Ballets de chevaux sauvages, vols de flamants roses, paysages sauvages et grandioses oscillant entre marais, rizières et steppes de sel séché… la Camargue et l’Argentine partagent un même décor de western, en été comme en hiver.
Texte Caroline Ithurbide
Aux portes d’Arles s’ouvre une terre aride entrecoupée de roselières et d’étangs. Dans cette Provence-là, entre Gard et Bouches-du-Rhône, parcs ornithologiques et champs agricoles composent une mosaïque unique en France : la Camargue. La nature est ici l’actrice principale d’un film en version panoramique. Au point que l’on a parfois l’impression de n’être plus en France… mais en Argentine !
Les fascinants lacs blancs d’Aigues-Mortes, formés grâce à l’évaporation du sel depuis des millénaires, constituent une sorte de croûte lunaire que certains comparent volontiers aux Salinas Grandes de Jujuy et Salta, sur les hauts plateaux argentins, à plus de 11 000 kilomètres de là. Emblèmes de la région, venus se reproduire en masse sur les bords des étangs du Fangassier ou de la Marette, les flamants roses rappellent, avec leur robe rose poudré et leur bec noir courbé vers l’avant, les flamants de James (ou parina chica) qui peuplent l’Altiplano, une plaine du nord-ouest de l’Argentine, devenue le refuge de plusieurs espèces d’oiseaux. Et comment ne pas penser, en approchant les manades camarguaises, ces élevages de taureaux, de vaches et de chevaux, aux ranchs gigantesques de l’autre côté de l’Atlantique ? Pour les gardians camarguais et pour les gauchos argentins (les cow-boys de la pampa), même combat et mêmes valeurs en bandoulière : le courage, l’honneur et la liberté.
Chambres et expériences
En maisons d’hôtes, gîtes, roulottes ou hôtels de charme, un séjour en Camargue fleure bon la douceur de vivre, sous le soleil le plus souvent. À la campagne comme à la ville !
01 – MAS DE L’ANGE DU VACCARES : SAUVAGE CHIC
En 2018, Sandrine et Jean-Yves tombent amoureux d’une ancienne ferme rizicole sur les bords de l’étang de Vaccarès, le plus grand de la réserve naturelle nationale de Camargue. Trois ans de travaux plus tard, l’immense bâtisse du XVIIe siècle ouvre au public et devient le Mas de l’Ange du Vaccarès, une maison d’hôtes composée de cinq chambres et d’un gîte, posée sur 100 hectares de marais sauvages où cohabitent roseaux, tamaris et oiseaux en tout genre.
« Tout ici est tourné vers la nature, explique la propriétaire. Le style de la maison est élégant mais pas ostentatoire. Une architecte d’intérieur nous a aidés à aménager l’espace, et chaque meuble, chaque couleur, a été choisi en harmonie avec ce qui nous entoure ». Résultat : une sublime charpente en bois dans la salle de réception de 90 m2, une terrasse-ponton qui surplombe le plan d’eau ou un parterre de pierres blondes autour de la piscine.
02 – MAISON VOLVER : REVENIR ENCORE ET ENCORE
Il aura fallu trois ans à Florence et Carole pour transformer de fond en comble « un vieil hôtel d’après-guerre avec douches communes et toilettes sur le palier » en un petit bijou exclusif, dans le centre-ville d’Arles. « En arrivant ici, en 2018, on a eu littéralement l’impression d’entrer dans un film d’Almodóvar », s’enthousiasment ces deux passionnées d’hôtellerie. Elles s’inspirent alors du titre de l’un des films du réalisateur espagnol pour baptiser Maison Volver. Seize chambres avec salle de bains et vue sur le quartier de la Cavalerie sont déjà disponibles, deux autres sont en cours de rénovation. Le temps, pour ces amoureuses de déco, de poursuivre leur travail de chine, commencé notamment avec le petit salon en rotin années 1950 à l’entrée de l’hôtel ou les deux vieux pots à lait dégotés dans une brocante du nord de la France, puis électrifiés pour servir de lampes de chevet. Mais l’expérience Volver ne se limite pas à ce joli nid urbain puisque, en 2021, elles ont créé Campagne Volver, à 15 kilomètres de là : un mas camarguais à l’abri des regards avec quatre vastes chambres et leur salle de bains privative, ainsi qu’une petite maison indépendante avec sa propre cuisine, pour deux personnes. Et, dans le jardin provençal, un élégant bassin pour se rafraîchir.
03 – DOMAINE DE MÉJANES : UNE SAGE FAMILIALE
En 1939, Paul Ricard, créateur du fameux pastis homonyme, acquiert le Domaine de Méjanes, situé en plein cœur du parc naturel régional de Camargue. Visionnaire, il l’ouvre en 1961 au public désireux de le visiter, avant de l’offrir à sa fille Michèle en guise de cadeau de mariage. Passionnée de chevaux et fière de perpétuer la tradition familiale, elle se lance à corps perdu dans la transformation de l’immense terrain de 1 200 hectares et crée l’une des adresses les plus recherchées de la région. Des gîtes voient le jour – une dizaine en tout –, qui peuvent accueillir de 2 à 16 personnes. Son préféré ? « La Vieille École », une ancienne salle de classe transformée en appartements simples mais grand confort : « Tout a été conservé dans son jus, il n’y a pas de chichis, souligne-t-elle. La déco rappelle les grandes pages de l’histoire de la Camargue et de ma famille, mais on dort dans une literie 5 étoiles et il ne manque rien. » En mai 2021, elle installe trois roulottes en bois sculpté et ultra-colorées « pour coller à l’esprit gipsy et répondre au besoin d’aventure des clients ». Ici, pas de toilettes ni de salle de bains attenantes, mais un cabinet privatif quelques mètres plus loin. À Méjanes, c’est l’expérience qui prime sur tout le reste, car, comme disait son illustre père, « il faut bien donner des souvenirs à nos enfants pour qu’ils grandissent avec des rêves ».
La Camargue autrement
Percer les secrets de l’un des meilleurs riz du monde, croquer les paysages caractéristiques de la région avant de succomber aux spécialités locales : le programme s’annonce alléchant !
01 – AU FIL DE L’EAU
Christel Montauban n’aime pas faire les choses comme tout le monde. Passionnée de dessin et de nature, elle a inventé « Carnet d’escales », une balade originale de trois heures sur les canaux camarguais, au départ d’Aigues-Mortes, pour à la fois admirer les lieux et s’initier au croquis et à l’aquarelle. À bord de L’Artiste, un sublime sloop hollandais de 7,50 mètres de long pouvant accueillir jusqu’à 11 personnes, on laisse libre cours à son imagination avec, quand même, deux ou trois astuces de pro…
02 – À TABLE !
Impossible de venir en Camargue sans commander une gardiane de taureau, un mets traditionnel à base de viande de « biou », d’olives et de vin rouge du vignoble local. Et pour les amateurs de fruits de mer, un conseil : goûter la telline, un coquillage typique de la région qui se dévore dans le restaurant du même nom, à Arles. Ambiance vieux meubles en bois et nappes à carreaux.
03 – LE RIZ ROI
Avec plus de 60 variétés cultivées, la Camargue se place dans le top 10 des producteurs de riz dans le monde et possède sa propre IGP (indication géographique protégée). Rond, mi-long, blanc, rouge ou noir… il se récolte à l’automne et se déguste toute l’année sous différentes formes : en salade, en accompagnement de la gardiane de taureau… Pour mieux connaître ce petit grain, une visite s’impose à la très intéressante Maison du Riz, à Albaron.
Pour en savoir plus : Office de tourisme Arles Camargue : arlestourisme.com/fr
Article paru dans le numéro 126 d’Hôtel & Lodge.