Longtemps l’apanage des hôtels clubs moyenne ou bas de gamme en République dominicaine ou aux Baléares, la formule all inclusive gagne peu à peu l’hôtellerie la plus exclusive. Sur toute la planète.
Texte Anne Marie Cattelain Le Dû
Le 1er juillet 2014, le Brando ouvre ses portes en Polynésie, sur l’atoll de Tetiaroa acheté par Marlon pendant le tournage des Révoltés du Bounty. Surprise, le 5-étoiles, l’un des plus chics du Pacifique, innove en pratiquant le all inclusive. Une révolution à quelques milles nautiques de Bora Bora, où au prix déjà vertigineux des chambres s’ajoutent les montants astronomiques des repas, boissons, activités, etc. Au Brando, à deux, en villa avec jardin et plage privés, la facture journalière s’élève à 3000 € tout compris avec dîner gastronomique, vins et alcools aux belles étiquettes, cocktails et softs sans limitation, un soin au spa par jour et quelques expériences sur mesure. « Le confort de nos hôtes a été déterminant, précise Guillaume Epinette, directeur général régional. Nous pouvons tout planifier, tout personnaliser lors de la réservation, sans coûts additionnels. Bientôt dix ans après, nous sommes toujours les seuls à proposer ce forfait en Polynésie. »
Les mentalités cependant évoluent. « Nous conseillons nos adhérents qui souhaitent adopter cette politique, afin qu’elle soit claire pour les clients, en osmose avec le positionnement des Leading Hotels of the World », précise Shannon Knapp, directrice générale de la collection. Ainsi, le Maxx Royal Kemer, membre en Turquie, accueille en majorité des familles qui apprécient de connaître dès la réservation le prix de leur séjour, incluant même les services d’un butler et les soins au spa. Membre Leading aussi, Thanda Safari, réserve privée au KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, va plus loin. Pierre Delvaux, PDG du groupe Thanda, assure que « le tout compris est plus élégant, plus sur mesure, offrant une expérience transparente. Lorsque les hôtes doivent payer pour la moindre des choses, il y a un lien subconscient à l’argent qui les empêche de déconnecter. La réserve offre trois hébergements : la Villa iZulu, 5 suites, refuge très intime ; Thanda Safari Lodge, 9 suites ; et Thanda Tented Camp, 15 tentes. L’offre tout compris varie de l’un à l’autre. Au Thanda Safari Lodge et au Thanda Tented Camp, les tarifs incluent l’hébergement, deux safaris par jour avec guide et pisteur professionnels, les repas, des boissons locales, des promenades en brousse avec des guides spécialisés, la blanchisserie, le wi-fi, etc. S’ajoutent, pour les hôtes de la Villa iZulu, une équipe dédiée, un chef, un guide et un pisteur privés. Nos hôtes apprécient ces activités et ces services. Cela nourrit leurs souvenirs, facilite leur quotidien ».
Lame de fond ou vaguelette? Quand des groupes comme Marriott International, fort de plus de 8000 hôtels dans 139 pays déclinés en 30 enseignes, et comme Hyatt, 1400 établissements dans 134 pays répartis en 20 marques, font plus que s’interroger sur l’opportunité du all inclusive et le développent, on peut parler de lame de fond. Interrogé, Safak Guvenc, vice-président régional chargé du all inclusive chez Marriott International, assure que « la demande des clients pour des propriétés haut de gamme pratiquant cette tarification, dans le monde entier, croît. C’est pourquoi, depuis 2019, Marriott International pénètre ce secteur. Même avant le Covid, nous avions enregistré cette envie et celle de loisirs, d’expériences, sans grever les budgets. Les clients, membres ou non de Marriott Bonvoy, notre programme de fidélité, souhaitent que nous étendions le all inclusive dans le secteur du luxe. Nous cherchons donc à augmenter notre portefeuille en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique. Nous construisons, en ce sens, de nouvelles propriétés ou transformons des complexes existants. »
Même réflexion de Javier Coll, président d’Apple Leisure Group, chargé du développement commercial et de l’innovation chez Hyatt : « Les hôtels de luxe tout inclus attirent les voyageurs et les investisseurs depuis des années, avec une montée en puissance depuis 2021. Elle se manifeste par un volume de réservations énorme. Avec l’acquisition d’Apple Leisure Group par Hyatt en 2021, plus de 100 hôtels du portefeuille AMRTM Collection ont rejoint Hyatt Ziva et Hyatt Zilara dans la nouvelle Inclusive Collection de Hyatt. Et Hyatt vient d’annoncer l’intégration de 20 complexes hôteliers européens all inclusive dans son programme de fidélité. » Un des secrets de la réussite de la formule all inclusive, comme l’explique Javier Coll, est l’anticipation. Stratégie adoptée par le Groupe Constance : dans un univers très concurrentiel, à l’île Maurice, son dernier-né, le C Mauritius, change la donne : « Nous avons le seul hôtel lifestyle, haut de gamme, à offrir du all inclusive, s’étonne Olivier de Guardia, directeur général.Tous les commentaires qualité des clients sont positifs. Enthousiastes même, entre la possibilité de choisir leurs vins et spiritueux sur la carte élaborée par Jérôme Faure, de tester toutes les tables et l’accès au golf, avec transferts sur les parcours inclus… la majorité fond de plaisir. » Qui sera le premier à franchir le pas d’un 5 étoiles, voire d’un palace urbain all inclusive ? Les paris sont ouverts. Certains y songent sans oser encore le proclamer.
Une relation de confiance
En février 2023, Kayaam House, demeure très exclusive de neuf chambres et suites au Sri Lanka, sur la baie de Tangalle, accueille ses premiers hôtes. Cette nouvelle pépite de la Collection Resplendent Ceylon Hotel, de la famille Fernando, dont l’accueil est le maître mot, a franchi le pas du all inclusive sans hésitation. « Je tenais à ce positionnement, explique Malik Fernando, qui a succédé à son père à la tête du groupe comptant cinq propriétés 5-étoiles, dont trois membres Relais & Châteaux. Cela change les rapports. Les hôtes sont en confiance, décontractés, appréciant au centuple leur séjour, n’hésitant plus, puisque tout est compris, à profiter tout autant du spa que des expériences inédites proposées. Après avoir vécu de longs mois coupés du monde à cause du Covid, c’est aussi un moyen de créer de la convivialité, de faciliter les échanges. »
Reportage paru dans le numéro 126 d’Hôtel & Lodge.