Sur la côte sud-ouest du Sri Lanka, entre les déferlantes brutales de l’océan Indien, les dunes fleuries et la jungle, refuge des léopards menacés, 28 « suites cocoon » attendent les aventuriers 5-étoiles.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Cinq heures de route chaotique, encombrée, improbable, ou 30 minutes d’hydravion flirtant au plus près avec la côte, pour, de Colombo, atteindre le parc national de Yala et ce lodge incroyable du groupe Resplendent Ceylon : 36 tentes, 28 cocoon suites en forme de chenille et 8 Urchins (« oursins »), dessinées et conçues pour cet environnement rugueux par Nomadic Resorts, groupe de designers néerlandais, anglais et sri-lankais. De l’extérieur, avec leurs hublots en forme de gros yeux globuleux, les cocoon suites ressemblent à des vaisseaux spatiaux du début des années 1960 échappés d’un documentaire. À l’intérieur, vasques et baignoires pattes de lion en cuivre, lit à baldaquin, meubles en bois et cuir, tapis précieux, ventilateur évoquent davantage le campement smart de quelque aristocrate farfelu du xixe siècle, traquant à la longue-vue les léopards, les ours et les langours. Confort et détente assurés avec, sur le deck prolongeant le « cocoon », transats et large bassin d’eau douce pour se rafraîchir tout en guettant, dans la mare le jouxtant, l’apparition des pachydermes et d’échassiers adorant ces eaux fangeuses.
Le temps de reprendre ses esprits, de s’égarer dans le dédale des chemins de terre desservant les différents espaces du lodge, on court vers la grande plage et la mer pour y plonger tête la première, stoppée nette dans son élan par le sifflet autoritaire d’un garde. Avertissement : double, voire triple danger ! D’une part les buffles assez costauds pour résister aux vagues, qui aiment s’y vautrer mais non les partager avec les humains, et qui sont prompts à les attaquer ; d’autre part les éléphants qui surgissent sans crier gare ; et enfin la mer d’une violence inouïe, se fracassant sur les rochers dans un bruit de tonnerre. Compris, on ne se hasarde même pas d’un bout de doigt de pied dans l’océan et on explore la plage et les dunes dûment encadrée par des guides, de même que la nuit, on regagne sa tente accompagnée d’un ranger armé. Le sable blond, la légèreté de l’air, le bleu turquoise de l’océan Indien incitant à des plaisirs balnéaires, on en oublie la jungle proche et sa faune protégée, seigneur et maître sur ses terres, lodge compris. Pile face à la plage, la grande piscine à débordement épousant les contours du bar et les piscines privées des cocons de luxe permettent de se repaître en sécurité du spectacle écumant de l’océan et de nager tout son saoul. Avant le coucher de soleil, heure propice, les balades à pied dans les dunes, les treks avec deux guides naturalistes dévoilent une flore endémique résistant au vent, au soleil, aux embruns. Dans la moindre flaque d’eau se risquent à pattes prudentes des oiseaux endémiques, dont le coq de Lafayette, le malcoha à bec vert, le calao de Malabar.
Pour approcher au plus près les « grosses bêtes », on emprunte à l’aube un véhicule tout-terrain zigzaguant sur les pistes striant les plaines et la forêt tropicale sèche. Pas de bol, un couple d’influenceuses hongkongaises en robe longue de soirée largement fendue sur leurs cuisses dénudées, juchées sur des Louboutin, empruntent le même 4 x 4. Leurs cris hystériques tiennent à distance respectueuse le timide léopard, entraînent la fuite brouillonne des langours, l’envol fluo des guêpiers vert vif, interrompent la recherche de nourriture de la grande aigrette, fouaillant l’eau de son long bec. Les paons manifestent leur mécontentement en stoppant net leur roue et en doublant leur braillement. Seul l’ours replet, bonasse et lippu, poursuit sa route avec lenteur, et la famille d’éléphants son bain de boue.
Dormir… dans le silence ouaté de son cocoon, pour demain reprendre le 4×4, seule cette fois. Dormir jusqu’à ce qu’un froissement de branches comme celui d’une bourrasque interrompe les rêves. L’aube pointe déjà… Par son hublot, on aperçoit la masse grise d’un éléphant s’acharnant à arracher les branches d’un arbre tout proche pour boulotter voracement les feuilles, avant de s’éloigner avec nonchalance… Laissant le chemin d’accès au « cocoon » jonché de débris végétaux hachés, broyés. Le monde de la jungle. Le livre de la jungle. Passionnant. Déconcertant. Envoûtant.
Une famille solidaire
Dans les années 1960, Merrill Fernando, décédé en juillet dernier, crée Dilmah, première marque 100 % sri-lankaise de thé issu de 30 000 hectares plantés dans 55 « jardins de thé ». Malik, l’un de ses deux fils, a eu l’idée de remettre en état cinq demeures de directeur de plantation, maisons de style colonial. Première pierre de la collection Resplendent Ceylon affiliée à Relais & Châteaux avec, pour la plupart de ses lodges et resorts, une politique all inclusive, rare dans le luxe. Le Wild Coast Tented Lodge est une de ses pépites. Soucieux de « mettre l’humain au cœur de l’entreprise », Merrill Fernando a créé la MJF Charitable Foundation, financée par 15 % des bénéfices du groupe, hôtels compris. Écoles, centres d’aide à la petite enfance, construction d’orphelinats, de dispensaires… la liste est longue, à laquelle s’ajoutent un orphelinat et un centre de soins pour les éléphants et autres animaux sauvages.
La nature avant tout
Pour ne pas puiser dans la nappe phréatique, l’eau dédiée aux usages quotidiens – lessive, vaisselle, sanitaires – est puisée dans la mer, puis dessalinisée. Elle est ensuite retraitée et recyclée dans les trous d’eau où les animaux s’abreuvent. Une centrale solaire assure les besoins énergétiques, et les déchets organiques sont compostés au lodge. Au spa, cannelle et thé de Ceylan sont les ingrédients de base pour les soins.
Carnet pratique
Vols SriLankan Airlines : Paris CDG-Colombo à l’aller avec escale technique à Francfort, sans descendre de l’avion, durée 12 h 40 ; retour direct, sans escale, durée 11 heures. Rotations journalières. Personnel sensible au bien-être des passagers, prêt à aider à glisser sa valise lourde dans le rack, ce qui est de plus en plus rare. En business, sièges lits confortables. Au retour, pour éviter l’inorganisation de l’enregistrement à Colombo, opter pour le comptoir dédié qui accomplit même les formalités de police et de douane (service payant, bien sûr). Billet A/R en éco, flexible, à partir de 1 095 €, en business à partir de 3 600 €.
Article paru dans le numéro 130 d’Hôtel & Lodge.