Ses principaux monuments sont des hôtels ? Oui, mais pas seulement… Au-delà de la démesure architecturale et de l’excentricité des décors, le micro-État recèle des musées incroyables et des quartiers singuliers. Il y a tant à voir et à vivre au royaume des sables.
Dossier réalisé par Aliette de Crozet
Le Qatar a été le centre des attentions fin 2022 en accueillant la coupe du monde de football, le plus grand événement sportif de la planète. 2,6 millions d’habitants – dont 10 % de Qataris – ont su recevoir 1 million de visiteurs. Sur les écrans, on a vu huit stades, le port, la skyline de Doha… et entendu des commentateurs proclamer qu’à part le foot, au Qatar, il n’y a rien à voir. Et pourtant… La péninsule longue de 160 kilomètres offre largement de quoi occuper une semaine de découvertes. Les dunes enlaçant la mer intérieure de Khoral-Adaid et les mangroves d’Al Thakira ravissent les fans de nature. Le fort d’Al Zubarah veillant sur un comptoir de pêcheurs de perles enlisé dans le sable, inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, émeut les amateurs de culture. Côté sport, le football a occulté les deux passions nationales : les courses des pur-sang arabes choyés dans les écuries royales Al Shaqab et celles des dromadaires d’Al Shahaniya rassemblant des milliers de camélidés. Le spectacle de ces ongulés, montés par des robots-jockeys pilotés depuis des 4×4 roulant à leurs côtés, vaut bien – allez… – un but de Mbappé. À Doha, il n’est pas rare de croiser aussi des chameliers patrouillant dans les venelles du souk Waqif, labyrinthe d’échoppes vouées au safran, à l’or et aux montres griffées de seconde main.
La capitale possède plusieurs musées spectaculaires : le musée d’Art islamique (MIA) conçu par l’architecte I.M. Pei et récemment rénové, « la Rose des sables » de Jean Nouvel abritant le musée national du Qatar et ses merveilles comme le tapis de Baroda, tout en perles naturelles, mais aussi le nouveau 3-2-1 Qatar Olympic and Sports Museum. Après avoir découvert les gants de boxe de Mohamed Ali, la Ferrari de Michael Schumacher, la collection de torches olympiques, il faut s’attabler devant l’un des plats végans de Tom Aikens, au restaurant Naua, l’un des nouveaux spots healthy du pays… À une demi-heure de Doha, un autre musée, celui du Sheikh Faisal Bin Qassim Al Thani, présentant plus de 15 000 objets de la collection personnelle du Sheikh, mérite à lui seul l’embarquement sur un vol de Qatar Airways. Grâce à ses réserves de gaz, ce pays riche à milliards ne cesse de se développer : de nouvelles cités sortent de terre et des lignes de métro strient la platitude caillouteuse entre les derricks. Lorsque la nuit tombe sur le golfe Persique comme le faucon sur sa proie, les époustouflantes Katara Towers, deux tours en vis-à-vis, tels des poignards entrelacés, scintillent. Et l’on est saisi d’un sentiment d’urgence. Au Qatar, on peut encore se régaler pour quelques euros d’une galette au restaurant Al Fanar, dans le petit port d’Al Wakra. Mais les ambitions de l’émir sont claires : les dépenses des visiteurs doivent être multipliées par trois ou quatre par rapport au niveau de 2019. Le Qatar est peut-être en passe de devenir l’une des destinations les plus chères au monde. Dépêchez-vous !
01 – BANYAN TREE DOHA AT LA CIGALE
Dans le quartier de Mushaireb, au-dessus du tout nouveau grand magasin Le Printemps, Jacques Garcia convoque dans un lieu aux couleurs de l’Amazonie.
On a connu Jacques Garcia plus urbain, plus mesuré. Voilà que l’empereur du boudoir transporte ses troupes en Amazonie. Dès le hall, des arbres de vie aux troncs énormes jaillissent, les flammes crépitent, la forêt rugit entre lave et cendres. Quelques couloirs plus loin, la jungle s’apaise, les sapajous se taisent… et l’on débouche sous une oliveraie. Ce nouveau Banyan Tree a pris racine au cœur de l’oasis de Doha, qui se veut un havre végétal, et déploie des références touffues. Comme des champignons, deux tourelles de verre émergent de ce jardin – elles abritent les roller coasters d’un parc à thème souterrain. Et toutes proches, les galeries du Printemps.
Les 126 chambres – dont 68 suites – s’avèrent plutôt mas- culines, couleur tabac, avec des bureaux en palissandre, des sous-main et des canapés en cuir et des douches aux parois ondulées curieusement plantées, elles aussi, dans les salles de bains. Trois élégants restaurants se déploient entre les 24 et 27e étages : Il Galante, un italien, le Saffron, un thaï orange et ocre, et l’indien Qalamkarri. Coup de cœur pour ses tentures de paons en fil d’argent… Le spa Banyan Tree, au 2e étage, est réussi… mais dans un arbre, on a surtout envie de planer : le bar de nuit Vertigo, au 28e étage, le permet. Sur trois étages, des cloisons composées de milliers de pièces de noyer twistent et enveloppent les zones dédiées au service et aux comptoirs. Des troncs noirs et des galets miroirs reflètent les cocktails aux vapeurs d’ozone. Maître Jacques, ce soir-là, a bien fait son nid.
02 – ROYAL MERIDIEN DOHA
Au coeur d’un pâté d’immeubles recréant les quartiers chics de Paris, ce nouveau 5-étoiles teinte de notes azuréennes un chiquissime classicisme.
Le Royal Méridien Doha Place Vendôme s’intègre dans un quadrilatère couvrant 1 million de mètres carrés… et comme à l’habitude sur le sol qatari, l’hôtel est un des éléments du complexe. Ici, un gigantesque mall rassemble 500 magasins de luxe le long de couloirs alliant les codes des Champs-Élysées ou de la rue de la Paix à la grandiloquence moyen-orientale. Sur un sol arborant un motif d’écailles en fer forgé, d’élégantes voiturettes façon Traction acheminent les clientes chez Etro, Chopard, Versace, Dior ou Chanel… Et c’est ainsi, après que le groom a suivi l’avenue Eiffel et tourné place de l’Élysée, que l’on parvient au Royal Méridien Doha Place Vendôme. On pourra bientôt venir directement en bateau depuis l’aéroport. Le lobby, très réussi, réunit canapés jaunes et rouges aux touches Art déco. Le concierge est en place, fier d’annoncer qu’il y a seulement quatre Royal Meridien dans le monde.
Clin d’œil au glamour de la Côte d’Azur des années 1960, les chambres s’habillent de coiffeuses, de jaune soleil et de bleu turquoise, allient le marbre et le bois. Ce n’est pas Proust mais Steve Jobs qui inspire les citations sur les têtes de lit des 247 chambres : « Design is a funny word ». Au pied d’un fronton néoclassique, celui de l’Assemblée nationale ou du théâtre de la Madeleine, allez savoir, une agréable piscine se déploie sous les orangers. Les restaurants, eux, boudent Paris pour une ambiance plus new-yorkaise, un décor de briques, au turc Yedi by Chef Esat ou au G.O.A.T Sports Lounge. En sortant, un chemin, rafraîchi par des brumisateurs, conduit aux plus belles Galeries Lafayette du monde. N’y manquez surtout pas le rayon des fromages ni celui, pas très français pour le coup, mais dans l’air du temps, des boissons sans alcool.
03 – PULLMAN DOHA WEST BAY
Peut-être n’est-il pas le plus design… mais il est sans doute l’un des plus agréables à vivre et un des plus gourmands du pays. Au cœur de West Bay, ce Pullman séduit par ses larges volumes verdoyants (la charte oblige à de « vraies » plantes), ses œuvres d’art et sa cuisine. 47 étages abritent les 375 chambres et suites. Chics, avec leurs rayures bayadères, leurs produits britanniques C.O. Bigelow, leur menu d’oreillers, elles offrent une vue sur la skyline et une terrasse où l’on joue au padel jusqu’à 1 heure du matin. Au petit déjeuner, tout a du goût, de la soupe de lentilles égyptienne au toast à l’avocat. Le restaurant Avenue sert les petits déjeuners des Champs-Élysées, de Tsukiji, du Bosphore ou de Broadway. René, le chef mexicain, fournit The Score, le bar sportif, en tacos de compétition. Bravo enfin pour l’authenticité du Bice, succursale du restaurant milanais : pour une fois, la péninsule moyen-orientale est digne de sa sœur du Midi, et l’osso-buco au riz safrané parfaitement exécuté.
04 – AL SAMRIYA, AUTOGRAPH COLLECTION
600 voitures dont la Cadillac de l’émir, des œufs de dinosaures, le plus petit et le plus grand Coran du monde, un ballon de foot signé Ronaldo, une maison de Damas reconstituée… l’incroyable musée du Sheikh Faisal Bin Qassim Al Thani abrite un inventaire à la Prévert à l’outrance orientale. À côté de la gigantesque ferme abritant ces 30 000 trésors, le sheikh vient d’ouvrir un hôtel, aussi minimaliste – toutes proportions gardées – que sa collection est chargée. Les 26 villas et le bâtiment principal, avec ses 62 chambres, sont en pierres naturelles, sobrement – oui ! – ornées de tapis, d’un peu d’artisanat, d’un bureau et d’une armoire. Une salle de sport et un restaurant sont à disposition. Le grand attrait du lieu est la possibilité de se promener sous les palmiers-dattiers de la plantation et de visiter la réserve d’oryx. On peut également admirer les pur-sang arabes du centre équestre Al Samriya, voire se rendre un peu plus loin au centre de course des dromadaires. Ici, reconnaît le directeur général Ammar Samad, « on peut à la fois se ressourcer et découvrir un peu de la culture du pays ». Pas si fréquent…
05 – MANDARIN ORIENTAL, MSHEIREB DOWNTOWN DOHA
Le quartier de Msheireb, aux façades graphiques en belle pierre calcaire, abrite boutiques de parfumeurs, cafés végans et petits musées. Avec ses dimensions européennes, il est particulièrement prisé des femmes en balade. Son style Art déco a été pensé par sheikha Moza, mère de l’émir actuel. Le Mandarin Oriental occupe un côté de la place Barahat Msheireb, ombragée par une pergola rétractable. Dès le hall, on glisse dans l’ambiance intimiste et précieuse voulue par les décorateurs de l’agence londonienne David Collins. Des motifs de moucharabiehs et des éventails – le logo de la marque – en marqueterie de paille habillent les murs, les lampes arborent la forme de la coque et les cordages des dhows, les voiliers traditionnels. Une moquette nuage conduit aux 249 chambres, aux dressings façon crocodile, lampes en albâtre de l’artiste Hannah Woodhouse, niches en onyx et têtes de lit capitonnées.
Le spa, axé sur les cinq éléments de la médecine chinoise, avec piscine intérieure, se déploie sur 3 000 m2. Deux des huit restaurants ont été créés par le studio français Jouin Manku. On aime s’y installer sur pour observer les Qataris. Depuis l’hôtel, les musées de Msheireb sont proches. L’un, belle preuve d’autocritique, se pose la question de l’esclavage en pays arabes, évoquant la prostitution, les enfants jockeys et les travailleurs migrants. Et un autre résume la découverte du pétrole en 1939, et l’exportation du gaz liquéfié qui allait changer la face du pays.
06 – FUWAIRIT KITE BEACH
À 95 kilomètres au nord de Doha, le vent souffle constamment de novembre à juillet… Une belle aubaine pour y ouvrir le Fuwairit Kite Beach, griffé Tapestry Collection by Hilton, au style californien assumé. Un poing levé accueille devant la façade, les chambres sont décorées de graffitis aux couleurs de l’arc-en-ciel, des bouées en forme de flamants roses flottent sur la piscine et le restaurant est plutôt végan. Depuis la plage, on peut voir les évolutions des kitesurfeurs, dont la monitrice Sarah Lord, celle qui a découvert le spot. L’hôtel est interdit aux moins de 18 ans, ce qui le classe, pour beaucoup, parmi les plus cool du pays.
Pour en savoir plus
Qatar Tourism propose un site Internet en français : visitqatar.com/fr-fr
Article paru dans le numéro 127 d’Hôtel & Lodge.