Par Céline Baussay
Christophe Colomb, en son temps, avait succombé au charme de celle que l’on surnomme aujourd’hui, en son honneur, l’île Colombine. Adulée par les amoureux de la nature et les adeptes de la randonnée, la Gomera reste néanmoins l’une des îles les plus méconnues de l’archipel canarien.
La plupart des visiteurs débarquent, dès potron-minet, au port de San Sebastian pour une excursion d’une journée. Le soir venu, ils rejoignent en ferry l’île de Tenerife, à seulement 30 kilomètres de là. En quelques heures, ils n’ont qu’un bref aperçu de La Gomera, mais largement suffisant pour mesurer le contraste entre les deux îles. Ici, pas d’aéroport international, d’affreux immeubles des années 1970 et de front de mer envahi par la foule.
Valle Gran Rey, village adossé à la colline en surplomb d’un profond ravin.
Les plages sont couvertes de galets ou de sable noir. Le silence est d’or et le seul fond sonore provient du chant des oiseaux. Les Gomeros laissent volontiers à leurs voisins le tourisme de masse et l’urbanisation à outrance pour mieux veiller sur la sérénité et la douceur de vivre de leur petit paradis, qu’ils définissent comme l’alliance très réussie de trois continents : l’Europe pour l’organisation politique et économique, l’Amérique du sud pour la mentalité et l’Afrique pour le climat.
Les Gomeros veillent sur la sérénité et la douceur de vivre de leur petit paradis
S’il est une île canarienne comblée par Dame nature, c’est bien celle-là. Les randonneurs ne s’y trompent pas et viennent nombreux, tout au long de l’année, arpenter les chemins et sentiers du parc national de Garajonay, la principale curiosité de La Gomera. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1986, ce parc de 4000 hectares doit son nom au mont Garajonay, qui culmine à 1 487 mètres. Particulièrement représentatif de l’écosystème insulaire, il abrite, sur un haut plateau à l’abri des alizés, environ 1 000 espèces animales, dont 150 sont endémiques de La Gomera, ainsi que 400 arbres et espèces végétales, dont 140 sont endémiques de l’île ou de l’archipel.
Une grande part du parc est occupée par une réserve scientifique et n’a pas été aménagée pour la marche à pied. Le reste, encore très vaste, est quadrillé d’innombrables sentiers balisés qui font le bonheur des randonneurs. Le sous-bois est recouvert de bruyères d’un vert éclatant. Au fur et à mesure de la progression, la forêt devient plus humide et plus dense.
Dans la partie la plus luxuriante, le Bosque del Cedro, des lauriers sylvestres similaires à ceux de l’époque tertiaire et mesurant jusqu’à dix mètres de haut cachent la lumière du jour. On évolue entre les troncs moussus et les interminables lianes dans une étrange atmosphère : à chaque pas, on s’attend à voir surgir, derrière un cèdre ou un pin, une fée, un elfe ou un bon petit génie…
Les cultures en terrasses quadrillent les montagnes de l’intérieur de l’île.
Une halte s’impose, de temps à autre, aux différents miradors. Lorsqu’il n’est pas voilé par une brume épaisse, le panorama est grandiose. De hauts pics rocheux, Los Roques, émergent de la forêt, rappelant au passage l’origine volcanique de l’île. Les villages isolés se noient dans les profondes vallées, tandis qu’à l’horizon se profile la silhouette imposante du pic Teide, qui domine Tenerife. Le parc national de Garajonay occupe le cœur de l’île et en constitue en quelque sorte le carrefour puisque les principales routes le traversent.
La nature est reine dans le parc national de Garajonay, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
Toutes très sinueuses, elles ont été construites en fonction des « barrancos », ces profonds ravins qui strient l’île et rendent l’accès aux villages long et difficile. C’est d’ailleurs pour communiquer plus facilement d’un versant à l’autre que les Gomeros ont eu autrefois l’idée d’inventer un langage sifflé, unique au monde, le silbo. Sur la côte nord, le bord de mer est souvent inaccessible et il faut se contenter d’admirer de loin la mer bleu turquoise et les vertigineuses falaises. Cependant, des croisières en bateau permettent de faire le tour de l’île et même, à condition que la mer ne soit pas trop agitée, de se rapprocher d’une impressionnante muraille basaltique, Los Organos.
Les villages isolés se noient dans les profondes vallées
À l’intérieur des terres s’élèvent de majestueuses montagnes recouvertes de cultures en terrasses de tomates et de bananes. De Hermigua à Vallerhermoso (littéralement « vallée magnifique »), en passant par Agulo ou Las Rosas, la route traverse de pittoresques villages aux maisons blanches, où il fait bon s’arrêter pour goûter au gofio, un mélange de farines qui constitue la base des repas depuis des générations. L’itinéraire au nord se termine devant le roque Cano (« le rocher du chien »), un neck volcanique haut de 650 mètres.
Calle Real, épicentre de San Sebastian de La Gomera.
À l’ouest de l’île, la station balnéaire de Valle Gran Rey est nichée dans une sorte d’impasse naturelle verdoyante, bordée de palmiers et de bananeraies. Il faut ensuite remonter par Chipude, puis El Cercado, village connu pour ses poteries traditionnelles fabriquées sans tour, très prisées des touristes, pour rejoindre Playa Santiago, une autre station balnéaire, située à l’extrême sud et réputée pour son ensoleillement.
Puis retour à la case départ, San Sebastian de La Gomera, par une route entourée de collines arides et dénudées. La Torre del Conde, l’église de la Asuncion et la casa Colombina, où Christophe Colomb séjourna à plusieurs reprises avant de partir vers l’Amérique, sont les trois principaux centres d’intérêt de cette cité tranquille, que rien ne semble pouvoir perturber. Et surtout pas le ballet des ferries dans le port, seul véritable lien de La Gomera avec le reste du monde.
Le Parador de La Gomera, sans nul doute la plus belle adresse de l’île.
Carnet pratique
Y aller : avec Allibert Trekking, Chamina Voyages, La Balaguère, Terres d’Aventure… Ces tour-opérateurs spécialistes de la randonnée programment la destination toute l’année ou à certaines périodes seulement, parfois en combiné avec d’autres îles canariennes. La Gomera ne possède pas d’infrastructures touristiques haut de gamme. Les conditions de séjour sont souvent très sommaires et les repas bons, mais simples.
chamina-voyages.com ; labalaguere.com ; terdav.com ; allibert-trekking.com
Où dormir ? : le Parador de La Gomera :situé en surplomb de la ville de San Sebastian, ce parador au charme désuet offre un spectaculaire panorama sur l’océan, l’île de Tenerife et le Teide. Ses points forts : son architecture typique, son jardin planté d’espèces tropicales et sa piscine avec vue. parador.es
S’informer : lagomera.es
photos © shutterstock
Article paru dans le numéro 111 d’Hôtel & Lodge