Milan, Gênes, Rome… Riches d’un patrimoine exceptionnel, de demeures antiques en rolli aristocratiques et en palais style Liberty, l’Art nouveau à l’italienne, trois nouveaux 5-étoiles au cœur de ces villes. Décor parfait pour les longs week-ends flamboyants et romantiques d’automne.
Texte Céline Baussay et Anne-Marie Cattelain-Le Dû
01 – PALAZZO CORDUSIO GRAN MELIÁ
En plein centre de Milan, entre le château des Sforza et le Duomo, le tout nouveau Palazzo Cordusio Gran Meliá semble veiller, depuis son imposante façade, sur la piazza Cordusio. En investissant les lieux, le groupe espagnol Meliá se devait d’être à la hauteur du prestige et du symbole historique de ce monument et de cette place, si chers aux Milanais. Pari gagné ! Une fois le porche d’entrée franchi, tous les regards se portent droit devant sur le magnifique bar à cocktails, aménagé dans une cour intérieure surmontée d’une verrière, là où étaient autrefois garées les calèches. Mais le cœur vibrant de l’hôtel se concentre en réalité dans les étages, ceux du palais principal, l’ancien siège des assurances Generali bâti par l’architecte star de la ville au xixe siècle, Luca Beltrami, et d’une extension plus récente. Ainsi caché, le 5-étoiles cultive son caractère intimiste et exclusif.
Au 5e étage se trouvent la réception, sous l’immense dôme iconique, décorée d’une reproduction de la mosaïque de la Providence qui orne la façade extérieure, le restaurant italien Isola avec sa terrasse sur le toit, ainsi qu’un long lounge truffé de livres et d’objets d’art en référence à Milan. Plus inattendu, l’autre restaurant décline avec brio le concept Sachi du chef coréen Kyung Soo Moon, déjà implanté à Londres.
Dans les parties communes comme dans les 84 chambres et suites, dont l’aménagement évoque celui des appartements les plus luxueux de Milan, les meubles sur mesure côtoient des pièces iconiques de designers italiens : des fauteuils de Gio Ponti, des lampes de Vico Magistretti ou des Castiglioni… et au milieu de tout cela, surprise, une incursion espagnole avec les tables de Patricia Urquiola ! Fidèles collaborateurs du groupe Meliá, Álvaro Sans et sa fille Adriana, architectes-décorateurs, ont pu, avec ce projet, exprimer toute leur sensibilité et leur créativité : « L’intérieur du bâtiment n’avait aucun intérêt artistique, ce qui nous a laissé une grande liberté pour offrir une nouvelle approche du luxe, en misant sur le sens de l’accueil chaleureux espagnol et une atmosphère sophistiquée au sein d’un magnifique palais. »
La touche vénitienne
Álvaro et Adriana Sans ont voulu, à leur manière, célébrer Venise, la ville d’origine de Generali : ils ont mis en valeur les grandes fenêtres qui rappellent celles des palais en bord de canal, choisi le terrazzo vénitien, également appelé seminato, pour habiller les sols, et surtout puisé dans la collection Rubelli, maison vénitienne, quatre modèles de tissus de quatre couleurs différentes, qu’ils ont utilisés, le long des couloirs et en tête de lit dans les chambres, d’une manière peu commune : « Nous les avons encadrés comme des peintures, car ce sont de véritables œuvres d’art ! »
02 – PALAZZO DURAZZO
Construit en 1624 par la famille Durazzo, toujours propriétaire, ce palais est l’un des 100 rolli qui, du xvie au xviiie siècle, sur ordre des autorités, hébergeaient les VIP en transit. Quarante-deux sont inscrits au patrimoine de l’Unesco depuis 2006. Beaucoup reprennent vie, tel le Palazzo Durazzo, métamorphosé en boutique-hôtel 5-étoiles de 12 suites par Emanuela Brignone, épouse du propriétaire. Diplômée d’histoire de l’art et d’archéologie de Paris-X et d’architecture, de Columbia, à New York, elle s’est attelée, avec le designer d’intérieur Cesare Barro, à dépoussiérer le palais : « J’ai étudié les archives de Giovanni Battista Storace qui, au début du xviiie siècle, l’a redessiné et appliqué sa règle des trois C. » C comme Courage, pour ne pas flancher pendant les sept ans de chantier. C comme contraste, entre les époques. C comme Curiosité, pour créer 12 suites, 12 univers inspirés des voyages au long cours, de la vie du quartier et des hauts personnages de la famille Durazzo. Comme dans toute demeure patriarcale, les époques se chevauchent, se heurtent. Et le palais, à l’intersection de deux quartiers, se nourrit de leurs différences, le Vieux Port avec ses quais bordés des riches demeures des marchands de la route de la soie, et la Via del Campo, étroite, populaire. « J’ai redéfini à l’aune de ces atmosphères un lieu 100 % génois, explique Emanuela Brignone, pour que les hôtes perçoivent, entre les murs chargés de 400 ans d’histoire, l’âme vagabonde, aventurière, audacieuse de la ville et des Durazzo. Que, dans la suite Doge, semblant surgir du fond des océans avec ses tons sable, ses coraux, ses coquillages, ils imaginent Stefano Durazzo, doge au xviiie siècle, magistrat des galères et protecteur de la mer. Que dans L’Oriente, avec sa verrière en forme de pagode, ses porcelaines, ses chinoiseries, ils larguent les amarres comme les bateaux s’élançant autrefois de Gênes vers l’Asie. »
Les rolli, nos coups de cœur
Certains rolli sont privés, d’autres abritent des banques, des clubs, des commerces, des musées, des ateliers d’artistes… Emanuela Brignone connaît tous les propriétaires et peut organiser des visites, des événements privés.
Via Garibaldi 12 : concept store dans le Palazzo Campanella, rollo construit au xvie siècle, rénové par l’architecte italo-libanais William Sawaya. L’écrin vaut autant que son contenu. Objets, mobilier, pour tous les goûts, toutes les bourses.
Galleria nazionale di Palazzo Spinola di Pellicceria : rollo du xvie siècle, offert à l’État en 1958 par la famille Spinola, avec toutes ses collections d’œuvres d’art. Incontournable.
L’atelier du couturier Andrea Odicini : un rollo du xviie siècle que les créations du maître et ses pièces d’art parent avec élégance. Sur rendez-vous (Salita Santa Caterina, 8).
Tout savoir sur les rolli : rolliestradenuove.it
03 – CASA MONTI
En guise d’identité, le nom du quartier au cœur de la ville : Monti, où les galeries d’art tutoient les boutiques de créateurs, et les bars à vins branchés flirtent avec les friperies. Le quartier qui bouscule, choisi par la famille Kampf, propriétaire du groupe Leitmotiv, pour implanter son premier hôtel hors de France, après Cœur de Megève et La Fantaisie à Paris. Un 5-étoiles de 36 clés, cachant bien son jeu derrière sa façade xviiie, qui abrita longtemps un commissariat de police. Aux commandes pour mener la métamorphose, telle une alchimiste, Laura Gonzalez, l’architecte d’intérieur française qui, de projet en projet, impose sa griffe, éclectique, colorée, audacieuse, mélangeant les genres, les motifs, les matières. Aimant s’acoquiner avec des artistes, des artisans, soucieuse de refléter l’essence des lieux, d’où à La Casa, les fresques peintes à la main, les bustes style empereurs romains, le marbre et la terracotta et même la garde-robe du personnel taillée main par la maison romaine Le Tre Sarte. Une réussite à tous les étages, des chambres, entre papier fleuri butiné par des oiseaux de paradis bigarrés et losanges version céramique, aux restaurants menés par le chef Umberto Tuccio : l’un loge sa poignée de tables dans le patio où murmure une fontaine, cohabitant avec un bar-café pour grignoter ; l’autre, perché sur le rooftop, jouxte le bar à cocktails et coiffe le spa Susanne Kaufmann, le premier d’Italie qui, dans sa tenue terre-de-Sienne et jaune soleil, domine Rome. Vue sublime, privilège pour les adeptes de soins et de massages.
Article paru dans le numéro 136 d’Hôtel & Lodge.