Sans se départir des clichés du chic et du glamour, de la plage et des palmiers, la « magic city » a évolué jusqu’à devenir une destination essentielle pour les voyageurs amateurs d’art contemporain, de gastronomie audacieuse et d’hôtellerie de luxe. Avis de grand beau sur la côte sud-est de la Floride.
Texte Céline Baussay
Il y a quelques semaines, en décembre dernier, Miami célébrait le vingtième anniversaire d’Art Basel Miami Beach, la plus grande foire d’art contemporain du continent américain, celle qui a changé son destin à tout jamais. Dans son sillage, à l’époque, ce sont des quartiers entiers qui avaient émergé : Wynwood, immense galerie de street art à ciel ouvert, ou le Design District, qui concentre les spectaculaires flagships des grandes marques mondiales du luxe, aux côtés de galeries et de musées d’art très influents sur la scène internationale. Des centres d’intérêt touristiques désormais incontournables dans cette fascinante ville-carrefour entre les Amériques. Une ville-monde à deux vitesses, immensément riche mais aussi très pauvre, dont les 2,5 millions d’habitants viennent de plus de 100 pays et parlent plus de 30 langues différentes.
Depuis 20 ans, Miami semblait toujours en transition. Mais ces derniers mois, elle a mis le turbo. Nombre d’Américains venus se confiner au soleil au printemps 2020 ne sont jamais repartis. Et lorsque les autorités locales ont opté ensuite pour des contraintes très light face au Covid, elle a attiré comme un aimant jusqu’à devenir – et surtout rester ensuite – un nouvel eldorado. Et pas seulement pour son climat tropical et ses paysages de rêve. Bilan, tout s’accélère, tout devient possible à Miami. La scène gastronomique est en ébullition comme jamais auparavant : les restaurants remplissent leur carnet de réservations en misant sur une multitude de concepts, la cuisine fusion ou omakase (sans menu, selon l’inspiration du chef) en tête de liste. Jusqu’alors rares, les terrasses aménagées au plus fort de la pandémie et conservées ensuite sont prises d’assaut. Les bars et rooftops, généralement avec piscine, se multiplient. Signe des temps : le tout premier Guide Michelin sur la Floride vient de paraître. Au palmarès, pour Miami, une table doublement étoilée, L’Atelier de Joël Robuchon, et pas moins de dix étoilés.
Certes, l’inflation galope, le prix de l’immobilier explose. Mais la fiscalité reste très avantageuse et la douceur de vivre, intacte. Alors une population nouvelle, toujours plus nombreuse, choisit de s’y installer, de travailler, d’investir. De grosses fortunes, beau-coup d’entrepreneurs, dont une bonne part de startupeurs venus de New York ou de la Silicon Valley, en Californie. Certaines zones s’étendent pour les accueillir : Downtown Miami, Coco-nut Grove, Little Havana, Allapattah… Dans le même temps, le tourisme bat des records, et pas seulement grâce au port de croisière, le premier au monde avec plus de 5 millions de passagers annuels. L’aéroport international de Miami annonce un nombre de voyageurs en progression de 7,9 % sur les dix premiers mois de l’année 2022 par rapport à la même période en 2019. Selon l’office du tourisme, les réservations hôtelières ont bondi de 14,2 % en octobre 2022 par rapport à octobre 2019. Pas moins de 6 868 chambres d’hôtels ont été créées ces trois dernières années. Et des projets faramineux ont été lancés par les groupes les plus prestigieux : Bulgari, Rosewood, Baccarat… À n’en pas douter, il va falloir garder un œil sur ce qui se passe à Miami, la ville la plus lifestyle du moment aux États-Unis.
The Setai Miami Beach, unique et mythique
Magistral, il reste la référence absolue de l’hôtellerie à South Beach. On loue toujours son service parfait, son raffinement asiatique et ses suites d’exception.
Acrobates aériens, contorsionnistes, danseuses du feu, sessions de DJ…
depuis quelques mois, chaque fin de semaine, le féerique patio du Setai met sa robe du soir, rouge flamboyant, et devient le cadre des événements « Asian Night Bazaar », à réserver obligatoirement. Une nouveauté qui vient prouver s’il le fallait la capacité de ce palace tropical, membre de Leading Hotels of The World, à ne jamais se reposer sur ses lauriers. Depuis son ouverture, en 2005, son succès ne s’est jamais démenti, et la magie des lieux opère toujours dans la bâtisse historique au style Art déco datant de 1937 (déjà un hôtel à l’époque !) comme dans la haute tour voisine, où se répartissent les 90 suites Art déco, 3 pool villas, 51 ocean suites dont une extraordinaire suite penthouse de 940 m2 qui occupe tout le 40e et dernier étage de la tour et offre une vue à 360°.
Jean-Michel Gathy et Jaya Ibrahim ont signé une décoration subtile, mariant le bronze, le bois tropical, le cuir, la nacre, qui révèle une conception asiatique du luxe, d’une élégante finesse, jamais ostentatoire. En attendant l’ouverture, cette année, d’un troisième restaurant (Japón), le Setai concentre son offre gastronomique sur le Jaya, aux spécialités asiatiques – son Sunday Jazz Brunch est le plus couru de la ville – et l’Ocean Grill, le long de la promenade de bord de mer de Miami Beach. Juste à côté se trouvent le jardin tropical, les trois piscines en enfilade, à températures différentes, et, bientôt, un nouvel écrin pour le spa Valmont.
Le hall d’entrée de l’hôtel incarne à lui seul le caractère exceptionnel et pointu de son esthétique teintée d’exotisme : au sol, des briques en provenance de bâtisses Art déco de la vieille ville de Shanghai vouées à la démolition, démontées et rassemblées une par une. Ailleurs, des panneaux fabriqués à la main en teck de Birmanie, d’autres en cuir vieilli, une cheminée en bronze avec ses finitions en relief, une table centrale en pavés provenant de palais pékinois ornée de 500 roses rouges et de somptueuses statues Sukhothaï. Dans ce hall se trouvent la réception, le bar et, élément crucial, le desk des concierges : une équipe très cosmopolite composée de 5 Clef d’or dont, à sa tête, la Française Maïté Foriasky (voir ses bonnes adresses page 48). Dix-huit ans de service et une passion intacte.
De la chambre au rooftop
À South Beach et ailleurs, les hôtels avec toit-terrasse sont légion. Mais certains sortent vraiment du lot. Focus sur trois pépites.
01 – GREYSTONE, en avant la musique
Depuis septembre 2021, cet élégant immeuble Art déco, juste en face de The Setai, sur Collins Avenue, cache 91 chambres et suites lumineuses, au mobilier en bois clair. Dans cet hôtel réservé aux adultes, on privilégie le penthouse avec terrasse équipée d’un Jacuzzi ou la loft terrace suite. Derrière le lobby, belles surprises avec le restaurant Sérêvène, entre la rôtisserie française et l’izakaya japonais, et le Greystone Jazz Bar, qui s’anime en soirée avec un jazz band ou un pianiste et, plus tard, un DJ. Le lendemain, le rooftop et sa piscine invitent à buller.
02 – THE GOODTIME HOTEL, la philosophie du bonheur.
Dès son ouverture, en 2020, ce resort urbain bâti sur Washington Avenue, à South Beach, a su faire le buzz. Et pas seulement parce que l’un de ses propriétaires est l’artiste touche-à-tout Pharrell Williams… Ici, c’est cool attitude et fantaisie à tous les étages : dès l’ascenseur recouvert de crocodiles, puis dans les 266 chambres, pas très grandes mais avec un petit frigo rose bonbon, un peignoir motif panthère… Les espaces communs, du bar-snack à la bibliothèque en passant par le restaurant méditerranéen, les terrasses et l’immense piscine, véritable oasis tropicale animée jusqu’au bout de la nuit, font craquer les instagrameurs avec leurs tons pastel, leurs motifs végétaux et leurs touches vintage.
03 – MAYFAIR HOUSE HOTEL & GARDEN, sous les tropiques.
Cette institution de Coconut Grove depuis 1985 vient d’être entièrement rénovée. Plus glamour, plus sophistiquée, elle se veut encore plus ancrée dans son quartier avec deux nouveaux restaurants. Toutes différentes, joliment colorées, les 179 chambres ont été conçues comme des mini-maisons, avec une terrasse et un espace salon. En complément de sa magnifique cour-jardin luxuriante, l’hôtel propose désormais un rooftop très agréable avec piscine et bar, décoré de fresques murales.
Arty show
Foire Art Basel, musées, galeries, fondations… Miami est la capitale mondiale de l’art contemporain. La preuve en quatre adresses majeures, dynamiques et visionnaires.
01 – FREDRIC SNITZER GALLERY
À Miami, les galeries indépendantes les plus intéressantes se cachent souvent dans d’anciens entrepôts très discrets. C’est le cas de celle-ci, qui existe depuis… 45 ans ! Pionnière à Wynwood, elle a ensuite déménagé dans le Arts & Entertainment District. Elle est connue pour avoir révélé plusieurs artistes cubains représentatifs d’une scène avant- gardiste, dont Alexandre Arrechea, mais aussi des stars comme Hernan Bas. Peinture, dessin, sculpture, photo, performances… tous les supports sont représentés dans ses espaces d’exposition aux volumes généreux et en plein air, dans le jardin.
02 – RUBELL MUSEUM
De plus en plus de lieux culturels quittent Wynwood pour Allapattah, un quartier en devenir, encore abordable. Une vraie tendance. Le musée Rubell a lancé le mouvement il y a trois ans en s’installant dans ce bel espace divisé en 36 salles, assorti d’un bon restaurant basque, Leku. Don et Mera Rubell y poursuivent leur mission en faveur de l’art contemporain en partageant leur collection exceptionnelle commencée dans les années 1980, riche d’œuvres de Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Yayoi Kusama, Cindy Sherman, Jeff Koons… Le musée programme aussi des expositions originales comme, cette année, celle du jeune Franco-Sénégalais Alexandre Diop, après sa résidence de trois mois.
03 – DE LA CRUZ COLLECTION
Rosa et Carlos de la Cruz ont été parmi les premiers à croire au projet du Design District. Dès 2009, ils ont fait bâtir dans le quartier un cube blanc sur trois niveaux pour présenter au plus grand nombre leur exceptionnelle collection d’art contemporain, mais aussi la faire comprendre : un guide accompagne chaque visiteur, lui explique les œuvres, le parcours et le processus créatif des artistes. Pas banal!
04 – PÉREZ ART MUSEUM MIAMI
Grand ouvert sur la baie de Biscayne, le PAMM, immense vaisseau conçu par Herzog & de Meuron et prolongé par une terrasse et ses jardins suspendus réalisés par Patrick Blanc, vaut une visite autant pour son architecture que pour sa collection d’œuvres d’art moderne et contemporain, notamment américain, et ses expositions qui font toujours le plein. Cette année, il met notamment à l’honneur Christo, avec une sélection de dessins, et Leandro Erlich, avec une étonnante installation immersive dans une piscine.
Les « Hot spots » de Maïté Foriasky
Mi-basque, mi-chti, la cheffe concierge Clef d’or de The Setai est fidèle à l’hôtel depuis son ouverture et très attachée à Miami, qu’elle sent actuellement « en ébullition ». Selon elle, boire un verre ou dîner peut vite devenir une expérience exceptionnelle.
01 – BROKEN SHAKER
« Un jardin avec une fontaine, des chaises dépareillées, une piscine… Au bar du Freehand Hotel, on se croirait invité chez un bon copain. Mon cocktail préféré? Le Thai-Thai Baby avec tequila Tromba, camomille, concombre, basilic, agrumes et absinthe. » freehandhotels.com/miami/broken-shaker/
02 – HOUSE OF FOOD PORN
« Dans le quartier de Little Haiti, un chef “rock’n roll” sert une cuisine omakase à 10 personnes. Une dégustation exceptionnelle, un vrai tour du monde, dans une ambiance assez déjantée. » houseoffoodporn.com
03 – KIKI AT SEA
« Une toute nouvelle expérience de croisière gastronomique à bord d’un magnifique yacht privatisé. Menu spécial avec plats grecs du restaurant réputé Kiki on the River et service première classe. » kikiatsea.com
04 – CAFE LA TROVA
« Un bar et restaurant dans le quartier de Little Havana, avec ambiance et musique cubaines. Je recommande le cocktail Hemingway Special avec pamplemousse et citron vert, et les fameuses “croquettes de paella” de la cheffe Michelle Bernstein. » cafelatrova.com
Ils font bouger Miami !
CRAIG ROBINS, promoteur immobilier
« Miami, c’est ma maison et elle le restera toujours. C’est une ville unique! Magnifique, cosmopolite, riche culturellement et toujours en mouvement. Elle vit une période de croissance et c’est passionnant à observer. Son climat, son art de vivre attirent beaucoup de jeunes
talents, de la finance, de la tech. Mon quartier préféré est le Miami Design District que j’ai créé après avoir géré la rénovation du quartier Art déco de South Beach et que je développe depuis plus de deux décennies en combinant le commerce, avec les plus belles boutiques et marques du monde (Dior, Cartier, Chanel…), la gastronomie avec des adresses incroyables (ZZ’s Club, Michael’s Genuine…) et la culture avec plusieurs institutions (Institute of Contemporary Art, De la Cruz Collection, Locust Projects…). Nous intégrons l’art public en permanence dans le quartier et proposons des événements culturels et des expositions tout au long de l’année. »
SÉBASTIEN LABOUREAU, art advisor (conseiller en art)
« Après Paris, Londres, New York, je me suis installé à Miami en 2008. J’ai trouvé cette ville au climat agréable hyper-sympa, encore très en friche, mais avec beaucoup de potentiel. Depuis, l’activité artistique s’est considérablement développée, à Wynwood, au Design District. Selon moi, l’art est un outil formidable pour créer des liens, éduquer les enfants, rapprocher les communautés, et c’est plus facile de s’impliquer ici plutôt qu’à New York, par exemple. Miami vous attrape au cœur avec ses richesses : le patrimoine Art déco le plus important au monde, à South Beach, mais aussi la nature. Je vais régulièrement au Crandon Golf, au milieu des palmiers, avec des vues mer sublimes. On y observe de nombreuses espèces d’oiseaux mais aussi des iguanes… et même des crocodiles! »
Carnet pratique
Y aller : la compagnie Aer Lingus assure 3 vols hebdomadaires Paris-Miami avec une courte escale à Dublin où sont effectuées les formalités d’immigration pour entrer aux États-Unis. Un atout indéniable ! A/R à partir de 458 €. aerlingus.com
S’informer : miamiandbeaches.fr
Reportage paru dans le numéro 126 d’Hôtel & Lodge.
