Pavie, nous proposons des accueils sur mesure, mêlant hôtellerie, vin, gastronomie, en tissant des liens entre nos maisons. Nos hôtes qui le souhaitent s’imprègnent ainsi de l’esprit de Saint-émilion. Nous venons d’ouvrir dans le centre du village Le Bistrot du Clocher avec une grande terrasse pour prendre un verre, déjeuner, mais aussi, avec notre chef pâtissier, le Glacier pour déguster glaces, sorbets, pâtisseries maison. Et, bien sûr l’œnotourisme au Château Pavie, avec visites privées, visites thématiques, attire de plus en plus de visiteurs, résidant ou non à l’hôtel. »
Article paru dans le numéro 142 d’Hôtel & Lodge.



