Dévalant les versants d’une colline escarpée, dans le parc national de Núi Chúa, réserve de biosphère de l’Unesco au sud-est du Vietnam, 35 demeures, très espacées les unes des autres, dialoguent avec le ciel, la mer et la jungle.
Texte Anne Marie Cattelain Le Dû
« Je me suis inspiré des temples bouddhistes, organisant des cassures pour dissuader les mauvais esprits qui n’empruntent que les lignes droites » : louable intention de Jean-Michel Gathy, l’architecte concepteur de l’Amanoi, justifiant ces envolées de marches brisées dans leur élan par de larges paliers. On les emprunte sous les regards goguenards des dieux potelés du vent, accompagnés des Mâu, déesses mères de la terre, de l’eau, des montagnes et des forêts, pour atteindre le nirvana. En haut de ces degrés, en guise d’introduction à l’Amanoi, la mer miroite à l’horizon, encadrée d’un incroyable fouillis végétal. Rien d’autre que cette nature volontairement indomptée, préservée lors de la construction de l’hôtel. Pas une maison en vis-à-vis. Pas un bruit dénonçant une quelconque activité humaine. Rien que le cri éraillé d’un red junglefowl (coq doré), ancêtre de nos poules domestiques qui, à l’ombre des sous-bois, gratte le sol sec pour dénicher quelques pitances. Rien que le bruissement du vent marin caressant les roches couleur d’or, aux formes adoucies par l’érosion. Roches qui émergent à l’envi sur ces 42 hectares vierges encerclant l’Amanoi.
Dix ans juste que le groupe Aman a ancré au cœur du Núi Chúa, le Mont de Dieu, l’un de ses plus beaux – si ce n’est le plus beau – de ses sanctuaires asiatiques, l’enrichissant en permanence, tantôt de spas villas, tantôt d’une cliff pool, piscine à débordement, posée en équilibre dans le vide, tantôt de nouvelles expériences, le point fort d’Aman. À 260 kilomètres de la turbulente et fatigante Hô Chi Minh-Ville, à 95 kilomètres de Nha Trang, station balnéaire aux resorts sans âme semés anarchiquement le long des plages, le Vietnam offre ici un tout autre visage. Traditionnel, immuable, serein, où, sur les quais de Vinh Hy, le petit port invisible, niché dans une baie abritée, en contrebas du lodge, les pêcheurs, après chaque marée, ravaudent, aidés de leurs compagnes, leurs immenses filets turquoise. Où sur la plage de sable rouille les eaux transparentes incitent, masque et tuba ajustés, à explorer les fonds. Et où, randonnant en silence dans la forêt primaire, on croise, selon les heures et son karma, le faisan prélat, prétentieux en livrée grise frétillant des plumes pour attirer quelques femelles, trois red-shanked doucs, singes aux postures humaines semblant converser en agitant leurs « bras » démesurés, et enfin solitaire, interpellé, surpris par la présence inattendue d’humains à deux pattes, un moon bear, ours noir d’Asie au poitrail blanc comme neige, s’aplatissant, peureux, sans broncher, pour se confondre avec la terre. « Nous veillons, avec des organismes comme le WWF, à répertorier et protéger cette faune endémique dont de nombreuses espèces, à plumes et à poils, ne comptent plus qu’une poignée d’individus, trop peu pour garantir leur survie à très brève échéance », confie Joy Arpornrat Kuekthong, la directrice générale thaïlandaise, prompte à partager ses connaissances et sa passion pour cette région qu’elle a faite sienne. « Même dans le parc national, l’écosystème vacille. À nous de freiner son naufrage par des attentions, des gestes simples, en préférant par exemple boire un jus frais de chom chom, sorte de litchi local, à la coque rouge vive chevelue, plutôt qu’un Coca exporté. »
Midi. Le soleil règne en maître absolu. L’air humide, lourd du sel évaporé de la mer de Chine et des parfums moussus, terreux, exhalés par les plantes, ramollit les corps, abrutit les esprits, épuise jusqu’aux fleurs. Solution de repli, sa suite pavillon noyée dans la verdure. 125 m2 pour soi que prolonge une piscine privée. Baies ouvertes, on savoure l’ombre et la fraîcheur maîtrisées par Jean-Michel Gathy, sans enclencher le climatiseur, sans actionner les palmes du ventilateur. Bois clair, cloisons à clair voie, claustras piégeant la lumière trop forte, généreuse hauteur sous plafond, notes orange et rouges des textiles et luminaires, on respire, on récupère. Pour, d’un pas redevenu léger, dévaler le chemin pentu déboulant sur le beach club et se régaler de poissons et de crevettes juste pêchés, passés sur le gril avec des légumes potagers, appliquant les préceptes de Joy : « consommer local ».
Langueur, moiteur, temps calme. Pause spa. Les fresques murales en teinte sépia rehaussée de vert amande et de blanc pur apaisent en contant la beauté, l’élégance et la complicité des Vietnamiennes. Privilège suprême, la privatisation de la Forest Villa. « J’aime, lorsqu’elle n’est pas louée, organiser dans cette maison des soins sur-mesure », explique Nhàn Nguyen, spa manager. L’occasion fait le larron, on opte pour le protocole exclusif mis au point par Nhàn, inspiré des banya russes, qui élimine les toxines et booste l’énergie. La thérapeute fouette sans ménagement le corps avec des branches feuillues d’eucalyptus embaumant l’atmosphère. Puis, pour calmer les ardeurs réveillées, invite à s’immerger alternativement dans les bassins d’eau froide et chaude. Trois heures plus tard, le soleil s’est échappé. L’obscurité dessine un paysage fantomatique. Heure exquise, heure méditative sous le pavillon du lac où les grenouilles s’en donnent à cœur joie, plongeant entre feuilles et pétales de lotus et de nénuphars. Le lodge soupire d’aise sous le ciel bleu nuit. Les constellations qu’aucune pollution ne voile s’affichent lumineuses, Cassiopée, Orion et la Grande Ourse. Parées à veiller, au-dessus du Mont de Dieu, sur le sommeil des hommes et des bêtes.
Des sous-bois aux fonds marins
Au cœur de Núi Chúa, réserve de biosphère, l’Amanoi organise, avec des guides experts, randonnées et plongées pour apprécier la richesse de la faune et de la flore. 1 514 espèces végétales, dont 390 médicinales recensées, 345 espèces animales, dont une vingtaine endémiques, 100 menacées de disparition. Des oiseaux rares, 300 espèces de coraux durs, dont 46 endémiques, des plages où pondent les tortues : un paradis à observer, à sauvegarder.
Atelier peinture
Chevalet, palette, toile blanche, conseils de prof pour saisir et interpréter le paysage, deux heures « d’études » paisibles, dans la nature. Expérience instructive et amusante, qu’on soit débutant ou confirmé. Conseils : se lancer sans complexe, ne pas loucher sur la toile de son voisin. Avec la satisfaction de l’œuvre achevée qu’on rapporte ou non en souvenir chez soi…
Voler avec Vietnam Airlines
Hôtesses en áo dài, tenue traditionnelle, plats vietnamiens, sourire et gentillesse « ambiancent » le vol. Classée parmi les compagnies les plus ponctuelles d’Asie-Pacifique, Vietnam Airlines offre une palette de services sur mesure tel le « Meet & Greet », pour accompagner et guider les voyageurs dans les aéroports, notamment aux transferts. Les passagers business bénéficient de sièges lits très confortable, de l’accès au salon Air France à Paris-CDG et, au Vietnam, au Lotus Lodge. Vols quotidiens vers Hanoï, durée 11 h 35, et 4 fois par semaine vers Hô Chi Minh-Ville, en 12 h 20. A/R Paris-Hanoï, Paris-Hô Chi Minh-Ville, à partir de 1 100 € en classe économique, 3 100 € en business. vietnamairlines.com
Article paru dans le numéro 133 d’Hôtel & Lodge.