En plaçant son atelier de tonnellerie au sein de son circuit de visite œnotouristique, Hennessy rend un hommage fort aux travailleurs de l’ombre que sont les tonneliers : les garants de l’élaboration d’un cognac parfait.
Texte Sylvain Ouchikh
À l’entrée de la tonnellerie de la maison Hennessy, à Cognac, où vient d’être lancée l’expérience « Destination Tonnellerie », le public est accueilli par une œuvre monumentale de l’artiste franco-tzigane Jeremy Demester. Sobrement intitulé L’Ombre des heures, le retable du temps, ce tableau à trois volets peints, de 3,70 m sur 2,50 m lorsqu’il est déployé, semble couvrir toute la pièce. Cette pièce unique, accrochée en 2022, ne pouvait trouver meilleure place que dans cet atelier en constante activité, où officient douze tonneliers et deux apprentis. En une année, ces artisans fabriquent entre 500 et 1 000 barriques et en réparent plus de 5 000. « J’ai voulu rendre un hommage appuyé au travail des tonneliers, explique l’artiste dont les créations sont régulièrement exposées à travers le monde. Ce retable va vivre en fonction des saisons. Il va s’imprégner des odeurs propres à la confection des barriques, aux planches coupées qu’on appelle les douelles et qu’ils assemblent ensuite avec des gestes précis. C’est comme un objet de transmission. »
Sans le fût, confectionné exclusivement en bois de chêne français issu notamment de la forêt de Darney dans les Vosges ou de la forêt de Tronçais dans le Bourbonnais, le cognac n’existerait pas. Il serait une simple eau-de-vie. La législation impose un vieillissement dans ce contenant, en fonction de la catégorie du cognac. Un VS (Very Special) doit avoir vieilli au moins 2 ans ; un VSOP (Very Superior Old Pale), minimum 4 ans ; un XO (Extra Old), minimum 10 ans ; et enfin un XXO (Extra Extra Old), minimum 14 ans. « Il ne fait aucun doute que le contact prolongé de l’alcool avec le bois apporte toute la complexité à notre eau-de-vie. C’est grâce au vieillissement dans nos différents fûts que nous arrivons à reproduire et à créer notre gamme. Le bois est un élément absolument fondamental et irremplaçable. C’est pourquoi nous conservons dans nos chais 400 000 barriques de cognac. Il s’agit d’un trésor unique qui nous permet, année après année, de reproduire notre XO par exemple. Il doit rester le même », affirme le maitre-assembleur de la maison, Renaud Fillioux de Gironde, huitième membre de la famille Fillioux à occuper ce poste prestigieux.
Le rituel est immuable : chaque jour de l’année, il préside à 11 heures très précises le comité de dégustation. Huit membres de dégustation se retrouvent autour d’une grande table, sous le portrait de son grand-père. « Nous goûtons entre 50 et 60 échantillons quotidiennement, soit environ 10 000 échantillons par an. À partir de là, nous allons décider de l’avenir des eaux-de-vie afin de déterminer leur potentiel de vieillissement. Certaines seront dédiées au VS quand d’autres partiront pour un long voyage à travers le temps qui peut durer jusqu’à plus d’un siècle pour les plus exceptionnelles », détaille Renaud Fillioux de Gironde. Dans cette institution charentaise où chaque geste demeure immuable et artisanal, la labellisation EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) reçue cette année est une superbe reconnaissance : elle vient distinguer le savoir-faire ancestral initié il y a 3 siècles par le fondateur de la maison, Richard Hennessy.
Mobilis, la machine à remonter le temps
En complément de la découverte de la tonnellerie, pour appréhender davantage les secrets d’élaboration du cognac, il est recommandé de poursuivre la visite dans le Chai des Pavillons, pour assister à « l’Initiation Immersive ». Outre une brève traversée de la Charente, l’un des moments forts est une expérience virtuelle inédite, baptisée Mobilis, imaginée par deux artistes français, Olivier Kuntzel et Florence Deygas. En 19 minutes, elle propose de voyager dans le temps et de revenir là où l’histoire de la Maison Hennessy a débuté, dans le bureau de Richard Hennessy. Deux années de travail ont été nécessaires pour retracer la saga du leader mondial du cognac qui exporte aujourd’hui plus de 99 % de sa production.
Où dormir ?
L’hôtel Chais Monnet & Spa occupe d’anciens chais datant de 1830 et classés au patrimoine industriel de France. L’architecte Didier Poignant a mené l’incroyable restauration du site, ajoutant au passage une extension contemporaine. Résultat : un 5-étoiles, membre de Leading Hotels of The World, avec 92 chambres et suites, plusieurs bars et restaurants, dont un étoilé, et un spa Olivier Claire et KOS, avec une superbe piscine intérieure.
Article paru dans le numéro 137 d’Hôtel & Lodge.
