Trois quartiers, le Marais, Opéra et Odéon-Saint-Michel. Trois hôtels-écrins, trois ambiances délicates et raffinées, à la gloire des arts, des lettres et de l’histoire de la Ville lumière.
Texte Céline Amico, Anne-Marie Cattelain Le Dû et Céline Baussay
01 – MAISON PROUST
Niché dans le quartier du Marais, à quelques pas de la place des Vosges, Maison Proust est un point de chute idéal dans le Paris artistique de la Belle Époque. Pour réinventer cet hôtel particulier, l’architecte d’intérieur Jacques Garcia a puisé dans l’imaginaire de l’écrivain français, en s’inspirant du faste des salons parisiens de la fin du xixe siècle. D’ailleurs, le ton est donné dès les premières minutes : enveloppés d’une lumière tamisée, de longs corridors tendus de cuir de Cordoue déroulent 23 chambres et suites de 20 à 100 m2 aux noms évocateurs, des personnages, amis et connaissances de Proust : Colette, la comtesse Potocka, Sarah Bernhardt… Derrière les portes, les éclats de velours pourpre, étoffes damassées, moulures délicatement ciselées tutoient les tableaux rares de Cocteau ou Jacques-Émile Blanche, du mobilier d’époque chiné, créant autant d’écrins intimistes où le temps semble s’être arrêté… Une expérience contemplative à poursuivre dans la bibliothèque en rotonde, surmontée d’un dôme soleil flamboyant, dans le sublime jardin d’hiver ou au bar où l’on dégustera un cocktail signature aux saveurs de… madeleine.
Un spa féerique
Dissimulé sous le lobby de l’hôtel, le spa, ou « Salon d’eau », abrite une piscine de 10 mètres, un hammam et deux cabines de soin. Inspiré des décors orientalistes de la maison de tante Léonie, dans laquelle Marcel Proust a passé son enfance, il constitue l’endroit le plus secret de l’hôtel. Arches arabisantes, zelliges bleutés, voûte lumineuse évoquant un ciel étoilé… un véritable décor des Mille et Une Nuits. Bonne nouvelle, le Salon d’eau peut être privatisé une heure par jour, sans supplément.
02 – LE SCRIBE
Depuis 1861, Le Scribe marche au rythme de la capitale, reflétant l’art de vivre à la française, évoluant au fil de la société. Il suit le mouvement, du Jockey Club, très huppé qui, en 1863, y installa son siège, jusqu’aux rock stars y séjournant le temps d’un concert. Tristan Auer, directeur artistique de Wilson Associates, s’est inscrit dans cette mouvance pour lui redonner son lustre, conservant ses marqueurs, lambris, moulures, cheminées. Ces dernières, désormais privées de feu, parées de carreaux style métro, deviennent console haute. Les têtes de lit façon paravent évoquent les boudoirs des précieuses du début xxe. Et les plafonds colorés des salles de bains rappellent celui peint par Chagall pour l’Opéra Garnier, voisin. Mais afin que le passé se conjugue au présent, le décorateur, comme dans un appartement de famille bourgeois, a essaimé des œuvres contemporaines, comme les coffee tables basses en raku de Fabienne L’Hostis. Immergé dans le bain à bulles préparé par le butler, accompagné d’une bouteille de champagne, on rêve de s’installer ici, dans l’unique suite terrasse, comme chez soi, mieux que chez soi.
Un nouveau chef, Martin Simolka
Depuis quelques semaines, Martin Simolka, transfuge de la Brasserie Urbaine de l’hôtel Molitor, signe, sous la verrière du Rivages, aux tons poudrés vieux rose, une carte originale, équilibrée, où les produits naturels relevés d’épices, de graines et de céréales interpellent les palais épicuriens. D’ores et déjà, sa truite rose et sa gremolata de salicorne émeuvent les inconditionnels des produits de la mer.
03 – DAME DES ARTS
Les badauds qui se promènent Rive gauche passent devant sans la remarquer, sans doute plus attirés par l’immeuble Hennebique, juste en face, le premier à Paris construit en béton armé. Mais à bien y regarder, la façade de l’hôtel Dame des Arts, qui fut un bâtiment administratif, puis une école de théâtre, et enfin un Holiday Inn, n’est pas si banale. En tout cas, c’est elle qui a guidé Raphael Navot, nommé designer de l’année au dernier salon Maison & Objet 2023, dans son travail de relooking. Il a repris à son compte le ton terracotta des contours des fenêtres pour le décliner, du plus clair au plus cuivré, dans tous les espaces intérieurs, du lobby au restaurant mexicain en passant par les 109 chambres, dont 31, concentrées aux trois étages supérieurs, possèdent un balcon ou une terrasse, et 17 offrent une vue directe sur la tour Eiffel. Inspiré par les lignes d’une géométrie parfaite côté rue, et surtout par celles en courbe côté patio, il a repensé et optimisé les espaces, dessiné un mobilier sur mesure sans angle droit et signé un véritable chef-d’œuvre en sous-sol avec le plafond de la salle de fitness formant une vague ondulante en fines lattes de hêtre. Porté par l’esprit des lieux, Raphael Navot signe ainsi un hôtel à l’atmosphère enveloppante jusqu’aux détails les plus subtils : la musique qui change selon les pièces, les éclairages modulables partout, les murs des salles de bains comme capitonnés, le sol en bois brûlé de l’architecte d’intérieur Oscar Lucien Ono, les affiches, livres et photos en hommage à la Rive gauche artistique sélectionnés par le studio Saint-Lazare. Il crée aussi la surprise avec une salle de cinéma et, dans un recoin… un punching-ball.
Paris à 360°
Les toits cabossés du quartier, la tour Eiffel, les Invalides, la butte Montmartre, Notre-Dame… Au 9e étage, le rooftop de l’hôtel est un formidable mirador sur la ville, d’autant qu’aucune construction alentour n’obstrue la vue. En attendant les beaux jours et l’ouverture de son bar, les meilleurs postes d’observation sont sans nul doute les deux junior suites et le penthouse.
Article paru dans le numéro 127 d’Hôtel & Lodge.
