Îles atlantiques, îles méditerranéennes, îles européennes proches et lointaines à la fois, l’océan, la mer les tenant à distance. Accessibles seulement à celles et ceux qui les accostent, prêts à sonder leur âme sans a priori.
Textes Céline Baussay, Jean-Bernard Carillet, Anne Marie Cattelain Le Dû, Thi-Bao Hoang, Lucie Tavernier
Une île est par définition fragile, nomade. Tout le monde a peur qu’elle se dissolve à un moment donné ou parte à la dérive. » En quelques mots choisis, l’écrivain bourlingueur Erik Orsenna, académicien, prix Goncourt, amoureux de ces bouts de terre comme Jean-Jacques Cousteau dont il occupe le fauteuil à l’Académie française – rien n’est hasard –, résume la géographie insulaire et la préhension ou appréhension que la plupart des hommes cultivent à son égard. Un monde à part, qu’on accoste avec pour certains une impression de liberté, de larguer les amarres au sens propre et figuré, pour d’autres, le sentiment étrange de tanguer en permanence comme sur un bateau ivre, ballotté par les vagues, ou d’être prisonnier, encerclé.
D’Homère à Robinson Crusoé, la littérature regorge de « héros » insulaires, nourrissant notre imaginaire. Pour preuve, depuis 26 ans, aux alentours de Pâques, se déroule sur l’île d’Ouessant, à l’extrême pointe de la Bretagne, le Festival du livre insulaire. L’édition 2024 avait pour thème : « Île sous la mer, mythe et réalités ». Les mots entretiennent le mystère, les photos les illustrent et ce sont elles, le plus souvent, qui nous invitent à partir, à choisir tel ou tel rivage comme décor pour écrire notre journal de bord, créer notre album de souvenirs de vacances, bâtir notre itinéraire pour, en avion, en hélicoptère, en ferry, en paquebot, à la voile, gagner un petit coin de paradis. On capelle ciré, suroît, on enfile ses bottes, pour pêcher les crevettes grises à Yeu ou Oléron. En Corse-du-Sud, vers Porto-Vecchio, on glisse son maillot de bain et sa crème solaire à côté de ses chaussures de randonnée et son chapeau, pour se baigner dans les eaux claires et s’enivrer des parfums du maquis, en projetant peut-être de naviguer vers la voisine sarde. En Grèce, lunettes de soleil sur le nez, on s’imprègne de l’esprit olympique, jetant l’ancre dans les Cyclades, à Páros, Santorin, Mykonos, Tinos, ébloui par la blancheur des maisons traditionnelles et le ciel lumineusement bleu. On hésite, on hésite, entre les quatre Baléares. Majorque, la plus grande, pour concilier plages, campagne et un brin de culture à Palma ; Minorque, la petite qui monte, qui monte, et devient le repaire des happy few ; Ibiza, toujours un rien hippie sous ses allures de star et de fêtarde ; Formentera, la plus petite, la plus secrète, celle des initiés, des « ermites ». À chacune, chacun son île, sa crique, son anse, son village, son port, ses adresses qu’on aimerait garder pour soi, le bistrot planqué avec vue, l’artisan qui perpétue un savoir-faire ancestral, le boulanger, le charcutier, le poissonnier qui cuisinent les spécialités gourmandes qu’on ne trouve que sur ces rochers détachés du continent : gouna salée de Páros, enseimada aux multiples saveurs des Baléares, betchets, gâteau des pêcheurs de l’île d’Yeu… Bon appétit !
01 – CASA SANTINI X ROC SEVEN
Corse-du-sud
Cette institution de Porto-Vecchio entame une nouvelle vie sous l’égide de Fahrenheit Seven, qui a su lui insuffler sa vision d’un art de recevoir dans l’air du temps, convivial et personnalisé, redorant son ADN balnéaire.
Pour y parvenir, il faut tourner le dos à l’effervescence de la marina, terrasses arrimées au port, sur laquelle veille la citadelle génoise depuis les hauteurs, longer quelques minutes à pied seulement la côte, à l’ombre des pins parasols. Une fois dans le lobby, surprise : au bout d’un long couloir, la vue magistrale sur la baie surplombée par les montagnes s’offre aux regards. C’est ce panorama privilégié qui a séduit d’emblée Stéphane Vidoni, venu en éclaireur en Corse-du-Sud pour Fahrenheit Seven, la collection d’hôtels et de restaurants qu’il a cofondée avec son épouse et deux amis. Après la Savoie et le bassin d’Arcachon, ils sont en quête d’une nouvelle opportunité lorsqu’ils entendent parler, par hasard, de cet hôtel familial les pieds dans l’eau, qui fut le premier restaurant de Porto-Vecchio, au début du xixe siècle. L’établissement est vieillissant mais, grâce à son emplacement privilégié, révèle un vrai potentiel. « Lorsque j’ai aperçu ces roches de granit jaillissant d’une Méditerranée turquoise, j’ai tout de suite su que c’était ici », sourit Stéphane Vidoni, moins de deux ans plus tard, depuis le jardin luxuriant.
Exception faite de cette toile de fond, immuable, les lieux ont bien changé. La cheffe d’orchestre de cette métamorphose, Véronique Vidoni, y évolue en véritable maîtresse de maison, passant en revue le moindre détail. Passionnée de décoration, elle a su livrer en trois mois seulement une partition méditerranéenne élégante, composant avec l’existant, sols ou pièces d’eau notamment, voué à être peu à peu modernisé. Elle ne manque pas de projets, mais d’ores et déjà, des 34 chambres et suites, pour certaines prolongées de balcons ou terrasses, jusqu’à la salle du restaurant d’influence italo-corse, ouvert à la clientèle extérieure, des touches de kaki et de rose poudré s’épanouissent dans un décor lumineux, qui fait la part belle aux matières naturelles, bois brut, travertin, rotin. Un parti pris consensuel réveillé par des pièces design plus pointues – canapé capitonné Dareels ou petite bibliothèque en métal minimaliste Athezza – mixées avec des trouvailles personnelles. « Je décore toutes nos adresses comme si c’était chez moi », confie cette autodidacte. C’est ce même esprit « maison de famille » qui transparaît aussi dans le service chaleureux, ultra-attentionné, favorisant déconnexion et lâcher-prise, au bord de la petite plage de sable privée… « Il n’est pas rare que certains de nos hôtes choisissent de rester dans l’enceinte de l’hôtel tout leur séjour », constate Camille Romanet, responsable d’hébergement, pourtant intarissable quand il s’agit de les conseiller pour découvrir la région côté mer, de la célèbre plage de Palombaggia aux îles Lavezzi, ou côté terre, à travers le maquis, de sites naturels en villages solaires. Le goût du partage, décidément.
Larguer les amarres
Casa Santini x Roc Seven dispose de son propre port privé : 20 anneaux permettent d’y accoster, le temps d’un séjour, ou même d’un dîner à la table du chef Raffaele Piemontese. Nul besoin, en revanche, de posséder son propre bateau pour fouler le ponton : ce privilège est accordé à tous les hôtes qui souhaitent s’adonner aux plaisirs de la navigation, grâce aux partenariats tissés avec des loueurs et des skippers.
02 – LA MISSION
Île d’Yeu
Ancienne école catholique, ancienne salle paroissiale, ancien cinéma, autour de son platane séculaire à l’ombre majestueuse, derrière ses murs chaulés, l’hôtel 4-étoiles démarre sa première saison. Avec l’ambition de rester ouvert toute l’année. À quelques pas de la splendide église romane du xie siècle, La Missionnaire, rachetée par le groupe Hôteliers Impertinents, qui l’a débaptisée par crainte d’allusions graveleuses, conserve sa structure du XIXe et sa croix rappelant son passé religieux. Ici, au « bourg », comme les islais nomment Saint-Sauveur, les plages se livrent en quelques coups de pédales et l’Atlantique se devine au déboulé des ruelles glissant entre les maisons aux volets colorés. Un village aux allures tropéziennes quand les estivants débarquent en nombre et qui, fin août, retrouve son train-train.
Changer la donne, proposer tant aux résidents à l’année qu’aux visiteurs non seulement des chambres coquettes, 23 dont 5 suites, mais un restaurant ouvert sept jours sur sept, trois bars dedans-dehors et un spa Nuxe. « Notre but, explique Michel Delloye, un des deux fondateurs, que La Mission soit un lieu de rencontres, de rendez-vous où l’on vienne partager un poisson grillé, prendre un café, un apéro, jouer aux boules ou retomber en enfance en s’offrant une crêpe au food-truck. »
03 – LE GRAND LARGE
Île d’Oléron
Qu’il porte bien son nom ! Niché au milieu d’une dune plantée d’arbustes, avec en arrière-plan l’immense plage de la Rémigeasse, cet hôtel atypique, édifié en 1965 par un disciple de Le Corbusier, ressemble à un navire en partance vers des horizons océaniques. Au Grand Large, 5-étoiles du groupe Le Boutique Hotels Collection depuis deux ans, les 31 chambres sont très lumineuses grâce à de grandes baies vitrées. Coup de cœur pour les suites Prestige Océan et la suite Panoramique pour leur vue plein cadre sur la dune et l’océan, comme un fond d’écran grandeur nature. Le vaste espace bien-être, avec sa piscine et son Jacuzzi, baigné de lumière, renforce la sensation de dépaysement. Le bar en rooftop porte la promesse de sublimes couchers de soleil. À La Table du Grand Large, on se régale d’une cuisine pescétarienne. « L’environnement sauvage est une source d’inspiration », justifie le chef MOF 2023 David Boyer, qui signe la carte interprétée par la jeune cheffe russe Marina Mikheeva.
04 – ROMAZZINO
Sardaigne
Le groupe Belmond vient de prendre la gestion du tout premier hôtel de la Costa Smeralda posé au bord de la Méditerranée, et c’est une bonne nouvelle. Conçue par l’Aga Khan dans les années 1960, dessiné par l’architecte italien Michele Busiri Vici, cette légende de l’hôtellerie sarde, malgré sa situation idyllique, avait besoin d’un sérieux lifting. Ses bâtisses d’origine, blanchies à la chaux, aux formes arrondies, dominent toujours la merveilleuse plage de Romazzino et entretiennent son allure d’un autre temps. Pour le reste, l’excellence, marque de fabrique de Belmond, se retrouve désormais dans les chambres, les suites et les villas, autour des deux piscines, dans les espaces bien-être, les restaurants et bars, mais aussi dans les activités organisées en mer et sur terre, notamment les ateliers d’artisanat local.
05 – COSME
Páros
30 ans après sa création à Santorin, le groupe Kanava Hotels, devenu Empiria et toujours détenu par le même couple, prend à nouveau ses quartiers d’été à Páros, en Grèce. Cosme, son troisième resort sur l’île des Cyclades, membre de The Luxury Collection de Marriott, fait rimer le chic et l’authentique.
De l’aéroport, il faut une heure de route à sillonner les terres arides et parsemées de maisons en construction pour accéder à Cosme, situé dans l’une des baies de la mer Égée, juste à l’entrée de Naoussa, qui vibre l’été de touristes attirés par son petit port de pêche ultra-instagrammable. Passé le lobby, au magnifique damier en marbre au sol et décoré d’objets d’art et artisanaux, se dévoile un véritable village grec en miniature. Les 40 suites, accessibles en déambulant dans des ruelles pavées, contournant une mini-cour arborée, montant deux-trois petites marches, ont été construites à l’image des maisons de pêcheurs. Carrées, blanches immaculées, elles dessinent des lignes droites et des perspectives design dans le bleu de la mer et du ciel.
Côté terre, les suites profitent du calme d’un jardin où se niche le spa Elios – deux salles de soins pour un massage très tonique et un Jacuzzi à ciel ouvert –, surmonté d’une terrasse d’observation astronomique avec télescope et divan circulaire pour une nuit à la belle étoile. Côté mer se trouvent les suites Astro et Cosmos, dotées d’une piscine. Elles ont vue sur le solarium, la piscine à débordement en forme de lune, la plage privative située juste en face du resort. Ici, près du Circe Bar, l’animation bat son plein jusqu’au magnifique coucher du soleil. L’occasion de siroter un Summer of Matador (tequila Don Julio Blanco, ananas, melon, nectar d’agave) ou un Call me by your name (rhum, mangue coco, pistache). La gastronomie convertit définitivement au régime grec avec, dès le matin, l’offre savoureuse et saine du restaurant Volta qui met de bonne humeur (omelette crétoise avec du stamnagathi, mizithra, un fromage traditionnel…). Orchestrés par le chef grec Yiannis Kioroglou, les menus du Párostia et du Vrosi subliment les produits du terroir cycladique avec des incursions dans les cuisines méditerranéennes (bœuf angus espagnol fiorentina, rigatoni à la truffe…). Un régal !
Aux alentours
La situation idéale du resort permet de se rendre à pied en 10 minutes à Naoussa et de partir en excursion sur les sites culturels et naturels dont regorge Páros. À visiter notamment, la ferme biologique de Petra où sont cultivées des câpres en biodynamie, cueillies une à une à la main. Une dégustation sur la terrasse du domaine, avec vue sur la mer infinie, permet d’en apprécier toutes les saveurs : tomates cerises, fromages, confiture de figues, huile d’olive, câpres, origan… Elles sont aussi disponibles dans le minibar des suites de Cosme.
06 – ONE&ONLY KEA ISLAND
Kea, Grèce
30 minutes de bateau privé depuis le continent, et voici Kea et son nouveau resort familial, un One&Only en bord de mer. Les 63 villas, dont l’architecture évoque le style hellénique traditionnel, sont posées à flanc de falaise sur un domaine de 65 hectares. À leurs heureux occupants, l’île dévoile son mode de vie au ralenti et sa nature généreuse et préservée, entre forêts, oliveraies et criques. Un petit paradis pour les randonneurs et les plongeurs.
07 – DEOS MYKONOS
Mykonos, Grèce
Haut perchée sur une colline, proche de la ville de Mykonos, la dernière réalisation de Myconian Collection, membre de The Set Collection, compte 60 suites spacieuses et baignées de lumière naturelle. Lignes fluides, couleurs sobres, mobilier réduit au minimum : le design s’efface au profit du panorama sur la mer depuis les terrasses et piscines privées, le restaurant gastronomique, le bar-lounge à l’heure du coucher du soleil. Au Deos (« émerveillement » en grec ancien), priorité absolue à la vue !
08 – CANAVES ENA
Santorin, Grèce
Canaves Collection, incontournable à Santorin, frappe fort avec cet hôtel, tout récemment rafraîchi, de 18 suites aux intérieurs minimalistes, chacune avec véranda et piscine à débordement. La plus grande et la plus étonnante, la River Pool Suite, possède un Jacuzzi creusé dans la grotte datant du xviie siècle. Depuis les terrasses des bâtisses blanchies à la chaux, les clients admirent sans modération la mer Égée à perte de vue. Éblouissant !
09 – ODERA
Tinos, Grèce
Voisine de Mykonos la festive, Tinos la champêtre a su conserver son authenticité et sa tranquillité. Odera, le premier hôtel de luxe sur l’île, a été imaginé dans le respect des lieux, de ses traditions artisanales et gastronomiques. Niché dans une baie isolée, il réunit 77 chambres et suites avec piscine et vue mer, un spa, une plage et un beach club privés. Les activités aux alentours sont multiples : rando, pêche, découverte des villages typiques, visites d’ateliers de sculpture sur marbre…
10 – Petunia
Ibiza
Esprit seventies, es-tu là ? Assurément, au Petunia, le dernier-né des hôtels du groupe Beaumier (Capelongue, Les Roches Rouges…), sur la côte ouest d’Ibiza. Le fruit d’une rénovation complète dans un esprit bohème chic assumé, des 42 chambres et suites pastel aux 3 restaurants, entourés de jardins. Pile en face, le rocher d’Es Vedra, mythique, magnétique. Yoga, paddle, balade à pied ou en bateau, cinéma en plein air… la détente à l’état pur.
11 – SON NET
Majorque
L’équipe du magnifique Finca Cortesin, en Andalousie, a investi un domaine agricole datant du xviie siècle, sur les contreforts de la serra de Tramuntana, à 20 minutes de Palma. Le manoir d’origine et ses dépendances abritent les 31 suites au charme historique, décorées par l’Espagnol Lorenzo Castillo. Le Son Net, propose une table 100 % locavore, un spa immense et une piscine en surplomb de la vallée et du délicieux village de Puigpunyent. Bon à savoir, il est ouvert toute l’année.
12 – DUNAS DE FORMENTERA
Formentera
Les hôtels de Formentera sont à la mesure de la plus petite île des Baléares : à taille humaine. Dunas, inauguré cet été par le groupe Marugal (Vermelho, Relais de Chambord…), ne déroge pas à la règle, avec ses 45 chambres et son restaurant. Entouré par les dunes de la plage de Migjorn, ce refuge discret, membre de Small Luxury Hotels of The World, prône un luxe simple, en communion avec la nature. Une légère brise pour se rafraîchir et le bruit des vagues en fond sonore…
13 – CAP MENORCA
Minorque
Tombé sous le charme de l’île, le Français Laurent Morel-Ruymen a développé ces dernières années Mare e Terra, une jolie collection de lieux de vie, dont des hôtels, le Faustino Gran d’abord, et aujourd’hui le Cap Menorca. Posée sur une falaise, entourée de végétation méditerranéenne, cette ancienne finca classé est devenue Relais & Châteaux avec 15 suites dotées d’un jardin et d’un bassin, un restaurant, un spa et un service de conciergerie au top.
Article paru dans le numéro 135 d’Hôtel & Lodge.