Descendu de son Alsace en Sauternais à la conquête d’une troisième étoile, Jérôme Schilling, chef du restaurant Lalique au Château Lafaurie-Peyraguey, à Bommes, en Gironde, interprète une gamme inspirée de cette terre de vignobles.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Se conter, mais surtout conter sa cuisine, ses émotions, ce qui l’habite et l’enchante dans cette campagne perdue sur la rive gauche de la Garonne, ce village de 450 habitants : un plaisir pour le MOF doublement étoilé, qui se challenge en permanence pour progresser, décrocher le Graal, ne pas s’endormir sur ses ceps. Pour s’asseoir à sa table, on s’échappe de Bordeaux par des routes improbables sinuant entre bois, champs légumiers et vignobles. Un vignoble qui, par les hasards d’une chasse en Russie freinant le retour du marquis de Lur-Saluces – qui souhaitait qu’on l’attende pour le début des vendanges –, gagna ses lettres de noblesse, ses grains étant attaqués par un champignon qui donne sa sucrosité, ses arômes et sa couleur au vin de Sauternes.
« J’aime ces légendes, ces accidents de parcours, comme j’aime les changements brusques du temps, la brume née du Ciron, affluent de la Garonne, qui enveloppe le paysage de poésie, le soleil trop fort qui enflamme les parfums de résine, de sable, d’iode, de sel. Ici, les saisons, bousculées par l’océan proche, cadencent les heures, imposent leur diktat, surprennent les hommes par leurs caprices, leurs emportements. C’est cela que j’essaie de traduire dans mes plats, préparant par exemple, cet automne, les champignons cueillis aux alentours, malicieusement mariés avec des cacahuètes et la douceur du butternut émoustillée par la noix de pécan et le kumquat. L’été, à midi, je descends au jardin, pour passer sur le gril légumes, viandes, poissons et fruits. Au grand bonheur de mes convives qui, selon leur plaisir, les savourent en pleine lumière ou à l’ombre. Dans ce Sud-Ouest maritime et terrien, sculpté par les cours d’eau et la mer, les chefs disposent d’une palette rare de produits de première qualité, mis en valeur par le savoir-faire d’agriculteurs, de pêcheurs, d’éleveurs, soucieux de l’exceptionnel. Ils cultivent, élèvent, cueillent, en respectant la nature et ses cycles. Ma cuisine leur rend hommage, sublime leur travail, les révèle à mes hôtes qui, comme moi, privilégient l’authenticité, le vrai. »
L’esprit des lieux
Propriété depuis 10 ans du groupe Lalique, comme son benjamin la Villa Lalique en Alsace, le Château Lafaurie-Peyraguey, quatre fois centenaire, à l’issue de longs travaux orchestrés par Lady Tina Green et Pietro Mingarelli, directeurs artistiques de Lalique, s’est métamorphosé en boutique-hôtel 5-étoiles Relais & Châteaux ultra-romantique. Ses trois suites et dix chambres, ode à la célèbre cristallerie, se parent, comme la salle de restaurant, de pièces rares Lalique, de mobilier incrusté de cristal et d’étoffes précieuses. Les plus haut perchées surplombent les vignes donnant un sauternes premier grand cru classé depuis 1855. Au programme, pour qui le souhaite, la visite du domaine, des vignes et des chais par un guide œnologue, et shopping en la jolie boutique.
Article paru dans le numéro 132 d’Hôtel & Lodge.