Après trois ans sans restaurant gastronomique, le 5-étoiles de la place Vendôme vient d’ouvrir Espadon, avec la cheffe Eugénie Béziat. Un brin de femme qu’entoure une équipe motivée.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Allure déterminée, méditerranéenne, à la Laetitia Casta, yeux qui plongent sans sourciller dans ceux de ses interlocuteurs, l’ex-cheffe de La Flibuste, à Villeneuve-Loubet (patrie d’Auguste Escoffier, le roi des cuisiniers), où elle a décroché une étoile, prend ses marques avec hardiesse. « Quand j’ai reçu, il y a deux ans, un appel du directeur du Ritz souhaitant me rencontrer, je n’y croyais pas. C’était vrai. J’ai compris, avec l’appui total de mes patrons d’alors, que je devais foncer. »
Première expérience parisienne pour Eugénie, née au Gabon, élevée en Afrique pendant 20 ans.« Je suis marquée par cette terre de parfums, de saveurs, de partage, d’insouciance, de gaieté. Je convie mes souvenirs dans mes plats, l’astringence piquante de la brède mafane soulignant l’iode de l’huître et le lait de la brousse, l’amer croquant du cacao excitant l’artichaut, le beurre relevé au gingembre tartiné sur le pain maison de partage. J’habille d’un soupçon d’exotisme les recettes gastronomiques hexagonales, mariant ces ingrédients venus d’ailleurs avec le meilleur de la France, comme la volaille de Houdan ou le homard bleu de Bretagne. »
À nouvelle équipe (et sous la houlette et à l’initiative du directeur fraîchement promu, Laurent Herschbach) nouveau nom, Espadon – le « l » s’est envolé – et nouvelle salle de 30 couverts qui, l’été, descend au jardin. Un décor lumineux, plus contemporain, un art de la table avec Astier de Villatte en vedette, et, pour combler les désirs de la cheffe, un potager de 1960 m2 à Saint-Nom-la-Bretêche. Eugénie, pendant son année de préparation en coulisses, l’a mis en culture avec un maraîcher : « Je suis gâtée, entourée. Comme le clame un proverbe africain, “je suis parce que nous sommes”. À dix en cuisine, dix en salle, nous sommes plus forts, solidaires. Le Ritz est une famille. La preuve, avant l’ouverture fin septembre, Michel Roth, longtemps chef de L’Espadon, deux étoiles décrochées, m’a appelée pour me soutenir, me dire qu’il était là à mon écoute, si besoin. »Un appui de taille et l’envie plus que jamais d’être à la hauteur.
Esprit des lieux
Il y a quelques semaines, le Ritz Paris fêtait son 125e anniversaire alors que son très médiatique propriétaire, Mohamed Al-Fayed, venait de mourir à 94 ans. Il aurait aimé cette party smart décalée, joyeuse, à l’image de « son » 5-étoiles rouvert en 2016 après trois ans de travaux. Face à la colonne Vendôme, le Ritz Paris déroule ses 71 chambres et 71 suites dont 15 de prestige, baptisées des patronymes d’hôtes célèbres, et son Ritz Club avec piscine. Révolution de palais, après 30 ans à la tête du bar Hemingway, le célèbre bartender Colin Peter Field est parti. Qui lui succède ? Anne-Sophie Prestail, longtemps sa « seconde ». Le Ritz Paris se féminise. Et entretient sa légende avec, en 2024, pour les fêtes de fin d’année, un menu de réveillon à 2024 €. Tradition millésimée depuis l’an 2000. « Ce qui prend peu en compte l’inflation », s’amuse François Perret, le chef pâtissier, complice à 100 % d’Eugénie Béziat.
Article paru dans le numéro 131 d’Hôtel & Lodge.