Chevauchée fantastique aux Bains Gardians

Terre d’eau, terre sauvage, terre gitane, terre animale, la Camargue du côté de Saintes-Maries-de-la-Mer, enclave préservée de la civilisation brouillonne, sertit un lodge 5-étoiles voulu par Jean-Pierre Marois, propriétaire des Bains Paris.

Texte Anne Marie Cattelain Le Dû / Photos Matthieu Salvaing

D’Arles aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en parallèle de la Méditerranée, qu’un soupçon de salinité dans l’air laisse deviner, la route rectiligne, qu’aucun obstacle ne brise, file entre rizières et pâturages. Silence, sérénité. Dans les marais, les enganes et les prés, les sabots des vaches et des taureaux mêlés raclant le sol et les chevaux camarguais gris-blanc, semi-sauvages, galopant, crinières échevelées par le ponant, tendre vent accouru de l’ouest, animent le paysage sous un ciel bleu pastel. Volant en file indienne, leurs immenses ailes noir et blanc déployées, leur cou rouge cuivré tendu à l’extrême, les flamants roses dévoilant leur torse coloré dessinent sur cette toile céleste des motifs géométriques. Comme égaré, solitaire dans sa livrée grise, un héron cendré, tête rentrée dans les épaules, fend l’espace en piqué, bec en avant. Surfant sur ses deux pattes, il atterrit dans une roubine, se saisissant avec agilité d’une carpe à deux pas d’un ragondin. Scènes quotidiennes qui se répètent à l’envi à l’orée du parc naturel régional de Camargue, introduction à ce milieu aux règles de préservation strictes pour que faune et flore endémiques perdurent. C’est cette intemporalité de la nature à l’égale des traditions gitanes et camarguaises qui ont ému Jean-Pierre Marois. 

Redonner au lieu son âme, sa personnalité, grâce aux matériaux et au mobilier traditionnels, comme ici dans le lobby-salon. 
Zéro produit toxique dans la piscine, réserve naturelle oblige.
Dans les chambres, priorité aux produits artisanaux locaux et à la chine.
47 cabanes de gardians, à l’identique de celles utilisées au xviiie siècle.

Ancien producteur de cinéma, il a, en 1978, transformé les Bains Guerbois, dits alors Bains Douches, dans le Marais, à Paris, en boîte de nuit où, jusqu’en 2010, les DJ et les groupes underground ou plus officiels ont rythmé les nuits les plus folles. Puis, avec l’architecte Tristan Auer, il a donné à « ses » Bains, hérités de son père, une troisième vie, celle d’un 5-étoiles chic, gourmand, festif. C’est dire si l’homme aime les défis, les joyaux bruts qui ne demandent qu’à être polis pour jeter leur éclat. Et n’avait qu’une envie, récidiver. Ni une ni deux, Marois rachète fin 2022, à 1 kilomètre en retrait du village des Saintes-Maries de la Mer, 4 hectares de terrain aquarelle, où s’égaient, autour des roubines et des mares, une poignée de refuges de gardians trapus coiffés d’une croix inclinée, au toit de chaume rond amarré à de solides poutres pour résister aux colères du mistral et de la tramontane. Des cabanes, à l’identique de celles qui abritaient au xviiie siècle les bêtes et leurs gardiens (gardians). Des suites campagnardes pour un lodge dédié aux amoureux du cheval, aux esthètes plébiscitant l’authentique, aux sportifs fanatiques de randonnées pédestres ou équestres accompagnés de cavaliers et cavalières aguerris, aux épicuriens accros au 100 % maison et aux joyeux drilles à la recherche de lieux tout à la fois festifs, chics, décalés. En juin dernier, dix-huit mois après leur rachat, Les Bains Gardians, puis Le Pont des Bannes, restaurant légendaire intégré dans le domaine, accueillent leurs premiers hôtes dans 47 cabanes de gardians et un long mas de 19 chambres orientées vers les marais. Marois délègue aux jeunes décorateurs Samantha et Lucas, du studio d’architecture d’intérieur parisien Hauvette & Madani, le soin de concrétiser son rêve. Ensemble, avec Julie Barrau, curatrice, antiquaire à Arles, ils écrèment brocanteurs et artisans pour dégoter des meubles et objets de toutes époques, des années 1940 à 1980. Ainsi, de petites tables de chevet en bois simplettes, bancales parfois, se marient avec des tabourets de plastique orange. Des rideaux tissés en exclusivité par les Indiennes de Nîmes pactisent avec des plaids en damiers empruntés aux gardians. Et de la salle de bains à la chambre, des objets, des dessins de têtes de taureaux, de soleils, de croix camarguaises rappellent les emblèmes d’une région à l’identité forte.

Jean-Pierre Marois, initiateur et propriétaire de ces Bains version camarguaise.
À la disposition des hôtes cavaliers, une écurie de chevaux 100 % camarguais.
Table mythique ressuscitée, Le Pont des Bannes, sous la direction du chef Bruno Grossi, des Bains Paris.

À l’extérieur, le cheval règne en roi des écuries où on scelle sa monture pour galoper aux côtés des gardians, sur la plage, à travers les lagunes. Des calèches tirées par des chevaux roux costauds permettent à celles et ceux qui ne sont pas rompus à l’équitation de partir en safari observer la faune alentour dans les mêmes conditions que les cavaliers avertis, et ainsi approcher au plus près les taureaux et les milliers d’oiseaux nichant dans les hautes herbes des marais. 

Le Pont des Bannes, s’amuser, se régaler

Face 1. Côté bar, une redite champêtre de l’aîné parisien, avec musique live de gitans ou celle choisie par les DJ résidents pour danser, chanter, flirter, chiller, mais aussi côté piscine et cheminée selon le temps – les Bains Gardians restent ouverts toute l’année. Le cocktail à tomber : Gardians Sbagliato (vermouth rouge, herbes de Provence, Campari, champagne Moët & Chandon). 

Face 2. Côté restaurant, une grande terrasse extérieure aux meubles blancs, autour de la piscine très années 1970 et, regardant le parc naturel régional, une salle aux charmes rustiques. Aux manettes, le chef exécutif Bruno Grossi, des Bains Paris, qui édite la carte, choisit ses collaborateurs. Cuisine locavore, méditerranéenne, aux touches camarguaises, comme la côte de taureau de la Manade des Baumelles. Olé !

Place aux artistes

En relation étroite avec son conseiller artistique Jérôme Pauchant, Jean-Pierre Marois invite régulièrement, comme aux Bains Paris, des artistes en résidence à la sensibilité proche de l’esprit des lieux et à la fibre écologique. Dove Perspicacius, jeune Française formée aux Arts décoratifs de Strasbourg, passionnée d’ex-voto, a séjourné quelques semaines, étudiant avec attention les ex-voto de l’église médiévale du village mais aussi la faune et la flore, croquant, notant quelques idées dans son carnet. Certaines des créations nées de ses observations des traditions locales et de l’environnement ornent les murs de la terrasse du Pont des Bannes. Perrine Boudy, artiste niçoise diplômée de la Villa Arson, a projeté sur le plafond du restaurant de grandes bandes de lavis vert comme les alentours ponctuées de cases blanches où s’inscrivent animaux et objets chimériques. Partout, des cartes postales anciennes chinées, des livres d’art, des romans à la portée des hôtes. Et dans la boutique, outre de grands parfums inédits (œuvres d’art à part entière), nombre d’œuvres et catalogues en tirage limité.

Article paru dans le numéro 136 d’Hôtel & Lodge.

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