Serrés les uns contre les autres comme dans une forêt touffue, les gratte-ciels de Central grignotent peu à peu la baie de Victoria. À moins d’une heure en ferry d’îles tranquilles, de collines et de plages. Chine insulaire, au large du grand continent.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Le 1er juillet 1997, Hong Kong quittait le giron britannique pour intégrer la République populaire de Chine, doté d’un statut lui octroyant un semblant d’autonomie jusqu’en 2047. Statut chahuté depuis ! Mais qui, dans cette foule pressée, envahissant les malls, centres commerciaux design et chics de Central où s’alignent les plus prestigieuses maisons de luxe de la planète, celles de LVMH en une, s’en soucie ? La soif de consommation l’emporte sur toute autre considération. Dépenser, profiter, sans penser au lendemain. Telle est la devise des classes « supérieures et moyennes » voulant avant tout paraître « siglées ». Et, contraste, achetant des fortunes des appartements, laissant aux décorateurs le soin de les aménager à leur guise, à leur goût, sans émettre la moindre envie, le moindre souhait. Hong Kong, du port au Victoria Peak, s’emballe, s’enivre. Et de temps à autre, pour changer d’air, fréquenter les casinos, ses habitants empruntent le pont de 42 kilomètres de long reliant Macao depuis l’estuaire de la rivière des Perles.

Dans la baie de Victoria, des vieux ferries dont les matelots portent des uniformes désuets et dans les rues, des trams plus que centenaires témoignent du passé européen. En « ville », quelques édifices religieux, temples et églises, une poignée d’immeubles comme la Maison bleue dans le quartier de Wan Chai, datant de 1922, avec au rez-de-chaussée sa boutique, mi-antiquités, mi-produits du quotidien et son petit musée, résistent à la fièvre immobilière. Nostalgie certes, mais malgré cette atmosphère vibrionnante, on tombe vite sous le charme de ce territoire de 1 115 km2 où s’entassent plus de 7 millions et demi de personnes. Est-ce la brise du large qui se faufile dans les rues ? Est-ce l’énergie contagieuse, la street food parfumée, les restaurants dépaysants ? Est-ce l’offre culturelle grandissante entre le très contemporain Hong Kong Palace Museum, à l’extrémité ouest du West Kowloon Cultural District, le HKMOA, musée d’art sur le front de mer de Tsim Sha Tsui, et d’autres qui prouvent la volonté du Hong Kong Tourism Board que la destination devienne une plaque tournante de l’art en Asie. C’est dans ce cadre que l’office du tourisme participe aux quatre salons annuels d’Art Basel, à Hong Kong bien sûr, mais aussi à Paris, Miami Beach et Bâle. « Une opportunité, assurent ses dirigeants, pour mettre en valeur, auprès des amateurs d’art, notre culture bouillonnante qui allie l’Orient et l’Occident et encourager les échanges culturels internationaux. » Est-ce aussi cette opportunité de sauter dans un ferry pour, 30 minutes plus tard, randonner à Lamma, petite île sans véhicule motorisé, ou de plonger dans le xixe siècle en empruntant à Lantau le canal traversant Tai O, village flottant de la communauté tanka, mis en scène dans Les Tribulations d’un Chinois en Chine avec Jean-Paul Belmondo et Bons Baisers de Hong Kong ?
Lanson Place, comme une demeure particulière
Inauguré récemment après des mois de travaux, le Lanson Place affiche désormais 5 étoiles au lieu de 4 et s’enorgueillit d’être le premier SLH, Small Luxury Hotels of the world, du territoire et le premier signé par l’architecte français Pierre-Yves Rochon.

l’interstice de deux artères de Causeway Bay, l’un des quartiers les plus vivants, les plus animés de la ville, entre le Jardine’s Crescent Market, les boutiques à deux sous, les enseignes de luxe, une librairie extra, les restaurants, les bars, la demeure blanche, cossue, style début xxe siècle, tranche. Comme sur les images où on invite les enfants à cocher l’intrus. Elle campe, solide, rassurante, coupée des bruits alentour grâce à une isolation phonique parfaite. Baptisée par le créateur de Wing Tai Properties Limited, son propriétaire, promoteur immobilier, « Lanson Place », en l’honneur de son épouse qui lui donna cinq fils. Lan, diminutif affectueux de lǎomā, « maman » en cantonnais et « son », fils en anglais, alliance de deux cultures encore très présentes sur l’île. Un nom qui lui sied à merveille, car, comme une mère bienveillante, ce SLH enrobe de douceur avec, à tous les étages, du lobby aux 188 chambres et suites, ses nuances pastel, bleu, vert, jaune qu’affectionne particulièrement Pierre-Yves Rochon, mais aussi ses bas-reliefs de Michèle Letang, artiste française, évoquant l’envol poétique des grues, derrière le comptoir des concierges et à l’Orangerie, et ses quelques toiles originales de Matisse et Cocteau, provenant de galeries parisiennes.
Bienveillante et nourricière aussi, du petit déjeuner copieux servi dans l’élégant salon au deuxième étage, qu’illuminent des lustres à pampilles, aux gourmandises disponibles en « libre-service » jusqu’à 13 h sous la grande verrière de l’Orangerie, croissants dorés croustillants, orangeade, thés, eaux parfumées. Des cocktails, champagnes, amuse-bouches offerts au bar de 18 h à 20 h, histoire de faciliter les échanges, les conversations entre convives venus du monde entier aux déjeuners et dîners, dans la belle salle du deuxième étage, mariant savamment saveurs asiatiques et françaises.


Évident, mais important de le souligner, l’accueil attentif et chaleureux, quel que soit leur âge, des enfants. Avec à la clé un service de baby-sitter et aussi, chaque chambre disposant d’un coin cuisine discret mais bien équipé, la possibilité de préparer les repas de toute la petite famille à n’importe quelle heure et de les partager dans le confort feutré de « ses appartements ». Appréciable en particulier pour les petits voyageurs au long cours en décalage horaire.
The Regent, sa majesté du port
Personne mieux que le designer Chi Wing Lo ne pouvait revisiter de fond en comble et doter d’une réelle personnalité ce « mastodonte » ancré depuis 1980 au plus près de l’eau, sur le port Victoria. Nouvelle décoration, nouvelle atmosphère, nouvelle donne.

Autant l’avouer d’emblée, les gros-porteurs, en matière d’hôtellerie, ne sont guère ma tasse de thé. Alors imaginer séjourner dans un hôtel de 497 chambres, plus qu’une hésitation, un stress. Seule la situation dudit 5-étoiles quasiment sur l’eau et son ouverture récente après une restauration drastique, m’interpellaient. Courage et détermination ! À l’heure justement du tea-time, accompagnée d’une hôtesse souriante balbutiant quelques mots de français, je pénétrais dans ma suite. Une heure après, immergée dans mon immense baignoire ronde dominant le port, je flottais dans un état second, remettant aux calendes grecques ma réservation à l’un des six restaurants du complexe, entre le Lai Ching Heen cantonais, étoilé Michelin, le Nobu japonais, ou un cocktail avec quelques pièces de finger food au Qura Bar.



Le va-et-vient des ferries, des vedettes de luxe, des cargos, des voiliers et les lumières qui peu à peu scintillaient alentour m’hypnotisaient littéralement. Force est parfois de se contraindre, raisons pro obligent, à quitter vue et peignoir pour rejoindre la responsable expérience clients et explorer The Regent de fond en comble. Faisant abstraction de l’agitation permanente du lobby, escaladant les étages, naviguant d’une chambre de luxe à une suite signature, le décor planté par Chi Wing Lo, designer, balayait comme un typhon mes a priori et mon jugement à l’emporte-pièce. Cet hôtel méritait qu’on s’y attarde. À 70 ans, après avoir conçu de nombreux musées, dont le Hong Kong Palace Museum, Chi Wing Lo a plus que rempli sa mission en acceptant de restaurer The Regent, son premier chantier hôtelier. Né à Hong Kong, diplômé d’Harvard en architecture, habitant depuis des années entre Athènes et Côme, outre son studio d’art et de conception, il a créé et dirige en Italie la maison Dimensione dont provient la plupart du mobilier du 5-étoiles, y compris les étonnantes baignoires Oasis et Moon Gate. Jeux de bois, de lumières, perfection des lignes, des couleurs, astuces pour s’adapter, sans compromettre son esthétique aux normes de sécurité et autres, le septuagénaire a doté The Regent, d’un style plus que contemporain, avant-gardiste, afin qu’il commence sa deuxième vie sous de bons auspices.
Quatre hôtels, quatre ambiances
Parier sur le dernier-né, trendy, sur le porte-drapeau d’André Fu ou sur deux enseignes devenues incontournables… affaire de goût, de budget, d’état d’esprit.
01 – THE PENINSULA HONG KONG
Le plus stylé

Depuis 1928, c’est l’un des palaces les plus légendaires d’Asie. Une légende qui, en 1994, doubla son bâtiment historique d’un immeuble contemporain pour multiplier par deux son offre hébergement, disposer d’une piscine et d’une salle de sport. Puis sollicita Philippe Starck pour décorer Felix, restaurant en rooftop. Et, constante depuis presque 100 ans, son armée de concierges se mobilise 24 heures sur 24 pour satisfaire les hôtes : location de jet privé, de voiture de prestige, d’hélicoptère, organisation d’événements privés, etc.
02 – PRINCE HOTEL
Le plus stratégique

Ce nouveau 4-étoiles au cœur d’Harbour City, plus grand complexe commercial d’Hong Kong, permet de gagner à pied le front de mer, le musée d’art, le terminal du ferry, mais aussi la piscine de l’hôtel Marco-Polo, son aîné, le jouxtant. Sur place, salle de fitness 24 heures sur 24, Savvy, bar et restaurant jouent la carte de la convivialité. Et coup de chapeau, ou plutôt de toque, à son chef Rolf, qui pilote le « Projet Pécan », assurant ressources et soins aux étudiants défavorisés.
03 – UPPER HOUSE
Le plus smart

Pas de salut pour les bobos chics en dehors de cet hôtel désigné par André Fu. Ils aiment : son luxe minimaliste, sa discrétion absolue, ses vues sur la baie, la taille de ses chambres, 70 m2 minimum dont 28 dédiés à la salle de bains, le bar-restaurant Café Gray au 49e étage, mais aussi les œuvres d’art et le 10x Longevity, rituel régénérant entre caisson hyperbare, sauna, bain froid et infrarouge.
04 – FOUR SEASONS HOTEL HONG KONG
Le plus wellness

Récemment rénové, au cœur de la ville qui travaille, s’amuse, se cultive, le Four Seasons est un des rares hôtels disposant d’un vrai espace bien-être, spa. Compte tenu du prix du mètre carré et de l’espace mesuré, la plupart des hôtels, même 5-étoiles, passent outre. C’est aussi l’un des plus étoilés Michelin, avec huit macarons. Notre coup de cœur : Lung King Heen, deux étoiles, pour ses dim sum et ses plateaux de fruits de mer incroyables.
Épicure et culture
Quatre adresses, conceptuelles, mine de rien, pour pécher par gourmandise et par curiosité.
01 – MAXIM’S PALACE
Le plus populaire

Dans le City Hall, un ovni incontournable, que fréquentent aussi bien les familles endimanchées que les bandes d’amis en blouson de cuir, les jeunes femmes pour un anniversaire, que quelques touristes avertis. Il faut passer outre la déco version salle des fêtes ou de banquets avec ses dizaines et dizaines de tables. Car ici et nulle part ailleurs, les dim sum très variés sont à tomber et l’ambiance 100 % hongkongaise dépaysante. Et les prix… compter 20 € en moyenne, 30 € avec de l’alcool.
02 – M+
Le plus interpellant

À West Kowloon, un bâtiment futuriste d’Herzog & de Meuron abrite ce musée dédié à l’art visuel, le design, l’architecture, avec pour concept l’interaction entre public et œuvres. Mais aussi une salle de cinéma pour visionner des films expérimentaux, une aire shopping et trois restaurants : le Curator Creative Café, juste pour une petite faim, le Mosu Hong Kong, coréen créatif, et Cview, 100 % chinois et délicieux. M+, à dévorer des yeux et à pleines dents.
03 – SOPHIA LOREN HOUSE
Le plus glamour

Cet immeuble préservé de 1888 fut un temps ce qu’on appelle en France le Crédit municipal ou « Chez ma tante ». Depuis avril dernier, les trois étages qu’escalade un escalier étroit embaument l’Italie de la grande star : pizzeria au rez-de-chaussée, table gastro au premier, club-bar avec rooftop au dernier étage, voué au Martini, au Negroni et à la musique. C’est beau, bon, festif, inattendu. Et, surprise, dans la journée, le rez-de-chaussée se transforme en espace bien-être, avec activités gratuites. À tester sans hésiter.
04 – CRISTAL ROOM BY ANNE-SOPHIE PIC
Le plus français

Quand la cheffe multi-étoilée Anne-Sophie Pic s’allie avec Baccarat et convie le studio Gilles & Boissier, cela donne, au 44e étage de la Gloucester Tower, un restaurant de 40 couverts avec vue sur la baie de Victoria. Et un service, une carte formidables, menés par le chef Marc Mantovani, qui valent d’ores et déjà une étoile. De ses berlingots au comté au homard bleu de Bretagne, du bar sauvage au caviar Petrossian, plat que Anne-Sophie Pic a hérité de son papa, au Millefeuille blanc, c’est un éblouissement, conviant tous les sens.
Suivez les guides
Ils sont trois, amoureux de cette terre entourée par la mer, un Hongkongais et deux expatriés. trois qui l’abordent avec leur cœur et leur corps, partageant leur passion pour ses espaces insolites, préservés.
Elsa Jeandedieu
Artiste décoratrice

Débarquée seule avec sa valise pour tout bagage il y a plus de 12 ans, ayant ouvert son propre studio en 2015, jeune maman débordant de vie, elle se ressource chaque jour, avant de gagner son atelier, en nageant deux heures le matin dans la mer, deux à trois fois par semaine en courant aux alentours et le week-end en pratiquant le trail, jusqu’à 100 km parfois, sur les monts. « Hong Kong nous nourrit de son énergie et la dévore en même temps. J’aime à la fois cette jungle urbaine, Central Market, le Peak, Hollywood Road, mais j’apprécie plus que tout les espaces verts, comme le parc de Kowloon et le front de mer. Et les quartiers de street art où chacun s’exprime librement avec l’aval des autorités, moi la première, comme Old Town Central. »
Sébastien Hu
Cadre à Cathay Pacific

Passionné par l’hospitalité, après avoir travaillé à l’Upper House, chargé des expériences clients, il chouchoute désormais les « diamond members » de Cathay Pacific, récompensant leur fidélité en les invitant en des lieux et à des événements hors normes. Pour décompresser, paddle et kayak sur la petite île de Lamma à 25 minutes en ferry, puis déjeuner ou dîner selon le temps, au Terracotta, avant de regagner Central. Les week-ends, direction Sai Kung, dans les Nouveaux Territoires, péninsule surnommée « le jardin de Hong Kong » avec ses plages, ses sentiers de randonnée s’enfonçant dans la végétation, ses villages de pêcheurs, ses restaurants de fruits de mer. Le dépaysement total à 35 minutes en taxi de Central.
Sidney Luk
Guide

Vrai Hongkongais, guide depuis 24 ans, il se souvient enfant des vagues qui brisaient, les jours de vent, au coin de sa rue. Depuis, des rangées d’immeubles ont peu à peu grignoté l’eau, reculant le front de mer. « Je suis un nostalgique. J’aime les quelques vieilles maisons préservées sur le Peak, le quartier des antiquaires, des brocanteurs sur Hollywood Road et le Cat Street Market, ex-Upper Lascar Row. J’adore les vieux temples, tel celui de Man Mo, de la dynastie Qing, et celui de Wong Tai Sin. Je voyage dans le temps, dans mes souvenirs, mais aussi dans les parcs et les jardins de Central. Et parfois, je m’évade avec mon épouse pour respirer à pleins poumons l’air iodé et pur de Sai Kung, un goût d’éden. »
Carnet pratique
Cathay Pacific, la compagnie hongkongaise, dessert Hong Kong en direct de Paris-CDG. Elle vient de lancer, en classe affaires, sa nouvelle cabine Aria Suite, design et intimiste, ainsi que sa nouvelle cabine Économie Premium et a rafraîchi sa classe économique sur certains de ses appareils. Prix à partir de 1 372 € A/R en classe éco et de 3 850 € en classe affaires. cathaypacific.com
Pour en savoir plus sur Hong Kong :
HKTB, discoverhongkong.com/fr
Article paru dans le numéro 138 d’Hôtel & Lodge.