Baptisé du nom de leur premier hôtel situé dans le Luberon, à Lauris, le petit empire de Frédéric Biousse et Guillaume Foucher grandit à vive allure. Avec cette année trois ouvertures.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
La vie qui s’emballe. Le temps qui manque. L’envie de se poser. Voilà ce qui, au milieu des années 2010, incite le couple Biousse et Foucher, le premier, homme d’affaires pressé, le second, historien de l’art diplômé du Louvre, galeriste, à chercher une maison de campagne pour décompresser. Rien ne les convainc près de Paris, si ce n’est le Domaine de Primard, maison de Catherine Deneuve, en vente depuis peu. Mais le lieu est trop grand. Ils passent ! Direction le Luberon, Lauris, une bastide du xvie siècle jouxtant un domaine viticole en perte de vitesse. Le parc en friche séduit Guillaume, passionné de jardin. Le potentiel vin retient l’attention de Frédéric. Ils achètent mais n’y séjourneront jamais pour se reposer. Frédéric a une autre idée : redonner à la vigne et au vin leurs lettres de noblesse, puis ouvrir dans la bastide un 4-étoiles style maison de famille. Aussitôt dit, aussi fait. Guillaume ferme ses galeries, se transforme en maître d’œuvre, jardinier, décorateur, homme à tout faire. Frédéric, investisseur, calcule, négocie.
Ainsi voit le jour, avec la complicité d’Alexandre Lafourcade, spécialiste en restauration de demeures provençales, le premier des Domaines de Fontenille, Relais & Châteaux qui cartonne dès sa première saison et dont les vins retravaillés récoltent de belles médailles aux concours.
Forts de cette esquisse réussie dans l’hospitalité, Guillaume et Frédéric se lancent et créent ce qu’ils appellent une collection d’hôtels d’auteur avec trois points forts : la restauration, le bien-être autour de spas remarquables et, autant que faire se peut, des jardins.
Après Lauris, ce sera Les Bords de Mer à Marseille, un vieil hôtel les pieds dans la Méditerranée, sur la plage des Catalans, remis d’équerre ; ensuite Santa Ponsa et Torre Vella, à Minorque, aux Baléares, deux fincas délabrées, classées ; Les Hortensias du Lac et 70 hectares et l’Océan, à Hossegor.
Puis, par un étrange retournement, le Domaine de Primard, la fameuse maison de l’actrice, repérée en 2015, à 40 minutes de Paris, toujours en vente et ouverte en 2021.Un lieu d’exception, serti par l’Eure, avec depuis quelques mois un chef étonnant, Romain Meder, récompensé cette année, pour sa table Les Chemins, de deux étoiles au Michelin, une « rouge » et une verte, et de l’Award du meilleur chef de notre magazine Hôtel & Lodge. Pointe ensuite une pépite flottant dans l’Atlantique, seul hôtel regardant les vagues à l’île d’Yeu, Les Hautes Mers, avec son annexe gourmande, Le Bar de la Meule. Et, cuvée 2023, trois demeures métamorphosées en 4-étoiles, deux en Provence, l’autre en Toscane.
Le Domaine de Chalamon, d’abord, près de Saint-Rémy, une grosse maison provençale de 19 chambres ravissantes, sereines, flanquées d’un merveilleux jardin à la française où se marient le vert tendre des oliviers, le vert émeraude des cyprès et le vert luisant des buis. Romantique à souhait avec sa roseraie, ses façades de pierre écrue et ses volets vert pâle. Sportive itou, de la grande piscine au court de tennis.
Suit la Bastide du Mourre du XVIIe siècle, hissée sur une colline à Oppède-le-Vieux : cinq chambres et cinq gîtes, style maison d’hôtes de luxe. Avec une nouvelle approche pour la collection, le bien-être, organisé autour de programmes personnalisés et d’une table aux menus équilibrés. Enfin, dans la campagne toscane, scrutant la commune de Radda in Chianti, Pieve Aldina : 30 hectares en restanques autour de Santa Maria Novella, église romane consacrée où monsieur le curé officie régulièrement et donne les sacrements, du mariage par exemple. Belle idée pour les amoureux émus par l’histoire des lieux, le domaine ayant été offert en 1043 à son épouse Aldina par le comte de Piancaldoli après leur nuit de noces.
Repérée par les deux compères en 2016, achetée en 2020, cette ancienne demeure seigneuriale, devenue résidence d’été des évêques de Sienne puis maison de vacances d’une famille italienne, écrit un nouveau chapitre, celui d’un hôtel de charme aux pierres ocre comptant 23 chambres et suites décorées par Guillaume Foucher dans le respect total des bâtiments et de l’environnement. Les suites et chambres historiques coiffées de poutres séculaires conservent leurs fresques et pochoirs muraux classés. Les annexes s’égaient de luminaires design et de tomettes rectangulaires. Le restaurant Rondine – « hirondelle » en italien –, où niche un couple d’oiseaux, décline les spécialités du chef Flavio Faedi, dont ses focaccias au thym cuites à la minute dans le four à bois. On y apprend aussi le secret de ses pâtes al dente. Entre cours de cuisine, d’œnologie, d’histoire de la peinture Renaissance, on file vers la piscine qu’ombrent pin parasol et cyprès. On s’offre une pause beauté-forme au spa. On explore les villages alentour. Épanouie comme un cyprès… l’arbre symbole de la Toscane. À moins, lorsqu’ils sont là, de parcourir à pied les chemins alentour en compagnie d’Octave et Martin, les deux mascottes canines, deux pépères tendres et doux comme des peluches.
Les vins de Fontenille
C’est l’une des composantes de la collection, proposée bien sûr dans les différentes tables des Domaines. Devenus accros, on les glisse dans ses valises. Dominant la plaine de la Durance, sur le versant sud du Luberon, le domaine viticole est un des rares de Provence ayant conservé son aspect originel. Menés en agriculture raisonnée, certifiés en agriculture biologique, les 39 hectares produisent des vins dans les trois couleurs : blanc, rouge, rosé. Nos préférés, la Cuvée Alphonse, avec un faible pour les rouges et les blancs, et la Cuvée Primard, vin rouge millésime 2018.
Article paru dans le numéro 130 d’Hôtel & Lodge.