Tour à tour bouillonnante, festive ou bucolique : ainsi va la capitale anglaise. Inchangée mais nouvelle, chatoyante, culturelle, épicurienne, et toujours cosmopolite. Surtout, elle inspire tout au long de l’année, quelle que soit la saison qui la traverse.
Texte Céline Baussay et Anastasia Chelini
À nulle autre pareille, Londres fascine par son prestige comme par son énergie. « Bis repetita placent », « les choses répétées plaisent », dit l’adage latin tiré d’Horace, et c’est vrai ; Londres sait fait venir, et surtout revenir. Notamment les Français, qui succombent aisément à son charme so british. D’abord parce qu’elle fait habilement le pont entre la France et le Royaume-Uni, dans un doux mélange de promesses d’ailleurs et de proximité, elle qui est si proche de nos côtes tout en offrant le dépaysement d’un autre pays, d’une autre culture, d’une autre langue. Ensuite parce qu’elle déploie un mix entêtant de nouveautés attrayantes et de monuments historiques séculaires, que l’on aime à voir (et revoir) – comme l’indétrônable Big Ben. Enfin parce que son parfum plaisant d’excentricité, que l’on peut humer dans les quartiers de Camden ou de Soho la nuit venue, croise aussi la route de rituels immuables tel l’afternoon tea, ce moment gourmand dont elle a le secret.
Car Londres, au fond, c’est cela : un équilibre savant entre ancien et nouveau, traditions et avant-garde, classicisme et branchitude. Surtout, cette ville-monde offre une dimension joyeusement polycéphale. D’une rue à l’autre, d’un quartier à l’autre, tout change, tout se transforme : la vie se fait tour à tour ultra-citadine si l’on est du côté de Piccadilly, de Carnaby Street ou de Bond Street, puis active et pressée dès que l’on arpente la City ; champêtre ensuite, dès lors que l’on s’immerge dans l’un des immenses parcs du centre-ville, comme Regent’s Park, St. James’s Park, Hyde Park et bien d’autres. Puis le paysage change à nouveau, car nous voici longeant les rues au charme fou du quartier de Notting Hill, où les villas étincellent de blancheur ou de couleurs. On se promène ensuite le long d’un des canaux serpentant à travers la capitale anglaise – et l’on se croit, à nouveau, plongé à la campagne – avant de s’imprégner de la coolitude absolue de Shoreditch, dans le East London. Et partout, des musées, des galeries, des salles de spectacle, des expositions majeures, l’offre culturelle londonienne tenant toutes ses riches promesses.
Du côté de l’hospitality, Londres a aussi fort à montrer, elle qui s’est récemment dotée de nouveaux palaces – The Emory, le Raffles London at The OWO ou encore The Peninsula London – et de pépites comme le Mandarin Oriental Mayfair ou le très confidentiel Grand Hotel Bellevue. Sa scène culinaire, l’une des plus dynamiques d’Europe, séduit également. Entre tables en vogue, gastro-pubs réconfortants, restaurants étoilés, cuisines du monde entier et bars-rooftops aux cocktails soignés, la gourmandise londonienne se combine souvent avec un décor inspirant. C’est bon et c’est beau, alors let’s go !
The Emory, Hyde Park en transparence
Avec The Emory, sa quatrième adresse londonienne après le Claridge’s, The Connaught et The Berkeley, le groupe Maybourne offre une perle rare à Knightsbridge. Un cocon contemporain où luxe, calme et volupté ne sont pas de vains mots.
L’entrée est d’une absolue discrétion : elle se love au détour d’une allée privée. Dès l’accueil, le ton est donné : The Emory place très haut la barre du standing et du service personnalisé. Œuvre posthume de l’architecte Sir Richard Rogers, ce bloc de verre et d’acier, bien peu conventionnel pour le quartier, abrite exclusivement des suites (60) et un penthouse. Parmi les avantages : un assistant personnel disponible 24 heures sur 24 et une vue imprenable sur Hyde Park, et même sur la cime des arbres à travers les hautes baies vitrées des suites les plus élevées. Alexandra Champalimaud, André Fu, Pierre-Yves Rochon, Patricia Urquiola, Rigby & Rigby… quelques-uns des plus grands architectes d’intérieur du moment ont officié à la mise en beauté des étages. Avec une même approche des matériaux nobles, des finitions travaillées, du confort optimisé avec des technologies de pointe. « Nous avons voulu créer des suites visuellement époustouflantes, dont les détails se découvrent comme au fil d’un parcours émotionnel, souligne Pierre-Yves Rochon. L’interaction des textures et la danse de la lumière font partie intégrante de la narration. »
Les espaces communs signés d’un autre Français, Rémi Tessier, sont de la même veine. Le restaurant du chef triplement étoilé Jean-Georges Vongerichten, lui aussi français, est l’aimant vers lequel tout converge. Avec abc kitchen, il propose une table glamour, colorée, qui célèbre le produit et invite au partage ; tout comme à l’Emery Bar avec sa terrasse, qui prolongent le restaurant. Réservés aux seuls clients de l’hôtel, le rooftop et ses deux bars distillent un même parfum d’exclusivité ; le Bar 33 déploie une vue à 360° sur Londres et sa skyline, tandis que le Emory Cigar Merchants, plus intimiste, s’organise autour d’un meuble à cigares circulaire. Dernier point fort de l’hôtel, le centre de bien-être Surrenne qui s’étend sur quatre étages avec un studio de remise en forme, un espace fitness dernier cri et une incroyable piscine intérieure bleu azur de 22 mètres de long. Entre l’urbanité sophistiquée de Knightsbridge et la nature foisonnante de Hyde Park, The Emory s’impose comme une adresse marquante, avec un sens du luxe qui s’apparente à celui des résidences les plus prestigieuses de la ville. Pour séjours longue durée…
Grand Hotel Bellevue, home sweet home
En écho à Londres, ville-monde aux multiples visages, ce nouveau 4-étoiles dévoile un décor original, chaleureux et judicieusement équilibré, entre classicisme assumé et excentricité bien dosée.
La position entre Mayfair et Notting Hill était déjà un sérieux atout. Mais depuis l’ouverture, il y a deux ans, de la Elizabeth Line, la ligne de métro qui traverse la ville d’ouest en est avec son immense gare en centre névralgique, Paddington compte parmi les quartiers les plus prometteurs de Londres. Le groupe familial Lignée Hôtels ne s’y est pas trompé en implantant là son premier établissement en dehors de la France. Comme au Yndo Hôtel à Bordeaux ou au Narcisse Blanc à Paris, il a appliqué au Grand Hotel Bellevue sa vision d’une hospitalité aussi exigeante que discrète, teintée d’un art de vivre à la française et d’un style décoratif affirmé : une petite révolution au milieu de la ribambelle de mini-hôtels sans âme, parfois vétustes, du quartier.
Deux bâtisses victoriennes accolées ont été réunies et remises à neuf pour accueillir 60 chambres, de la plus petite conçue comme une cabine de bateau à la Grand Norfolk Suite dont les hautes fenêtres donnent sur les arbres du paisible Norfolk Square. Une œuvre globale de l’architecte d’intérieur milanais installé à Paris Fabrizio Casiraghi, qui, pour l’occasion, a inventé une histoire fictive et en a déroulé le fil dans tous les espaces : « Cela permet une cohérence dans l’élaboration du projet, justifie-t-il. J’ai imaginé la maison d’un couple de globe-trotteurs. Lui est un aristocrate élégant, qui a le goût de l’ancien. Elle, une collectionneuse d’art un peu excentrique. Deux esprits se fondent ainsi dans l’hôtel. » Sous cette double influence, Fabrizio Casiraghi multiplie partout les associations improbables de tissus, de couleurs exubérantes, de mobilier réalisé sur mesure et de pièces chinées : « Des vieux tableaux, des petits objets, comme des souvenirs de voyage… tout ce qui pourrait faire partie de l’histoire de la famille. Et qui évite l’aspect showroom des lieux. » Au Pondicherry Bar, une cheminée Art déco et des tapisseries brodées représentant des animaux exotiques ; à la réception, un comptoir en métal brillant, une banquette en velours, un tapis persan, des boiseries laquées et des murs orange vif… Tout un travail minutieux et abouti sur le contraste jusque dans les salles de bains, où l’on s’étonne à peine de voir une nature morte accrochée sur un carrelage aux tons flamboyants… « comme si madame avait eu un moment de folie », s’amuse Fabrizio Casiraghi.
4 nuits hors normes
Ces derniers mois, chaque nouvel hôtel qui ouvre à Londres se distingue par un emplacement inattendu, un concept original, un design fort. Surprises à tous les étages !
01 – BROADWICK SOHO
Dormir avec Francis Bacon
Projet d’une bande d’amis passionnés d’art et de design, cet hôtel au cœur du quartier vibrant de Soho dénote par la singularité de ses espaces – le salon feutré, le bar animé, le restaurant en rooftop, les 57 chambres – et de sa décoration, bigarrée et bariolée, imaginée par l’architecte d’intérieur suédois Martin Brudnizki. Mais à y regarder de plus près, on remarque aussi que les dessins de chaussures accrochés au mur sont d’authentiques Andy Warhol, et que le penthouse possède à lui seul quatre peintures de Francis Bacon ! En tout, l’hôtel présente plus d’une centaine d’œuvres de différents artistes.
02 – TWENTY TWO
Au théâtre ce soir
Reconverti en hôtel de 31 clés et club privé, l’imposant manoir edwardien sis au 22 Grosvenor Square a été mis en scène par l’architecte et designer Natalia Miyar dans un style français classique du xviiie siècle pimenté de modernité. Dans les suites en duplex et la Terrace Suite, le parti pris d’opulence fait fureur. Des papiers peints Pierre Frey jusqu’au plafond aux lits à baldaquin en passant par les miroirs biseautés et les passepoils de velours, c’est un vrai spectacle. Artistes, designers et VIP se pressent dans ce repaire très exclusif de Mayfair.
03 – 1 HOTEL MAYFAIR
Luxe durable
Pour son premier établissement en Europe (après Londres, ce sera Paris), le groupe 1 Hotels a dupliqué le concept green qui a fait son succès aux États-Unis et au Canada : œuvres végétales XXL (dont une suspension du Français Patrick Nadeau) dans les parties communes, table locavore du chef star Tom Sellers, design responsable, spa griffé Bamford (marque éthique), ateliers terrarium… À réserver en priorité, le penthouse de 350 m2 avec vue sur Green Park et la Dover Tower Suite avec sa terrasse. Tous deux exceptionnels !
04 – MANDARIN ORIENTAL MAYFAIR
Coup double
À Mayfair encore, sur Hanover Square, Mandarin Oriental vient d’inaugurer son deuxième hôtel londonien après celui de Hyde Park : 50 chambres et suites décorées des papiers peints poétiques de la maison de Gournay, un spa avec une piscine de 25 mètres de long, et pour la première fois en Angleterre, un restaurant du chef étoilé Akira Back, dont le talent fou est à découvrir aussi en version intimiste à Dosa (la table du chef), festive à l’ABar Lounge et bientôt à l’ABar Rooftop, avec vue sur la skyline.
Les délices d’un jour
Où déguster un afternoon tea, prendre un verre, déjeuner ou dîner ? Voici quatre hot spots à tester, de 8 heures du matin à minuit.
01 – À TOUTE HEURE CLARIDGE’S ARTSPACE CAFE
Coffee-shop non-stop
Ce joli café-restaurant propose une alléchante sélection de desserts, pâtisseries et autres crêpes, ainsi qu’un court menu lunch. Idéale pour une pause gourmande au cours d’une journée trépidante dans Mayfair, cette adresse se trouve dans l’iconique Claridge’s, le palace historique de Londres. Cerise sur le gâteau, elle a un accès direct à la galerie d’art de l’hôtel, située juste en dessous.
02 – À 16 H AU LANESBOROUGH
L’afternoon tea enchanté
Directement inspiré de l’univers de la série Netflix La Chronique des Bridgerton, l’afternoon tea du Lanesborough (Oetker Collection) allie élégance et glamour, dans un décor néoclassique du plus bel effet. Les scones sont tendres et chauds, les petits gâteaux ciselés et les cocktails aussi goûteux qu’instagrammables. Le tout se déguste sous des lustres monumentaux, au son des mélodies du pianiste. So chic !
03 – À 19 H AU BROOKLANDS BAR
Cocktail avec vue sur la skyline
À l’heure de l’apéritif, on prend de la hauteur au tout nouveau Peninsula, à deux pas de Hyde Park : son bar rooftop offre une vue imprenable sur Londres, le tout dans une ambiance branchée et festive, et sous un plafond auréolé de mille lumières. Le lieu est supervisé par le chef multi-étoilé Claude Bosi, qui y signe une petite carte de plats et de desserts.
04 – DÎNER AU COCOCHINE
La table du moment
Le premier restaurant personnel de Larry Jayasekara, l’ancien chef exécutif de l’étoilé Pétrus by Gordon Ramsay, se situe à Mayfair. Au dernier étage, l’incroyable salle à mange-salon privatisable a des allures de loft new-yorkais. Au premier, les clients commandent ce dont ils ont envie, même si ce n’est pas à la carte. Au rez-de-chaussée, le menu déroule trois plats. Au sous-sol enfin, une très belle cave à vins achève de donner à l’adresse son ton sophistiqué.
City lovers
Qui mieux que les Londoniens, de naissance ou de cœur, pour nous parler de « leur » ville et de ce qu’ils y aiment ? À Hôtel & Lodge, ils ont confié leur vision de la capitale anglaise et leur carnet d’adresses.
JASPER ANDEREGG
Directeur général de The Emory
Fallow
« J’aime la cuisine, les odeurs des plats, le bruit de fond ; il s’y passe toujours quelque chose. L’environnement est merveilleusement vibrant. »
fallowrestaurant.com
Barrafina
« L’adresse originale, à Dean Street (Soho), est géniale, avec ses tapas si typiques des comptoirs en Espagne, servis ici d’une manière peut-être un peu plus branchée. Elles sont très bien exécutées, et le service est toujours de qualité. »
barrafina.co.uk
Coal Office
« Un restaurant à King’s Cross avec des assiettes à partager. Les saveurs y sont merveilleuses, très créatives, fraîches et audacieuses. »
coaloffice.com
Gymkhana
« Ce restaurant de Mayfair sert une très bonne cuisine indienne dans une ambiance fantastique. Son menu dégustation est incroyable, il combine des plats traditionnels au curry et des grillades. »
gymkhanalondon.com
CRISTIANA FERRAUTI
Consultante en communication et critique de théâtre
« Je viens de Rome, cela fait dix ans maintenant que je vis à Londres ; c’est sa scène culturelle si vibrante qui m’a fait rester, avec ses productions théâtrales dans le West End et ses pub theatres. Côté musées, mes favoris sont le Victoria & Albert et le Science Museum. Pour sortir dîner, j’aime bien aller au Garum, une table italienne ; sinon, je vais à Mayfair, le quartier en vue de Londres. Et pour un verre, direction Soho ! Je conseille notamment Swift et Three Sheets. Les week-ends où je préfère sortir dans mon quartier, Kentish Town, je vais soit au Farmers’ Market du parc Hampstead Heath le samedi matin, soit bruncher dans l’un des coffee-shops animés ; sinon, je pousse jusqu’à Camden Town ou King’s Cross non loin, et je flâne dans les librairies et charity shops du coin – ils regorgent de trésors ! Et en soirée, je me rends au Forum, où se produisent des musiciens comme Liam Gallagher. »
MARTA CASTELO
Ingénieure dans un bureau d’études de la City
« Espagnole d’origine, j’habite Londres depuis six ans. Y vivre n’est pas stressant, bien qu’il s’agisse d’une des plus grandes capitales d’Europe. Ici, j’apprécie la variété des restaurants et des bars ; j’aime, pêle-mêle, les traditionnels fish & chips (je conseille celui du pub historique The Mayflower), l’afternoon tea, et les restaurants recommandés par le Michelin, comme le Barrafina par exemple. Pour prendre un verre, j’aime bien aller au Maltby Street Market. C’est aussi une ville formidable pour les spectacles, les pièces de théâtre avec des acteurs célèbres. Enfin, j’aime Londres pour ses nombreuses promenades, comme celles de Greenwich Park. Surtout, c’est une ville où l’on rencontre beaucoup de monde ! »
Plus d’infos sur visitlondon.com et visitbritain.com.
Article paru dans le numéro 136 d’Hôtel & Lodge.