Ceylon Tea Trails : remonter le temps au Sri Lanka

Essaimées sur plusieurs kilomètres, entre monts et forêts, dans le centre-sud du pays, six demeures historiques restaurées content l’existence des planteurs de thé britanniques au xixe siècle. Boutique-lodge, tête dans les nuages, pieds dans le lac.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

L’hésitation, mauvaise conseillère ! Débarquant mi-avril, pour prendre de court la mousson, à l’aéroport de Colombo, après onze heures de vol, renonçant au trajet en train qualifié de très pittoresque, choisir, en paresseuse, l’hydravion pour amerrir pile sur le lac Castlereagh, au cœur du lodge. Vent soudain et nuages contrarient l’envol. Pas la patience d’attendre que la météo évolue, train raté, hélicoptère non disponible, ultime solution, parcourir en berline quelque 160 kilomètres. Quatre heures de conduite sous haute surveillance. Véritable introduction à la vie srilankaise. Le chauffeur en livrée, moustaches lustrées, se faufile avec prudence en traversant les villes encombrées de tuk-tuks, de vélos, de camions surchargés, de piétons étourdis, femmes en sari, hommes en sarong, mais aussi de singes énervés, prompts à sauter sur le capot, ricanant, tentant d’arracher les essuie-glaces. Lorsque les nids-de-poule constellent le bitume, que la route sinueuse s’élève peu à peu, les villes laissent la place aux villages paumés, puis à la forêt aux arbres gigantesques. Un enchantement ! Juxtaposition d’aquarelles, la brume s’échappant en volutes vers le ciel voile les touffes épineuses des araucaries géants de Norfolk, enveloppe avec délicatesse les eucalyptus vert amande, et les montagnes de Dickoya et Bogawantalawa se dessinent. Ultime ville, Hatton. La route devient chemin de terre, s’arrêtant net sur les rives du lac. Rapide traversée en bateau. Changement de décor.

Surplombant le lac, Castetlereagh, récemment rénovée, est une des plus belles demeures du lodge, avec sa grande terrasse, sa piscine et ses pavillons d’été pour prendre le thé. © DR
Comme celui d’un cottage de la campagne anglaise, le jardin privé à la pelouse et aux haies taillées au cordeau d’une des master suites. © DR
Grâce à des photos retrouvées, les chambres ont été meublées et décorées comme elles l’étaient à l’origine avec du mobilier en partie chiné. © DR
La terrasse de Dunkeld donnant sur le lac. Comptant cinq chambres, c’est le bungalow du lodge le plus proche de l’usine de thé éponyme. © DR

À 1 250 mètres d’altitude, en son jardin fleuri avec sa pelouse tondue au plus près, sa piscine discrète, Castlereagh, l’un des six bungalows restaurés, domine le lac et les plantations de thé. Le soleil, enfin levé, l’inonde de lumière. La seule vue sur la terrasse de l’afternoon-tea généreux réconforte, transportant d’emblée à l’époque coloniale : du xixe siècle au milieu du xxe, lorsque les Britanniques géraient le commerce du thé, de sa production jusqu’à son exportation, logeant les contremaîtres et les directeurs en des demeures à l’aplomb des petites unités de production. Matin et soir, ils parcouraient à pied les sentiers ondulant entre les plants de thé. Et les jours de repos, partaient en randonnée, à la chasse, à la pêche, ou se recevaient d’un bungalow à l’autre, distants pour les plus éloignés de 15 kilomètres. Une vie tranquille, réglée dans un environnement végétal que rien ne polluait. Pas de bruits, pas de lumières. Rien. Une vie offerte aux résidents du lodge.

Piscine du Summerville, l’une des demeures les plus élégantes, avec son aire de croquet et ses cinq suites, certaines avec jardin privé. © DR
Baldaquins, meubles en acajou, tissu chintz fleuri, photos encadrées d’ancêtres, le charme suranné et cosy à la fois des demeures coloniales. © DR
La piscine à débordement ouvrant sur le lac avec son jacuzzi est un des atouts majeurs du Dunkeld, pour un séjour 100 % romantique. © DR
Vue plongeante de la vallée de Maskeliya, l’une des plus belles de cette région du thé dominée par le pic sacré d’Adam. Balade et ascension hors du commun. © DR

Lorsque Malik Fernando, fils de Merrill J. Fernando, fondateur de Dilmah, exportateur de thé, décida de créer Resplendent Ceylon, collection d’hôtels de luxe, il se souvint de ces bungalows en pleine nature, érigés entre 1888 et 1950, pour la plupart abandonnés. Il décida de les restaurer un à un, puis de les aménager, chinant meubles et objets d’époque, dont d’émouvants portraits peints : « Je voulais que mes hôtes vivent en immersion dans cet univers du thé, unique au monde. Chacune de ces demeures raconte un chapitre de cette épopée, des tranches d’existence. Castlereagh, Summerville, Dunkeld, Norwood, Tientsin, tantôt ancrés sur les bords du lac, tantôt perchés en hauteur, en pleine campagne, avec une vue qu’aucun obstacle ne limite. Dans chacune, un majordome veille au bien-être des hôtes, un chef compose des menus sains et gastronomiques. Et parce que l’harmonie, le bien-être de l’esprit, du corps et de l’âme sont une composante du quotidien srilankais, nos résidents, s’ils le souhaitent, peuvent dans leur chambre ou une pièce dédiée profiter de thérapies holistiques à base de thé et d’herbes locales, inspirées des méthodes de guérison traditionnelles. Pour vivre leur séjour comme une retraite en marge du brouhaha du monde. Se plonger dans la peau de ces experts en thé. »

Profiter, avec pour seul bruit le chant des oiseaux, de son jacuzzi au milieu d’un jardin à l’anglaise avec vue sur les plantations de thé. Moment hors du temps. © DR
Le matin, la brume montant du lac dessine des aquarelles où se détachent avec majesté les arbres hissant leur cime pour capter les rayons solaires. © DR

La fatigue du voyage envolée, place aux longues randonnées dans des vallées, des sous-bois, d’une beauté époustouflante, assisté d’un guide tantôt ornithologue, tantôt botaniste, pour repérer les plus beaux oiseaux, les plantes les plus rares. Place aux escalades, pour atteindre un sommet, au pique-nique en des abris haut perchés, où les ouvriers autrefois se retrouvaient pour récupérer une heure, autour d’une grande théière, avant de reprendre leur tâche. Place aux croisières sur le lac dans la lumière rosée du petit matin, avec un breakfast servi à bord par le capitaine, aux parties de kayak. Et, au hasard des chemins, s’arrêter, prendre le temps d’apprécier le geste précis des cueilleuses dans les plantations, pousser la porte de la tea factory Dunkeld, restée dans son jus, recueillir, grâce à la traduction de son guide, le témoignage d’un des plus vieux ouvriers : « Ici, rien ne change ou presque. Nous vivons comme nos aînés, dans une campagne préservée, où le temps comme la nature, semble figé. »

Dégustation privée de différents crus de thés Dilmah, dans une des petites unités de la famille Fernando. © DR
Suivre en kayak les rives du lac aux eaux, la plupart du temps calmes, et s’ancrer au plus près des petits villages noyés dans les plantations de thé. © DR
Randonner à travers les plantations de thé sur les chemins qu’empruntent les cueilleuses. © DR
Aujourd’hui comme il y a 200 ans, les feuilles de thé sont récoltées entre mars et novembre par des cueilleuses appréciant leur maturité. © DR

Malik Fernando, « hôtelier accidentel »

© DR

Malik, l’un des deux fils de Merrill J. Fernando, décédé en juillet 2023, fondateur de l’entreprise Dilmah, plus grand exportateur de thé du Sri Lanka, tout en veillant avec son frère Dilhan sur la société familiale, est le fondateur de Resplendent Ceylon, collection d’hôtels de luxe au Sri Lanka. Son objectif : révéler des faces méconnues de son pays, le valoriser. « J’ai l’habitude, confie-t-il, de me baptiser hôtelier accidentel, car ce n’était ce ni à quoi mon père, ni mes études ne me destinaient. Mais aujourd’hui, recevoir des hôtes du monde entier, tout en aidant les populations alentour et en veillant à la protection de l’environnement, à travers notre structure Dilmah Conservation, c’est à la fois une mission et un bonheur quotidien, même si ce secteur, comme tant d’autres, bien fragiles, est à la merci des soubresauts du monde et des inattendus comme le Covid qui a failli nous couler. »

Tout inclus de luxe

© DR

Premier propriétaire à devenir grâce à son « boutique-lodge », le Ceylon Tea Trails, membre de Relais & Châteaux, Malik Fernando, PDG, a été aussi l’un des tout premiers à oser la carte du  « all inclusive » (pension complète) en ce lieu atypique et luxueux où les brigades, sous l’autorité d’un chef, excellent. Tous les repas, superbe tea time à l’anglaise compris, panier pique-nique pour les randonneurs, toutes les boissons – belle sélection de vins et cocktails –, entrent dans le forfait. Si, effectivement, l’isolement le justifie, les hôtes n’ayant d’autre choix, c’est loin d’être le cas dans nombre de lodges. Bravo !

Carnet pratique

Y aller : avec SriLankan Airlines, vols quotidiens Paris-CDG/Colombo ; durée : 10 h 15 à l’aller, 11 h 30 au retour. En business, sièges-lits confortables. Au retour, pour éviter l’inorganisation de l’enregistrement à Colombo, opter pour le comptoir dédié, un service facturé, qui accomplit les formalités de police et de douane. A/R en classe éco, flexible, à partir de 1 060 € ; en business, à partir de 2 750 €. srilankan.com/fr_fr/fr

Où réserver ?
En direct sur le site resplendentceylon.com ou monter son voyage avec une agence connaissant bien le Sri Lanka, comme Club Faune. Voyages : club-faune.com.

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