Pas de meilleure base de départ que Deplar Farm, métamorphosée en lodge par le groupe Eleven Experience, pour se projeter dans l’Islande nordique, là où les montagnes surplombent les fjords avant de tomber en pente douce dans l’océan Arctique.
Flirter avec le cercle polaire exige patience, persévérance et temps. On n’atteint pas cet extrême islandais sans des heures d’avion, des escales parfois interminables, des transferts improbables, des tempêtes de neige et un vent de travers contrariant. Mais lorsqu’on débarque devant les maisons moussues de Deplar Farm, paumées, à des lieux d’autres habitations, dans la Péninsule de Tröllaskagi, dite « des Trolls », tout au nord, on laisse choir sur le sol craquelé sa fatigue et son humeur ronchonne. Estomaqué par la couronne de hauts sommets encerclant la vallée de Fljot dont le manteau blanc témoigne des rigueurs climatiques, on guette, en vain, l’apparition des trolls, petits personnages bondissants à la crête fluo.
Gagnant sa suite douillette pour une douche bien méritée, on imagine la vie du dernier fermier qui élevait dans cette bâtisse du XVIIIe siècle quelque 300 moutons. Seul, dans une nature hostile, sans voisin, sans distractions autres que les aurores boréales et la pêche. Ne goûtant pas, comme les citadins de passage, les descentes à ski et les bains plus que toniques dans une mer qu’à ces latitudes le Gulf Stream s’abstient de réchauffer, slalomant dans l’Atlantique proche.
LE + vivre à des dizaines de kilomètres de toute autre habitation, dans un univers quasiment vierge. C’est ça, le luxe absolu.
Quitter, lorsque l’aube pointe, vers 10 heures, l’atmosphère cosy de Deplar sonne comme un hallali. On aimerait se blottir encore sous sa couverture moelleuse avant de pointer son nez dehors, devinant au frémissement de la maigre végétation le vent courant sans retenue dans la vallée.
Le petit déjeuner savouré au coin de la grande cheminée, peau de mouton sur les jambes, prépare le corps comme pour une expédition polaire. Pourtant, on est loin de vouloir rivaliser avec Jean-Louis Étienne marchant pendant 63 jours sur la banquise. Pour s’acclimater en douceur, dédaignant le ski hors piste ou toute autre activité sportive, le ciel étant clément, on choisit de survoler les glaciers et la côte, histoire de saisir la géographie des lieux, de mieux les appréhender. Belle excuse! Mais qu’on ne regrette pas lorsqu’on regagne le lodge après ce vol inimaginable, dévoilant quelques petits villages et ports blottis au fond des fjords qui, seuls, trahissent la présence humaine.
Pour se donner bonne conscience, on nage dans la piscine du spa, chauffée par géothermie, qui se prolonge sans frontière à l’extérieur, se repaissant du silence et de la qualité de l’air avant de tester le sauna viking creusé dans la tourbe et le drôle de caisson d’isolation sensorielle où l’on flotte en apesanteur.
La nuit tombée par surprise, à 16 heures, pas question de ressortir. On se love dans un fauteuil du salon bibliothèque, discutant avec Garðar Garðarsson, la chef, grande et jeune femme. Elle confie se ravitailler en légumes, poissons (saumon omble chevalier) chez les producteurs alentour et adapter les recettes traditionnelles islandaises aux palais d’aujourd’hui, préservant chaque saveur. Au dîner, servi à la grande table d’hôtes, on comprend dès la première bouchée pourquoi un jury de professionnels l’a honorée du titre de meilleur chef 2018 d’Islande.
21 heures, nuit d’encre ! Soudain la lumière change… et on assiste bouche bée à une aurore boréale, semblable à une explosion non maîtrisée de lasers. Époustouflant. Alors, saisi par l’intensité du moment, on émet en secret, comme pour chaque première fois, un vœu. Celui de revenir pendant l’été pour taquiner le saumon, monter à cheval, compter les baleines transhumant au large. Et devenir troll joyeux dans l’une des plus belles péninsules au monde.
Fascinants phénomènes que chacun rêve d’observer un jour, provoqués par le vent solaire qui perturbe le champ magnétique protégeant la terre. Quand le soleil expulse des flots de particules à grande vitesse, elles entrent en collision avec les atomes (hydrogène, oxygène, azote…) qui émettent alors des lumières vertes, rouges, roses, violette. C’est au plus près du cercle polaire, dans le nord de l’Islande que, de fin août à mi-avril, on peut observer ces aurores, à condition que la nuit soit très noire (intensité maximale de février à mi-avril). Elles sont imprévisibles, mais ce site répertorie les endroits où elles se produisent le plus fréquemment en Islande.
Deplar Farm
570 Fljót, Ólafsfjörður, Islande
www.elevenexperience.com