La Valette : pur Malte

Son décor de pierre couleur miel semble figé depuis cinq siècles, mais sa dolce vita méditerranéenne, elle, évolue avec son époque. D’une beauté rare, joyeuse, épicurienne, La Valette, capitale de Malte, s’envisage désormais comme une destination a part entière, agréable en toute saison.

Par Céline Baussay

En 2015, un an avant de célébrer son 450e anniversaire, La Valette était désignée capitale européenne de la culture 2018. Un véritable électrochoc pour cette cité-forteresse perdue au beau milieu de la Méditerranée, plus petite capitale de l’Union européenne, mais immense par son héritage historique. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, La Valette a conservé intacts tous ses trésors, à la fois grandioses et empreints de mystère : quelque 320 monuments historiques, palais, églises, placettes ombragées, jardins panoramiques, fontaines, statues…

Le spot le plus instagrammable de La Valette ! Où le rouge des balcons fait écho à celui de la cabine téléphonique, souvenir de la domination britannique.

On imagine chaque ruelle sombre, chaque cour intérieure comme le théâtre d’intrigues entre chevaliers, de rendez-vous entre amoureux clandestins. On devine derrière chaque façade, au-delà des portes en bois sculpté et des balcons colorés en saillie, des intérieurs baroques somptueux.

Les Trois Cités vues des jardins d’Upper Barrakka.

Une vaste campagne de restauration, d’embellissement mais aussi de reconversion a redonné à ce formidable patrimoine son cachet d’antan, sans jamais sonner faux. Ainsi, le musée des Beaux-Arts, rebaptisé MUZA, a investi les espaces de la magnifique Auberge d’Italie pour exposer ses collections et, en prime, ouvrir un très sympathique café-concert.

La place de la République, cœur vivant de la ville, et ses terrasses au soleil. À l’arrière-plan, la bibliothèque nationale abrite les archives du pays.

Un food market inspiré du mercado San Miguel de Madrid a été créé dans un ancien marché couvert datant de l’époque des chevaliers, Is-Suq Tal-Belt. Les entrepôts de Floriana, bâtis au xviiie siècle, longtemps abandonnés, bordent aujourd’hui une longue promenade animée de terrasses au bord de l’eau sur le Valletta Waterfront.

La consécration avec Renzo Piano

Mais la révolution urbanistique la plus étonnante est à attribuer à Renzo Piano. Le starchitecte gênois a été missionné pour repenser l’une des principales entrées de la ville, la City Gate. « Il a ouvert une brèche dans les fortifications, créé un accès plus accueillant et intégré l’architecture contemporaine au milieu des styles baroque, Renaissance ou néo-classique », explique Konrad Buhagiar de l’agence AP Valletta, associé de Renzo Piano sur ce projet, qui a également réalisé le Valletta Waterfront et l’impressionnant ascenseur de 58 mètres de hauteur reliant Grand Harbour aux jardins d’Upper Barrakka.

Le parlement de Malte, réalisé par Renzo Piano en 2015 : symbole fort de la renaissance de la ville.

Pour son œuvre-phare, le siège du parlement maltais, Renzo Piano a choisi d’utiliser la pierre locale, le calcaire à globigérine, et de respecter ainsi l’harmonie visuelle du quartier. « Il voulait donner l’impression d’un bloc de pierre unique, taillé sur place, sans joint, alors qu’il y a en réalité 7 000 petits blocs assemblés », précise Konrad Buhagiar. L’ouvrage attire tous les regards, mais il ne fait pas l’unanimité : « La polémique a été aussi forte que pour la pyramide du Louvre à Paris. Certains Maltais comparent ironiquement sa façade affûtée à une râpe à fromage. »

Collectionneur d’art, propriétaire de la maison d’hôtes The Snop House à Senglea et co-organisateur d’une régate entre Saint-Tropez et Malte, le Trophée Bailli de Suffren, le Français Olivier Plique est au contraire très enthousiaste :« Le parlement de Renzo Piano a redonné du prestige à la pierre locale, et à La Valette en général. Je le considère comme un phare culturel qui rappelle que La Valette est une ville très inspirante, notamment pour les artistes, par sa lumière, son histoire. Il y a encore vingt ans, elle était dans son jus, mais morte. Les gens venaient travailler dans les bureaux et le soir, elle était désertée, mal famée. »

Partout à La Valette, les façades en pierre  sont percées de portes en bois et de balcons en saillie, de différentes couleurs. 

La Valette revient de loin. Depuis sa consécration comme capitale européenne de la culture, la moyenne d’âge des habitants est descendue en flèche… et le prix des logements a explosé. Les start-up, profitant d’une fiscalité avantageuse, s’y sont installées en nombre. Les festivals de musique et les animations en tout genre font vivre les lieux tout au long de l’année. À l’instar des boutiques de jeunes créateurs, restaurants de chefs audacieux, bars à vin, clubs, galeries d’art et boutiques-hôtels design, récemment ouverts, qui achèvent de réveiller la belle endormie.

Des chevaliers aux gentlemen

Le destin de La Valette a rattrapé au vol celui
de l’archipel maltais,
à partir du xvie siècle. Érigée en 1566 par les fameux chevaliers de l’ordre de Saint-Jean, la ville porte le nom du Grand Maître qui parvint à contrer l’invasion ottomane, le Français Jean Parisot de La Valette. Entourée de fortifications, elle est l’une des premières villes européennes pensées à partir d’un plan militaire, avec des rues quadrillées, tracées sur une péninsule d’à peine 1 kilomètre de long et 600 mètres de large. Une forteresse imprenable et déjà avant-gardiste. Après le déclin des chevaliers, Malte passe sous le règne furtif de Napoléon Bonaparte de 1798 à 1800, puis est rattachée à l’Empire britannique pendant plus de 160 ans, jusqu’à son indépendance en 1964.

C’est à cette période que La Valette monte en puissance, exploite pleinement sa position de port stratégique en Méditerranée, s’embellit, se structure. Les pavés remplacent la terre battue. Un tribunal de commerce est créé. Elle devient « une ville bâtie par des gentlemen pour des gentlemen », comme aiment à le dire alors les Anglais. Et voilà ce qui explique, aujourd’hui, que les Maltais conduisent à gauche, parlent tous la langue de Shakespeare, même s’ils possèdent la leur… et que La Valette conserve précieusement en héritage quelques cabines téléphoniques rouges.

© Office du tourisme de Malte

voyage-lavalette.fr

visitemalte.com

Article paru dans le numéro 115 d’Hôtel & Lodge

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