Longtemps, pour nombre de voyageurs, le Néguev n’a représenté, faute d’hôtel de luxe, qu’une étape éclair dans un voyage en Israël. L’arrivée récente de l’incroyable Six Senses au milieu de cette terre des Bédouins, puissante et ensorcelante, change la donne. On y pose désormais ses valises, en quête d’absolu.
Par Céline Baussay / Crédits photographies © Assaf Pinchuk / Céline Baussay / Yadid Lévy
Quatre heures de route depuis Tel Aviv – ou 45 minutes en saison haute, quand les vols directs amènent à Eilat –, et voilà le désert du Néguev. Hypnotique. Mythique. Celui de la route des épices qu’empruntaient les caravaniers en suivant le rift, de la péninsule Arabique à la Méditerranée, il y a 2 000 ans. Le Six Senses Shaharut se devine à peine, au sommet d’un haut plateau. Il a été conçu pour épouser parfaitement la topographie des lieux et rester discret : volonté première de son géniteur et propriétaire, Ronny Doueck.
Le businessman israélien a mis dix ans pour concrétiser son rêve un peu fou d’un resort écologique et grand luxe au milieu de nulle part. Dix ans entre la révélation, comme une évidence, du spot idéal, et l’inauguration, l’été dernier. Entre-temps, il a fallu apprivoiser cette immensité brute et minérale, presque lunaire, avec pour seule végétation des buissons sauvages bercés par le vent et ici et là, quelques rares bouquets de palmiers plantés par l’homme. Le cabinet Plesner Architects de Tel Aviv a réussi cette prouesse d’intégrer dans cet environnement hostile, et sans le dénaturer, 60 suites et villas, une grande piscine, un spa et trois restaurants.
À l’emplacement choisi, les pierres ont été excavées, puis taillées à la main par des artisans locaux avant d’être assemblées en murs épais, sans ciment. L’architecture organique, les façades ocre beige ton sur ton font écho au paysage calcaire. Les toits sont plats, comme pour se faire oublier. Arches, pergolas en bambou et eucalyptus, patios ombragés, coussins colorés évoquent les habitats nabatéens.
« De la belle maçonnerie traditionnelle aux couleurs soigneusement choisies des tissus et des matières, tous les éléments reflètent la richesse de la culture et de l’histoire de la population qui vivait là il y a des milliers d’années », confirme Ronny Doueck. Les murs en tadelakt, les nuances sable et terre, les poteries réalisées par une céramiste du village de Shaharut soulignent le style nomade chic des chambres. Des lits surélevés, des terrasses, des piscines privées : tous les aménagements ont été pensés autour de la vue. Sans cesse le regard est captivé par le vertigineux panorama sur la vallée de l’Arava, les montagnes d’Édom, l’horizon.
Dans les parties communes, la plupart des objets décoratifs ont été réalisés par des artistes et designers israéliens contemporains : les paniers tressés de Yonit Crystal, les tapisseries d’Erez Nevi Pana, les lampes en sable moulé de Nir Meiri, les abat-jour en soie de Tamar Branitzky, la vaisselle en terre cuite de Reut Ben Ishay… Chacun, avec son style, multipliant les références à l’environnement rugueux et aux savoir-faire traditionnels. Ronny Doueck a ajouté quelques chefs-d’œuvre de sa propre collection : bijoux ethniques, textiles ottomans, plateaux en cuivre, laiton, argent…
Le petit déjeuner est un moment exceptionnel, et pas seulement pour son généreux buffet de recettes typiques, salées ou sucrées. Depuis la terrasse-belvédère tout en longueur, la lumière douce du petit matin fait ressortir les reliefs, les pleins et les déliés des dunes et des falaises accidentées, striées, qui s’étendent à perte de vue. Le silence est d’or, souligné par le chant des oiseaux. Magique… Ainsi commence chaque journée, tout au long de l’année, au Six Senses Shaharut, retraite pour citadins exténués, refuge idéal pour les amateurs de slow living.
Tout un panel d’activités douces est proposé sur place : on se détend sur les transats de la piscine ou au Six Senses Spa, on part pour un voyage méditatif au son des bols tibétains ou en rando à dos de chameau, on apprend les secrets des gommages traditionnels ou ceux des meilleurs vins israéliens. Et l’on se régale de la merveilleuse cuisine du chef Amir Kalfon, à base de produits issus du potager sur place ou des fermes toutes proches, en format gastronomique ou mezze. À la carte, tahini cru, betteraves rôties, côtes d’agneau fumées et épicées… Ici, la traversée du désert n’a rien de long et difficile, elle est au contraire la source de bonheurs simples.
Article paru dans le numéro 122 d’Hôtel & Lodge