La capitale grecque n’est plus à envisager comme une simple étape, une escale avant les îles. Athènes mérite mieux, plus de temps, d’avantage d’attention. portée par une dynamique post-crise et post-covid, elle retrouve une énergie qui fait des merveilles. Un esprit de renouveau souffle sur les vestiges de la cité antique…
Texte Céline Baussay
Evoquant les ruines d’Athènes, Chateaubriand écrivait qu’elles étaient « riantes, légères, habitées ». Ajoutant que « l’amour de la patrie et de la liberté n’étaient point pour les Athéniens un instinct aveugle mais un sentiment éclairé, fondé sur ce goût du beau dans tous les genres que le ciel leur avait si libéralement départi* ». Deux cents ans après, ces mots prennent tout leur sens. La crise qui a foudroyé la Grèce et le Covid qui l’a ensuite touchée ont laissé des séquelles. Mais la capitale s’est relevée et a finalement repris des couleurs. Elle n’est pas moins polluée, toujours bruyante, mais apparaît plus épanouie, volontariste, sans doute portée par cette fierté toute méditerranéenne qui ferait déplacer des montagnes.
Signe des temps, certains quartiers comme Kolonáki montent en gamme. Boutiques de créateurs, restaurants, bars, galeries d’art y poussent comme des champignons. À 26 ans seulement, l’Italienne Adele Ferruzzi dirige l’une d’elles, la Carwan Gallery, ouverte en 2020 dans le port du Pirée après neuf ans passés à Beyrouth : un symbole du pouvoir d’attraction d’Athènes. La jeune femme, qui a auparavant vécu à Milan, Londres et New-York, est sous le charme : « À Athènes, je ressens un mélange de beauté et de décadence intrigant et surprenant. La vie ici est plus simple et plus heureuse. Le temps s’écoule moins vite. C’est une métropole, mais à proximité des îles, pour une escapade le week-end. » La Gréco-Américaine Katerina Papanikolopoulos, elle aussi installée depuis peu en Grèce, a considéré que le moment était propice et a décidé de surfer sur la vague : elle a lancé l’an dernier l’Athens Design Forum, des expositions, ateliers et visites autour du design. Pour elle, « Athènes est un terrain fertile : au cours de l’Histoire, elle a nourri des mouvements de création en Méditerranée et dans le reste du monde très inspirants pour la scène contemporaine ».
Comme souvent, l’hôtellerie positionne le curseur de la vitalité d’une destination. Athènes ne déroge pas à la règle : ces toutes dernières années ont été ponctuées par plusieurs ouvertures remarquables. Aux côtés des marques internationales, qui investissent plus que jamais, apparaissent de petits hôtels, presque des maisons d’hôtes, de moins de 10 chambres, d’autres à peine peu plus grands. La plupart inaugurent des concepts ingénieux et ont tous un point commun : ils font honneur au sens de l’hospitalité et de l’art de vivre à la grecque.
Cédric Klapisch, « Athènes, une harmonie rare entre liberté et civisme »
Le scénariste et réalisateur vient de passer plusieurs mois à athènes pour tourner la série salade grecque, la suite de la trilogie culte lancée avec le film l’auberge espagnole il y a tout juste 20 ans.
«Pour ce tournage, j’ai cherché la ville qui représente le mieux l’Europe d’aujourd’hui, comme Barcelone dans les années 2000. Athènes est une ville en pleine reconstruction, attirante pour les jeunes, un chaos harmonieux et réussi. C’est un décor intéressant pour un film car les immeubles désaffectés laissés par la crise financière se superposent aux ruines de l’Antiquité. Comme Rome et Paris, elle met en scène des époques différentes qui se juxtaposent et cela lui donne une vraie identité. De la même façon que Barcelone était peu filmée dans les années 2000, Athènes est encore mal connue visuellement.
J’aime profondément cette ville, surtout pour la douceur de vivre, la gentillesse des Athéniens, et une harmonie assez rare entre liberté méditerranéenne et vrai civisme des habitants. Le mélange entre une cité très active et l’invitation au voyage, toujours proche, est assez réussi. Le port du Pirée et ses bateaux pour les îles ou les plages environnantes compensent nettement l’impression de frénésie propre à chaque ville moderne. La présence du passé est toujours puissante. Comme si les restes de cette civilisation antique, avec ce que l’on connaît des philosophes, du théâtre, de la mythologie ou des arts grecs, continuaient à irradier la métropole actuelle… À Athènes, j’aime particulièrement les quartiers comme Exárcheia, Metaxougeio, Koukaki, Pangráti, les musées d’Art cycladique, Goulandris et de l’Acropole, et aussi la colline de Philopappos, ou colline des Muses : la vue est magnifique et montre le rapport fort d’Athènes avec la nature.»
New Hotel
Séjourner dans ce design hotels tout proche de la place syntagma revient à dormir au milieu d’œuvres d’art : une expérience!
Rarement de demi-mesure : on aime ou on n’aime pas le New Hotel. Trop sophistiqué, trop exubérant pour les uns ; cultissime pour les autres : les fans d’écodesign et en particulier du travail de Humberto et Fernando Campana, metteurs en scène de ce 5-étoiles, pas vraiment nouveau comme son nom porte à le croire (il a 11 ans), mais unique en son genre. Les deux frères brésiliens ont investi les lieux avec leurs pièces iconiques : la chaise « Favela », assemblement anarchique de petites bûches en bois, le lampadaire « Wood » ou encore le fauteuil « Grinza », drapé de cuir. Et, surtout, ils ont revampé à leur manière des chaises et des luminaires recyclés de l’ancien hôtel Olympic Palace datant des années 1960 et recouvert des colonnes et des pans de murs entiers, notamment ceux du lobby et du restaurant du rez-de-chaussée, avec des éléments en bois récupérés : pieds de lampes et de chaises, portes… Une œuvre en soi, en trois dimensions.
Propriétaire des lieux, fondateur du groupe Yes! Hotels et amoureux d’art contemporain, l’homme d’affaires Dakis Joannou y a ajouté quelques pièces de sa propre collection, dont un Jeff Koons sur le rooftop. Sur un mur de chacune des 79 chambres est exposée une installation artistique : un mauvais œil décliné en plusieurs formats, une série de cartes postales vintage ou encore les figurines d’un théâtre d’ombres. L’impressionnante suite Penthouse réserve elle aussi de belles surprises : elle possède deux lits, l’un sur la terrasse pour dormir à la belle étoile, l’autre, ordinaire en apparence, mais surmonté d’une fenêtre avec, droit devant, l’Acropole. Comme un tableau encadré.
Boutique-hôtels: la nouvelle vague
Classiques ou fantaisistes, les plus petits établissements ouverts ces derniers mois dans la capitale grecque illustrent sa soif de renouveau.
01 – XENODOCHEIO MILOS, le meilleur du gîte et du couvert
Le chef Costas Spiliadis est une célébrité dans son pays, mais aussi outre-Atlantique, où il a fondé plusieurs tables renommées qui sont autant de vitrines de la haute gastronomie grecque. Alors l’ouverture de son restaurant, Estiatorio Milos puis d’un 5-étoiles Relais & Châteaux en janvier dernier, a évidemment fait le buzz. Dans cette superbe bâtisse néo-classique dotée d’une extension contemporaine, il reprend les codes communs à toutes ses adresses : des produits majoritairement grecs, de sa cuisine ouverte jusqu’aux salles de bains des 43 chambres, et un décor épuré de marbre et de bois clair. Coup de cœur assuré pour la Milos Terrace Suite, dont le jacuzzi extérieur offre une vue sur le mont Lycabette, et pour la Milos Signature Suite, conçue comme un appartement.
02 – GATSBY ATHENS, le charme de l’impertinence
Inauguré il y a un an dans un ancien poste de police, Gatsby enfreint volontiers les lois du politiquement correct hôtelier avec ses photos coquines et de nus, ses salles de bains en mosaïques rose bonbon ou bleu turquoise, son « bouton de défi » qui permet aux occupants des 33 chambres, d’une simple pression, de se faire livrer la surprise du jour : une bouteille, un chocolat… un préservatif. Son propriétaire, fan de Gatsby le Magnifique, l’a voulu ainsi, glamour et débridé. Bien vu : le rooftop-jardin avec cheminée et la possibilité de privatiser tout un étage pour profiter en famille ou avec quelques amis de l’écran de cinéma et du jacuzzi en terrasse.
03 – MOON AND STARS, ludique et chic
À deux pas de l’Agora antique, cette élégante bâtisse Art déco, ancienne demeure-atelier d’un fabricant de jouets en bois, a été transformée en un mini-hôtel de cinq chambres avec mosaïques, parquet bois et escalier d’époque. L’une d’elles, posée sur le toit terrasse, ressemble à une petite maison de poupée. Charmant!
04 – SHILA, hors du temps
Terrazzo au sol, hauts plafonds, brique apparente, canapés velours, patio verdoyant, rooftop meublé de bric et de broc : cette maison hôtel de six chambres, typique du quartier de Kolonáki, a vraiment une âme, et c’est sans doute ce qui séduit les artistes et créateurs en tout genre, ses principaux hôtes. Centenaire, elle a su rester dans son jus, entretenant son allure bohème et intimiste dans sa décoration signée de la Française Anna Bonnet. Même les peintures défraîchies font partie du concept. Et les antiquités, les bibelots, le piano entretiennent la magie intemporelle du lieu.
Rooftops avec vue
À Athènes, on ne compte plus les toits-terrasses, notamment ceux des hôtels, assortis d’un bar, d’un restaurant ou même une piscine : du palace de légende, comme l’Hotel Grande Bretagne aux resorts urbains, tels le récent MGallery caché juste derrière, le Coco-Mat (déclinaison de la marque de literie conçue à partir de matériaux naturels) ou le St George Lycabettus. Grimper sur les rooftops pour admirer l’Acropole, le mont Lycabettus et les toits de la ville au coucher du soleil fait partie de l’expérience athénienne. Un must!
Parcours shopping
Mode, accessoires, gastronomie… de la place Syntagma jusqu’à Kolonáki, sélection d’adresses tendance pour toutes les envies.
01 – AESTHET
Yiorgos Eleftheriades, Zeus+Dione, Elena Makri, Vassia Kostara… Aesthet présente les dernières collections des stylistes les plus réputés du pays. Le choix est impressionnant, la qualité et les matières tout autant : le meilleur de la mode grecque. 15 Valaoritou – aesthet.com
02 – ID CONCEPT STORE
Multi-marques et multi-styles, ID consacre deux étages à la mode, la maroquinerie, les livres, les bijoux… et un troisième à des expositions d’art, de peinture et céramique essentiellement. 8 Sekeri Str. – idconceptstores.com
03 – THE NAXOS APOTHECARY
Après avoir créé ici, en 1996, la première pharmacie homéopathique d’Athènes, George Korres, qui a donné son nom à la célèbre marque de cosmétiques naturels à base de plantes, a ouvert cet ambitieux temple de l’homéopathie et de la phytothérapie. Dans ses rayons, parfums, crèmes visage, compléments alimentaires, savons, bougies, préparés dans les laboratoires sur place. 3-5 Kolokotroni & Voulis Str. –
thenaxosapothecary.com
04 – MALOTIRA
Dans son épicerie fine au cœur de Plaka, Errika propose une sélection de produits gourmands issus de petites productions, essentiellement bio : huile d’olive, vin, miel, épices… à goûter sur place puis à rapporter chez soi. 30 Apollonos Str. – malotira.gr/en
05 – KAKURU
Dans sa boutique-atelier, Elina Kakourou dessine et fabrique des bijoux en pierres semi-précieuses, métal et bois d’olivier d’une belle finesse, inspirés des paysages du Péloponnèse, dont elle est originaire.
24 Petraki Str. – kakuru.gr
Carnet Pratique
Y aller : avec Aegean. La plus importante compagnie aérienne grecque, membre de Star Alliance, propose cet été (dernier départ le 29 octobre) jusqu’à 95 vols directs par semaine depuis 10 villes françaises, vers 7 destinations grecques. Vers Athènes : chaque jour, jusqu’à 4 vols depuis Paris-CDG ; chaque semaine, jusqu’à 5 vols de Marseille et Nice, 4 de Lyon, 3 de Nantes, Toulouse et Bordeaux, 2 de Bâle Mulhouse et 7 de Bruxelles et Genève. Nouveautés 2022 : le wi-fi
et davantage de divertissements à bord ; les Travel Packages pour réserver en même temps vols et séjour à l’hôtel. aegeanair.com
Visiter Athènes : avec Alternative Athens, une agence qui crée elle- même ses circuits de visite en petits groupes, avec des guides exclusifs, francophones. Souvent hors des sentiers battus, certains sur des thématiques : la mythologie, la gastronomie, le design, le street art, les quartiers peu touristiques… alternativeathens.com/fr
Article paru dans le numéro 123 d’Hôtel & Lodge.
