L’accent provençal, la bouillabaisse, la pétanque, le savon, la Canebière, la Bonne Mère, les calanques, sans oublier 300 jours d’ensoleillement par an… Marseille, c’est un peu tout cela, mais aussi, au-delà de la carte postale, toujours d’actualité, bien plus encore… Il suffit d’emprunter les chemins de traverse.
Texte Sarah Sergent
Depuis dix ans, Marseille n’est plus la même. Tout a basculé en 2013, l’année durant laquelle la cité phocéenne a été capitale européenne de la culture, l’année aussi de l’ouverture retentissante du Mucem, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée : un passage désormais obligé pour son architecture spectaculaire comme pour ses expositions. 2013 a donné le coup d’envoi à des événements majeurs qui ont fait date et marqué les esprits. En 2015, la réhabilitation des docks, et avec elle la renaissance du quartier de la Joliette, ont forcé le respect. En 2016, le stade Orange Vélodrome a été agrandi pour accueillir les matchs de football de l’Euro et la Cité radieuse de Le Corbusier a été inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. En 2017, Marseille a porté fièrement le titre de capitale européenne du sport. En 2021, le gratin de la gastronomie a révisé ses a priori après la consécration du chef Alexandre Mazzia, quand il a rejoint le cercle très fermé des triplement étoilés Michelin. Plus récemment, l’été dernier, la réplique de la grotte Cosquer a été inaugurée dans la Villa Méditerranée : 1 750 m2 de galeries reproduisant celles découvertes par Henri Cosquer en 1985, âgées de 30 000 ans. Passionnant !
Culture, patrimoine, urbanisme, sport… Marseille renforce son attractivité en créant des passerelles entre le passé et le présent, au sens propre comme au figuré : celle reliant le Mucem au fort Saint-Jean où jardins suspendus et perspectives sur les architectures, contemporaine de Rudy Ricciotti d’un côté, romano-byzantine de la cathédrale de l’autre, fascinent ; celle conduisant au quartier du Panier, l’âme de Marseille, avec vue sur les superbes bâtiments de la Consigne sanitaire. La métropole a piétonnisé ses ruelles et récemment le quartier de l’Opéra. Elle a planté également 1 700 arbres dans le centre-ville. Une aubaine pour les visiteurs comme pour ses habitants.
Portée par cette dynamique, l’offre hôtelière s’étoffe avec de toutes nouvelles adresses telles Casa Youm, qui fait redécouvrir le charme de l’Estaque, ou les chambres de La Relève, attenantes au bar homonyme. Le cours Julien, ses bars et ses boutiques de créateurs captent une clientèle jeune et branchée. Élu récemment parmi les dix quartiers « les plus cool » du monde par le magazine Time Out, il attire aussi les amateurs de street art. Avant d’aller s’encanailler au Carry Nation, il faut se délecter à Une Table au Sud, de Ludovic Turac, ou au Restaurant Signature de Coline Faulquier, qui tous deux revisitent le terroir de façon admirable… C’est aussi ça, la vie à Marseille. Et pour prolonger la soirée, rendez-vous au R2, sur les 1 000 m2 de dancefloor en rooftop, avec une programmation différente chaque soir. Le lendemain, on brunche aux Grandes Halles du Vieux-Port. « Allez ! » comme disent les Marseillais !
Intercontinental Marseille-Hôtel Dieu, Un luxe qui fait sens
Au même titre que le Pharo, Notre-Dame de la Garde et La Major, l’ancien Hôtel-Dieu fait partie des lieux emblématiques de la cité phocéenne. En 2013, un InterContinental investissait ses murs, lui donnant ainsi un nouveau souffle. Dix ans après, il se veut un modèle d’hôtel engagé.
Dominant le quartier du Panier, l’InterContinental Marseille offre une vue plongeante sur le Vieux-Port, unique. Une grille monumentale s’ouvre sur deux splendides terrasses paysagées menant au seuil de l’entrée contemporaine, signée Jean-Philippe Nuel. Admiratif de l’ouvrage historique avec sa pierre blonde de Cassis, ses coursives hypnotiques, ses escaliers flamboyants et une belle hauteur sous plafond, l’architecte d’intérieur a su conjuguer passé et présent et créer une fluidité spatiotemporelle bluffante.
En transparence, la marquise et la verrière du hall d’accueil focalisent le regard sur l’horloge sommitale et les arcades en plein cintre de la façade, opérant ainsi comme un faire-valoir, à l’image de la pyramide de Pei avec le palais du Louvre. Les luminaires audacieux de la brasserie Les Fenêtres ne heurtent à aucun moment la vieille pierre mise à nu, mais au contraire subliment ses irrégularités par leur martelage au repoussé. Ses cuillères-douilles dissimulant les ampoules amusent. Imprimées de motifs décoratifs façon Grand Siècle, les claustras design qui enserrent le bar du Capian s’harmonisent avec le triptyque illustrant la baie de Marseille au xviie siècle. Dans la suite présidentielle, moulures, parquet et sol en damier encadrent une méridienne en cuir violet néo-Empire et une baignoire sur pattes d’aigle. Les clins d’œil à Marseille sont légion, tels ces bandes noires et blanches qui évoquent La Major, ces figurations de corail ou de poisson émaillées, ces cadres majestueux plaqués de coquilles de moules et ces tapis simulant les ondulations du sable. Pensée à la manière d’un lavoir d’antan, la piscine est bordée à son extrémité par un mur sur lequel l’eau ruisselle doucement. Grandiose. Surprise encore, avec les graffitis d’étudiants facétieux.
Durant 800 ans, l’Hôtel-Dieu a accueilli pèlerins et malades. Si, aujourd’hui, ses hôtes y séjournent pour affaires ou agré- ment, son hospitalité se veut tout aussi vertueuse. À l’instar de ses concepteurs ayant veillé à un environnement sain, l’InterContinental a, lui, veillé à sa durabilité : un effort reconnu en 2021 avec l’obtention du label Clef Verte. En 2019, l’hôtel avait déjà signé la Charte Natur’Act pour la protection de la biodiversité du territoire de Marseille-Provence. Depuis 2022, il pilote le projet BeMed, qui vise à la réduction du plastique à usage unique. Sa consommation d’électricité a été limitée grâce aux Leds et au contrôle des températures. Le recyclage des tissus abîmés se fait via la Maison Pépite, qui les transforme en accessoires de mode. Après trois mois, les objets perdus sont remis à la Croix-Rouge. À la brasserie, 1 euro est reversé par plat à l’association Le Carillon, qui apporte son soutien aux sans-abri… Une raison de plus pour succomber à la cuisine de haute volée du chef Lionel Levy, également parrain de Meet My Mama, qui aide les femmes à s’intégrer dans le milieu de la restauration. La parité atteint ici un record, avec un score de 99/100 sur l’échelle de la charte pour l’égalité en entreprise de l’ONG International Federation of Business and Professional Women. L’hôtel a son propre potager et son compost. Enfin, il propose des trottinettes électriques pour des balades zéro carbone.
Des adresses de caractère
Des appartements 4-étoiles, une maison conceptuelle et des suites de luxe d’inspiration monacale : focus sur trois hébergements puisant leur ADN dans le Marseille authentique.
01 – MAISON DU MONDE HÔTEL & SUITES, comme à la maison, en mieux
Après l’ouverture du Maisons du Monde Hôtel & Suites Marseille en 2021, le groupe Vicartem récidive à 300 mètres du Vieux-Port. Il aura fallu seulement un an de travaux pour transformer les 1300 m2 d’un bâtiment en 16 appartements de 37 à 75 m2. Chacun d’eux est baptisé d’un nom de personnage de roman de Marcel Pagnol et offre une atmosphère singulière pour se sentir à la fois chez soi et apprécier un cadre dépaysant.
02 – MAISON JUSTE, dans l’ancien consulat d’Algérie
Un nouveau concept hôtelier qui mélange le meilleur de l’hôtellerie, de la location entre particuliers et du coliving : 18 chambres de 20 à 26 m2, agencées autour d’un salon-bibliothèque et d’une salle de sport. Coup de cœur pour la chambre « Juste sous ciel ». Toutes disposent d’un lit king size, d’une douche à l’italienne et d’une kitchenette. Les meubles ont été chinés avec goût et les œuvres d’art sont omni-présentes. La maison possède une terrasse providentielle. Si l’accès se fait de manière digitale à l’aide d’un smartphone, l’accueil est bel et bien incarné par Olivier, le maître de maison.
03 – LE COUVENT, l’âme du Panier
Au détour d’une ruelle escarpée, les murs de cette adresse rare abritaient au xviie siècle une fonderie royale, avant d’être légués aux Jésuites puis abandonnés à la ville lors de la Révolution française. Les 10 suites du couvent, de 35 à 95 m2, ont une identité propre. Entre vieilles pierres et charpente apparente, quelques pièces signées Le Corbusier, Paola Navone pour Gervasoni et des candélabres de l’artisan centenaire Pierre Mouret côtoient des édredons confection-nés « maison » et de beaux livres. Séjourner au Couvent, c’est aussi profiter d’un standing hôtelier tout en jouissant d’une totale indép-endance.
Carte sur Table
En 2022, « La Liste » des meilleurs restaurants du monde décernait à Marseille le prix spécial de « la nouvelle destination gastronomique ». Voici notre sélection de trois lieux gourmands, testés et approuvés.
01 – CIEL
On prend l’ascenseur au bout d’un couloir désaffecté, animé par des mannequins énigmatiques, peints en bleu Klein… Une manière originale de brouiller les pistes car en arrivant au Ciel, la vue panoramique sur les toits de la ville et la Bonne Mère accaparent toute l’attention. Plancher façon ponton, mobilier blanc patiné, objets en osier et guirlandes lumineuses lui donnent un côté « resto de plage » éphémère. On aime sa cuisine italienne, simple mais efficace.
02 – LA SAVONNERIE
Sa vue sur l’entrée du Vieux-Port, son charme et ses 20 couverts en font une adresse cocon, en parfaite adéquation avec la délicatesse qui caractérise la cuisine de Jérôme Caprin. La carte est élaborée selon l’arrivage et les pulsions créatives du chef. Il est passé maître dans l’art de travailler les épices. En témoignent ce caviar d’aubergine- ras el-hanout et langouste fenouil au garum et caviar, cette raviole de gambas-coriandre et siphon carotte-curry, et ce maigre en variation autour de l’artichaut et fumet réduit safran-sumac. Divin.
03 – MIX EXPÉRIENCE
Situé dans les docks, ce musée 4.0 offre une expérience immersive autour de l’anis. L’interaction est au cœur du dispositif : ouvrir des tiroirs digitaux, sentir les ingrédients, manipuler des fioles. Après un tour virtuel de Marseille en Méhari au-dessus de la ville, cap sur le restaurant, tout vert, qui propose une carte… anisée
Les Adresses préférées de Véronique Boillot
La cheffe concierge de l’InterContinental Marseille-Hôtel Dieu est l’ambassadrice d’une ville chaleureuse, vibrante et surprenante. Elle partage ses coups de cœur.
01 – LA BAIE DES SINGES
« On rejoint ce restaurant de poisson du cap Croisette après 10 minutes de marche. Monique vous accueille tout sourire, avec son franc-parler. On y loue des transats pour y passer l’après-midi. » la-baie-des-singes.fr
02 – LE COQ GOURMAND
« Dans un magnifique bâtiment historique et coloré, avec en sous-sol des salles du xviie siècle, Claudine organise des dégustations de vins atypiques et locaux. » cave-a-vin-et-whisky.fr
03 – LE BON AIR
« En été, ce food truck associé à un excellent traiteur se niche en bas de la Bonne Mère. On y prend l’apéro au coucher du soleil. »
04 – MAISON EMPEREUR
« La plus vieille quincaillerie de France offre 1300 m2 de tradition. Elle voisine la pizzeria Chez Sauveur. Toutes deux sont chères au cœur des Marseillais. » empereur.fr – chezsauveur.fr
Marseille, droit au coeur
CYRIL MOUSSILMANI, vice champion du monde de windsurf, slalom.
À 9 ans, Cyril monte sur une planche à voile. Il devient pro à 18 ans. Pour lui, Marseille, c’est d’abord le quartier de la Pointe-Rouge, un « village dans la ville », avec son port de plaisance, sa plage et de nombreuses activités nautiques, à commencer par « des plongées captivantes. Si les fonds n’ont pas de gros poissons, leurs coraux, grottes et épaves valent la peine. De la Pointe-Rouge à la plage du Prado, on a le meilleur spot urbain mondial pour tout ce qui est sports d’eau. Les écoles de voile de La Pelle, Pacific Palissades et d’Eau Large de Noé sont idéales pour une initiation. Le club Massilia Kite vous emmène surfer la vague directement au large. Quant au club Manu Ura 13, il vous embarque sur une pirogue polynésienne. En tout cas, le vent d’ici risque de surprendre les athlètes olympiques… Après l’effort, rien de tel qu’une bière au Red Lion et l’apéro au Café de l’Abbaye au coucher du soleil! »
NINA MERAD, comédienne et humoriste
Mina est la coauteure et interprète de Sœur de…, un one woman show tendre et décapant, inspiré des réflexions compilées sur sa parenté avec l’acteur Kad Merad. Elle confie : « Je tire mon énergie de la lumière, du soleil et de la mer de Marseille. Je vais marcher le long de la corniche, musique classique dans les oreilles, jusqu’à l’anse de Maldormé à Malmousque ou encore la calanque du Belge où les plages sont plus tranquilles. J’aime aussi l’ambiance familiale de la plage du Prophète. J’adore celle de la baie des Singes et cette impression de bout du monde. Je fonce au vallon des Auffes pour manger une pizza Chez Jeannot. Sur le Vieux-Port, Le Bouchon Provençal, tenu par Mathieu, est une adresse typique et gourmande, tout comme le Nul Part Ailleurs. Je privilégie les tables où l’accueil est chaleureux. Je prends l’apéro au Connolly’s Corner ou encore au Sunset. Hyperactive, je me détends au spa Le Norvégien. Un must? Voir un match de l’OM à l’Orange Vélodrome, une ambiance de folie. »
CARNET PRATIQUE
Pour préparer son séjour et acheter son City Pass : office de Tourisme et des Congrès – marseille-tourisme.com
Article paru dans le numéro 127 d’Hôtel & Lodge.