Il a fêté ses 95 ans. Autant dire une éternité, à l’échelle du temps de New York, où tout se transforme et se renouvelle à la vitesse de l’éclair. Bon pied, bon œil, ce palace légendaire fait l’effet d’un voyage dans le temps.
Texte Jean-Bernard Carillet
Paris a le Ritz, New York a The Pierre. À l’intersection de la prestigieuse 5e Avenue et de la 61e Rue, dans l’Upper East Side, à Manhattan, cet hôtel mythique fait partie intégrante de l’âme new-yorkaise. Classé monument historique depuis 1981, il appartenait au groupe Four Seasons avant que l’Indien Taj reprenne le flambeau en 2005. Dès son ouverture dans les années 1930, pendant la Prohibition, The Pierre vibre d’une flamme glamour sur laquelle les années n’auront pas de prise. Un guide de voyage de l’époque le qualifiait déjà de « sublime et distingué, tourné vers ceux qui ont le sens du raffinement ». Malgré les changements de main et les réaménagements au cours de son histoire, The Pierre a conservé sa dynamique originelle. Ah, si les murs pouvaient parler… Il en a vu passer des têtes couronnées, des dignitaires, des magnats de la finance, des célébrités hollywoodiennes et des stars de la mode ! Karl Lagerfeld, qui en avait fait son QG new-yorkais, déclarait « avoir découvert New York depuis The Pierre ».





Avec ses 39 étages pour 189 clés, le palace offre un service très personnalisé qui s’appuie sur un personnel fidèle (certains employés sont là depuis trois décennies !). Autre singularité, The Pierre a toujours eu le sens de la fête. Dès la fin de la Prohibition, la grande salle de bal a accueilli avec faste toutes sortes de festivités : mariages, événements mondains, défilés de mode… Et ça continue ! Pas de quoi faire oublier pour autant que la vue spectaculaire depuis les chambres sur Central Park – littéralement au pied de l’hôtel – est l’une des plus convoitées de toute la ville. Au bar/lounge, le Two E, réputé pour son high tea et ses concerts de jazz, on a la délicieuse sensation de se retrouver dans les années 1950. Quant à la somptueuse Rotunda, cœur battant de l’établissement, ornée de grandioses fresques murales réalisées par Edward Melcarth en 1967, elle donne l’impression de voyager à Versailles. The Pierre, c’est une bulle hors du temps qui brouille tous les repères.
Cinq anecdotes sur The Pierre
« Cuisinier des rois, roi des cuisiniers », le chef français Auguste Escoffier (Savoy Londres, Carlton Londres, Ritz Paris…) a mis en place la première brigade de l’hôtel, dès son inauguration.
The Pierre est l’un des rares hôtels de New York à avoir gardé ses garçons d’ascenseur (en gants blancs).
Ils y avaient leurs habitudes : Marlene Dietrich, Andy Warhol, les Beatles, Barbara Streisand, Yves Saint Laurent, Pierre Cardin, Audrey Hepburn…
En 2017, le penthouse qui coiffe le sommet du palace, un triplex de 1 300 m2 inspiré par la chapelle royale du château de Versailles, a été cédé pour 44 millions de dollars.
La suite Charles Pierre est dédiée à l’hôtelier corse Charles Pierre Casalasco, qui fonda The Pierre en 1930, en s’associant avec des grands noms de Wall Street.
Article paru dans le numéro 137 d’Hôtel & Lodge.