Depuis le Moyen Age, Calvi est considérée comme la figure de proue du nord-ouest de la Corse, le joyau de la délicieuse Balagne. Au creux de sa sublime baie comme dans les méandres de sa citadelle, au gré des rencontres et des visites, elle se révèle aujourd’hui ouverte sur le monde, rayonnante et festive. Corsée !
Par Céline Baussay
« Civitas Calvi Semper Fidelis », « La ville de Calvi toujours fidèle » dit sa devise. Fidèle à ses principes, à sa douceur de vivre et à son patrimoine. Calvi, c’est l’histoire d’un petit port, épuisé d’être en première ligne des conflits seigneuriaux au Moyen Âge, qui finit par appeler les Génois à la rescousse, à la fin du xiiie siècle, sans savoir alors que leur domination allait durer cinq siècles !
Avant d’être corse, Calvi fut génoise. Bâtie à cette époque sur un éperon rocheux, la citadelle illumine un littoral à l’aspect sauvage et rugueux, façonné par le vent. © Sébastien Aude pour l’OT Calvi-Balagne
Le temps pour eux d’en faire un puissant bastion de la république de Gènes, d’élever des remparts de 80 mètres de haut et de bâtir cette majestueuse citadelle, devenue le symbole de la cité, avec ses tours et ses venelles, ses ruelles pavées et ses portes dérobées, ses placettes et ses églises, aujourd’hui quasi intactes. « Malgré toutes les batailles qui l’ont endommagée, elle ressemble à celle que les Génois ont laissée en partant, au xviiie siècle. Elle témoigne de leur génie militaire et de la formidable emprise de Calvi sur la mer », explique l’historien Olivier Bianconi.
Le petit port de plaisance. © Sébastien Aude pour l’OT Calvi-Balagne
Tel un rocher dominant la baie, la citadelle se voit et s’admire de partout : de la longue plage de sable aux eaux cristallines, du port, des collines, montagnes et villages médiévaux haut-perchés de Balagne qui l’encerclent. Elle reste l’épicentre de la vie calvaise, sa fierté, sa boussole.
Peintre plasticien, bien connu dans le milieu international du pop art, Antò Fils de Pop est né ici. « J’ai beaucoup voyagé dans le monde entier et je réalise que je vis au paradis. Calvi est une ville, un port méditerranéen, un spot de plongée, de voile et de kite surf, à seulement vingt minutes de la montagne et des sentiers de randonnée », confie-t-il. Les moments les plus simples sont pour lui les meilleurs : « Manger des oursins au soleil face à la citadelle, un après-midi d’hiver, c’est magique ! »
Ce qui le surprend toujours, c’est la sincérité et la simplicité qui imprègnent la vie quotidienne : « À Calvi, on évolue entre la ruralité et la branchitude. On peut croiser le même jour des bergers, des artisans comme des DJ ou des personnalités connues : Izia Higelin, Thomas Dutronc… Il n’y a pas de cloisonnement, rien de faux. »
Antò se réjouit aussi de voir arriver une nouvelle génération qui fait bouger les lignes : « Les enfants de ceux qui ont créé de grands événements comme les Rencontres de chants polyphoniques, les festivals de jazz ou du vent, qui n’existent plus aujourd’hui, prennent peu à peu le relais, par exemple avec le festival de musique électronique Calvi on the Rocks. »
À Calvi, le petit train, U trinichellu, se faufile entre la plage et la pinède. © Sébastien Aude pour l’OT Calvi-Balagne
Marie Pozzo, originaire de Balagne, aujourd’hui parisienne, ne revient sur ses terres familiales qu’en vacances, l’été. Mais cela lui suffit pour sentir, elle aussi, le parfum du changement : « Nous sommes dans un virage, observe-t-elle. Prenez le domaine viticole de Clos Culombu, sur les hauteurs de la ville (voir page 48) : il illustre l’évolution des producteurs locaux qui, de plus en plus, deviennent les artisans du lien social, racontent différemment le terroir dans des jolis lieux, tout en respectant les traditions corses. »
Une évolution plus qu’une révolution, à laquelle même les élus veulent participer, à leur niveau. La municipalité s’est engagée à réhabiliter la citadelle et à la replacer au cœur du développement touristique : récemment, des ateliers d’artisans d’art, maître verrier, bijoutier et sculpteur de bois flotté, ont ouvert leurs portes. Le MUDACC, musée des Arts de la citadelle de Calvi, a été inauguré.
La Tour de Sel, ancien poste de guet datant du xve siècle, a été restaurée pour permettre l’accès à son sommet, qui offre une vue à 360°, et pour accueillir des expositions. Celle de cette année célèbre le bicentenaire de la mort de Napoléon, le plus illustre des Corses.
Enfant du pays, le peintre et plasticien Antò Fils de Pop voyage dans le monde entier, mais revient toujours avec bonheur sur ses terres de Balagne : « le paradis » selon lui !
Une élégante promenade en bois a été aménagée il y a peu, au départ du port. Elle permet de suivre à pied le contour de la baie en demi-lune. D’un côté, la pinède, de l’autre, la plage, là où, pour le coup, une vraie révolution, à l’échelle de la Balagne, a eu lieu, l’an dernier.
Les restaurants sur le sable, autrefois « en dur », ont dû être détruits par décision de justice. En lieu et place, ce sont désormais des structures éphémères et démontables qui vont occuper le terrain, d’avril à octobre. Des paillotes haut de gamme, habillées de matériaux nobles, bois en tête, et décorées dans un style bohème chic de bord de mer.
En espérant que cette année, Calvi on the Rocks, début juillet, avec ses DJ sets, ses apéros pétanque et ses performances artistiques, donnera comme d’habitude le coup d’envoi des soirées enflammées de l’été, sur la plage et ailleurs.
1954 : le mannequin Fiona Campbell-Walter, égérie de Vogue, photographiée par Georges Dambier.
Le tourisme à Calvi raconté par Olivier Bianconi, historien
« L’office du tourisme – à l’époque, on parlait de syndicat d’initiative – est inauguré en 1907. À ce titre, Calvi est avant-gardiste. Le tourisme se développe avec l’effondrement du monde agricole, les deux premières guerres mondiales, l’industrialisation qui a été un échec en Corse. Pendant les Années folles, les Parisiens et les Anglais sont attirés par la douceur de vivre et le climat de la Balagne, le charme de l’été indien. Après 1917, les Russes sont séduits à leur tour par ses paysages sauvages, son authenticité, une certaine forme de liberté. Le prince Youssoupov, cousin du tsar de Russie, se réfugie à Calvi. Dans sa villa appelée « la Maison rose », il reçoit de nombreux amis, œuvrant ainsi pour la popularité des lieux. À la même époque, la baie se transforme avec l’arrivée de très beaux voiliers.
Tao Kerefoff, le fondateur de Chez Tao
Des régates sont organisées. Un port de plaisance est créé en gagnant sur la mer. La cité brille de plus en plus, le beau monde s’y presse. En 1935, un ami du prince Youssoupov, Tao Kerefoff, fonde le cabaret Chez Tao dans les caves de l’ancien palais des évêques génois, avec une vue splendide sur la baie. Le Tout-Calvi et la jet-set internationale participent à des soirées incroyables. Jacques Higelin, Johnny Hallyday, Michel Sardou, Michel Petrucciani le rendent célèbre. Chez Tao ouvre la voie à une vie festive intense et participe au brio de Calvi. À partir des années 1980, un réseau associatif puissant anime la ville avec des festivals, été comme hiver. Il favorise le brassage intellectuel qui fait évoluer les esprits. Aujourd’hui, l’enjeu est d’offrir une plus grande pluralité touristique à Calvi, de valoriser son patrimoine historique et culturel tout en conservant son âme. »
Villa Calvi, l’hôtel-belvédère
L’une des cinq piscines de l’hôtel, face à la mer.
Posé sur les hauteurs de Calvi, ce 5-étoiles membre de Relais & Châteaux doit avant tout sa notoriété et son succès à sa vue époustouflante sur la baie, le Monte Grosso et la mer, jusqu’au Cap Corse.
Du lever au coucher du soleil, les lumières évoluent, le paysage change d’aspect, le spectacle est toujours stupéfiant. « Les chambres donnent presque toutes sur la citadelle, l’hôtel a été conçu ainsi, précise le maître des lieux, Jean-Pierre Pinelli. Chez nous, le confort, c’est l’espace. La Villa Calvi est composée comme un village, dans un parc de 3 hectares, avec cinq piscines, où l’on ne ressent jamais la pression des autres clients. »
Le spa lui-même offre de beaux volumes sur 600 m2 avec quatre salles de soins (signés Esthederm et Themae), deux hammams, une salle de fitness et un bassin de nage entouré de larges baies vitrées ouvertes sur le jardin méditerranéen.
Jean-Pierre et Marion Pinelli, les maîtres des lieux.
Le restaurant La Table by La Villa compte parmi les adresses gastronomiques les plus réputées de la ville, autant pour la cuisine du Sud revisitée que pour son panorama, là encore exceptionnel, depuis la terrasse disposée autour de son emblématique bassin aux canards multicolores.
Depuis bientôt 30 ans, Jean-Pierre Pinelli veille à entretenir la magie du site. Lors de la dernière rénovation, en 2018, les 48 chambres et suites, le restaurant, les 3 villas avec piscine privée ont été rafraîchis.
Avec son épouse Marion, qui l’épaule tout particulièrement pour la décoration, il a insufflé un nouveau souffle, plus épuré, plus contemporain, plus artistique aussi : des œuvres de JonOne, Julien Marinetti ou encore Morio Matsui habillent les espaces, à commencer par les salons, transformés en galeries d’exposition. Les propriétaires de la Villa Calvi espèrent aussi reprendre rapidement le rythme des vernissages, concerts de musique classique et soirées caritatives auxquels ils tiennent tant.
Des hôtels comme des maisons de famille
La Signoria « Une maison avant d’être un hôtel » : voilà comment Jean-Baptiste Ceccaldi, le propriétaire, très attaché au sens de l’hospitalité corse, résume l’esprit de La Signoria. Classée 5-étoiles et estampillée Relais & Châteaux, cette ancienne bâtisse génoise du xviiie siècle abrite 25 chambres et suites avec balcon ou terrasse et 4 luxueuses villas avec piscine privée. Les parquets patinés, les poutres et carrelages d’époque entretiennent son cachet historique. La piscine se glisse entre les murs de pierres sèches. Le spa Casanera dispense des soins à partir des produits bio du maquis. Le vaste jardin planté d’orangers, de pins et de palmiers invite au repos. Le restaurant étoilé complète l’offre avec brio. Route de la Forêt de Bonifato, Calvi.
Casa Legna Concept hybride entre la résidence hôtelière et l’écolodge, Casa Legna a été imaginé par deux sœurs très complices, Marion et Julia, dans une optique de « tourisme humain et confidentiel », mais aussi de développement durable. Toutes uniques, les dix petites maisons de vacances à l’architecture contemporaine ont été bâties à base de bois et de béton par des artisans locaux, et font corps avec le terrain. Elles peuvent accueillir de deux à six personnes. Sur place, une magnifique piscine. À proximité, la ville de Calvi (à 20 minutes), les plages pour la baignade en mer, le maquis et la montagne pour la randonnée au grand air… Une alternative originale à l’hôtellerie classique, dans l’un des plus beaux villages de Balagne, connu pour ses jolies échoppes d’artisans. Lieu-dit Biccali, Pigna.
Tables de caractère
U Fanale À la sortie de la ville, une valeur sûre pour qui veut goûter d’authentiques plats du terroir, en version raffinée. Bien évidemment, les produits sont issus de circuits courts. La terrasse, à l’ombre d’un pin parasol, est calme et très agréable. En bonus, la vue sur la mer et sur le phare de la Revellata, comme depuis un promontoire. Route de Porto, Calvi.
A Piazzetta Le bistrot familial corse par excellence, dans une ambiance place de village, autour de la fontaine. La cuisine du terroir, excellente et roborative, révèle quelques surprises du chef : spaghettis à l’araignée de mer, tiramisu aux canistrelli… Décor chaleureux à l’intérieur, avec objets chinés, chaises et miroirs dépareillés. Grande terrasse arborée pour les beaux jours. Place Marchal, Calvi.
Le Matahari Gros coup de cœur pour cette table dressée dans une crique paradisiaque. Ici, on choisit son plat, aux saveurs souvent exotiques, sur l’ardoise du jour. Fraîcheur garantie ! On mange les pieds dans le sable face à la baie de Calvi, en soirée de préférence, quand les baigneurs, nombreux en haute saison, ont retiré leur serviette de plage et quitté les lieux. Et parfois, on croise des têtes connues : Guy Bedos était un habitué. Plage de l’Arinella, Lumio.
Les restaurants de plage
In Casa, La Licorne, Octopussy, O Serge… Les établissements disposés sur la plage, désormais tous démontables, ont un point commun : la citadelle en ligne de mire. Chacun a son ambiance, ses spécialités, ses aficionados, ses avantages selon l’heure du jour. Au déjeuner, In Casa propose des plats de sushis (rares à Calvi !). À la tombée de la nuit, Octopussy sert des cocktails divins, à la lueur des bougies…
Clos Culombu, la culture entre au vignoble
Créé en 1973 face à la baie de Calvi par Paul Suzzoni, le domaine Clos Culombu appartient depuis 1986 à son jeune frère Étienne, vétérinaire de formation. En 2010, celui-ci fait construire une superbe cave à l’architecture contemporaine et passe à l’agriculture biologique. Six ans plus tard, la transmission se poursuit avec l’arrivée dans l’aventure familiale de son fils Paul-Antoine.
Ensemble, ils gèrent 64 hectares de vignes, 12 hectares d’oliviers et le bétail bovin. Ils œuvrent également pour la réintroduction de vieux cépages et la conversion en biodynamie. Et en parallèle des visites et dégustations ouvertes au public, des circuits en fat bike et des promenades à dos d’âne dans le domaine, père et fils organisent dès qu’ils le peuvent des expositions, rencontres littéraires, concerts et fêtes, parfois mémorables. Chemin San Petru, Lumio.
Les bons plans de Jean-Pierre Pinelli
Propriétaire de La Villa Calvi
À Calvi, il connaît tout le monde et tout le monde le connaît. Peut-on rêver meilleur guide ?
L’Opera Semperfi : une épicerie fine avec des produits locaux ouverte récemment par le meilleur sommelier de Corse ! Une halte incontournable pour les amoureux de vins, de gastronomie, de patrimoine. 20 boulevard Wilson, Calvi.
Maison Macci : Marie, la créatrice, originaire de Calvi, rêvait de devenir styliste. Ses cours de peinture lui ont permis de se perfectionner et de réaliser des croquis pour ses vêtements. 45 quai Adolphe-Landry, Calvi.
Corsica Beauty : la cosmétique « made in Corsica » dans un décor original et épuré, réalisé avec des matériaux provenant de la nature corse. 2 rue Millie, Calvi.
L’Ebbrezza : un bar à tapas raffiné doté d’une sublime cave à vin et d’un très large choix de spiritueux. La meilleure ambiance pour un apéritif prolongé. 17 quai Adolphe-Landry, Calvi.
La chapelle de Notre-Dame de la Serra : elle a été édifiée au xve siècle en surplomb de la colline, à 20 minutes à pied de l’hôtel. Une sublime promenade. C’est le plus beau panorama sur la ville, sa citadelle et son golfe.
Pour en savoir plus balagne-corsica.com/office-tourisme-calvi
Article publié dans le numéro 115 d’Hôtel & Lodge