Vivre Saint-Tropez au petit matin, quand le parfum résiné des pins et caramélisé du pain supplante celui des moteurs vrombissant dans le port. Vivre Saint-Tropez le soir, quand le soleil dore La Ponche et que le cri des mouettes supplante les flonflons.
Par Anne Marie Cattelain Le Dû
En déhanchement, une blondeur à damner Saint-Tropez. En révélant au monde entier cette baie et ce port de la Côte d’Azur, Brigitte Bardot, son clan et les paparazzi les pervertissent, entraînent une flambée des prix, chassant les habitants qui anticipent le débarquement, un demi-siècle plus tard, des influenceuses posant, bouche, seins et chute de reins provocants, là où s’amarrent des yachts trop clinquants.
Mais derrière ces clichés perdure le souvenir des autochtones, pêcheurs, commerçants, artisans, de vrais amoureux de la ville, vivant à l’abri des murs ocre.
Pionnier de cette tribu discrète, Guy de Maupassant qui, en 1888, à bord de son voilier le Bel Ami, louvoie entre les barques de pêcheurs avant d’accoster. Dans « Sur l’eau », il conte : « À onze heures, Bel Ami s’amarre au quai à côté du petit vapeur qui fait le service avec Saint-Raphaël. » L’auteur, conquis par la lumière, la tranquillité des ruelles, loue une chambre avec vue dans l’un des rares hôtels, le Sube, toujours 3-étoiles aujourd’hui.
L’écrivain y séjournera, dès lors, à intervalles réguliers. Jean Cocteau, Sacha Guitry, Anaïs Nin, Colette et, beaucoup plus tard, Françoise Sagan s’y réfugieront comme lui pour écrire, inspirés par l’atmosphère et l’ambiance de Saint-Tropez, non encore amputé en Saint-Trop’.
Invités par Signac dans sa villa La Hune, Matisse, Bonnard, Dufy, avant Picasso, y trouvent matière à enrichir leurs œuvres. Et de nombreux cinéastes plantent leur caméra dans ce décor de rêve.
Dans les années 1950, sans flonflons, des familles citadines construisent des villas en des jardins fleuris. L’été, toutes les générations s’y retrouvent. Ce Saint-Tropez, tout en élégance mesurée, pique-nique sur la plage de la Bastide Blanche, jette l’ancre, au large, pour nager loin de la foule.
Le soir, selon leur humeur, leur topologie, les bandes s’attablent à la terrasse de Sénéquier, trinquent sur la plage des Canebiers avec les Maures en toile de fond, dressent près de leur piscine un buffet éclairé par la lune rouge, guettant avec nostalgie les prémices de l’automne. Avant d’aller se déchaîner aux Caves du Roi du Byblos.
Ceux qui font Saint-Tropez aujourd’hui
Séverine Berger, conservatrice du musée de l’Annonciade
Nommée en 2019, bien décidée à mettre en valeur l’incroyable collection de Seurat, Signac, Bonnard, Braque… et de créer des événements, Séverine Berger a d’abord égayé les huit pièces du premier étage dédiées aux expositions des œuvres du musée en bleu et jaune Majorelle. Puis elle a habillé d’orange et brique le rez-de-chaussée consacré aux expositions temporaires. « Cet été, jusqu’au 14 novembre, je révèle 60 œuvres inédites de Nadia Léger. La talentueuse épouse du peintre Fernand Léger s’est effacée derrière son mari. J’aime sortir des sentiers battus pour inciter les estivants à franchir le seuil de notre si jolie maison au cœur du port. C’est bien de se souvenir que Saint-Tropez, à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, attira et retint de très grands artistes. »
Régine Sumeire, viticultrice, Château Barbeyrolles
Caractère affirmé, vigneronne dans l’âme, ce bout de femme mène les vignes du Château Barbeyrolles, à dix minutes du port, avec autant de passion que de détermination. Déguster sa cuvée « Pétale de rose », AOC, côtes-de-provence, chasse les a priori contre le rosé. « Je suis une inconditionnelle de Saint-Tropez, de sa magie au petit matin, de ses couchers de soleil depuis la citadelle, de sa plage des Graniers et du chemin qui y mène. Hors juillet et août, je retrouve avec délice tous les recoins cachés de la presqu’île. Je parcours des kilomètres sur le sentier du littoral et me hasarde sur les chemins forestiers des Maures. La flore, les odeurs, les couleurs changent en fonction des saisons. Et si le shopping n’est pas ma tasse de thé, je vais cependant aux Galeries Tropéziennes, c’est un peu comme l’ancienne Samaritaine, on y trouve tout ou presque, des paniers chics de pique-nique aux nappes à carreaux et à la mercerie. »
Tropez Dounier, producteur de gin, 100 % tropézien
En 2019, avec son frère Louis, Tropez – son prénom signe bien ses origines – décide de rouvrir, à la Ponche, le commerce de son arrière-grand-mère, le transformant en épicerie fine et café. En parallèle, Tropez met au point une recette de gin. Si la Covid a eu raison de l’épicerie, en revanche, à 24 ans, Tropez impose sa collection de gins, qui porte son nom, dont un infusé à la lavande. « Ils sont distillés en Belgique, mais c’est moi qui mets au point les différentes formules, organise la distribution chez les cavistes, dans les bars, les restaurants, dessine le packaging. J’ai grandi, comme tous mes ancêtres, à la Ponche, je représente la neuvième génération de Dounier, une des sept familles tropéziennes habitant toujours au port. Je veux vivre ici, aller avec mes amis à la plage des Salins, prendre des apéros sur le petit quai de la Ponche, c’est ma vie. Je suis un enfant du pays. »
5-étoiles en de nouveaux habits
Byblos Saint-Tropez
Le palace, Leading Hotels of The World, invente une offre familles et amis afin de vivre à l’hôtel comme dans une maison privée. Quatre cocons, Jupiter, Europe, Zeus, Missoni, regroupent plusieurs chambres et suites communicantes pour former autant de demeures privées. Un concierge dédié orchestre personnel et service en chambre. Vrais plus : gratuité pour les moins de 6 ans, transferts aéroport en hélicoptère ou berline inclus.
20 avenue Paul-Signac, Saint-Tropez.
Château de la Messardière
Leading Hotels of The World, nouveau venu dans la collection Airelles de Stéphane Courbit, le plus grand hôtel de Saint-Tropez, 103 chambres sur un terrain de 12,5 hectares, a été entièrement redesigné par Christophe Tollemer. Vrai plus : le royaume des enfants, villa de 500 m2, avec des espaces imaginés par tranches d’âge, de 3 à 15 ans.
2 route de Tahiti, Saint-Tropez.
Hôtel La Ponche
Dominant la plage, ce 5-étoiles iconique de 21 chambres dévoile son visage lifté par Fabrizio Casiraghi. Il demeure ancré dans l’histoire du port avec une directrice tropézienne, Audrey Brémond, la table méditerranéenne du chef Thomas Danigo et un bar évoquant les hôtes mythiques, de Françoise Sagan à Boris Vian, de Romy Schneider à Michel Piccoli. Vrais plus : ouverture toute l’année et spa le Tigre Yoga Club.
5 rue des Remparts, Saint-Tropez.
Villa Belrose
Ce Small Luxury Hotels of The World de la Collection Althoff compte 40 chambres et suites, rénovées en des tons très doux avec un souci extrême des finitions. On aime en particulier celles que prolonge un balcon avec vue mer, et les communicantes. Les salles de bains en marbre d’Italie incitent à paresser au retour de la plage avant de savourer, au Belrose, la cuisine parfumée et gaie du chef Pietro Volontè. Nouveau cette année : une collection de six villas de luxe à louer sur les hauteurs de Gassin. Vrais plus : ses 9 000 m2 de pinède et de jardin et la gentillesse extrême du personnel.
La Grande Bastide, boulevard des Crêtes, Gassin.
Trois spots, trois coups de cœur
Champagne !
Quand Dom Pérignon débarque au Nikki Beach, il pétille en un salon chic avec cave tout en transparence. On choisit, guidé par le sommelier, son flacon, puis, avec le chef, les bouchées qui révéleront le mieux ses arômes.
Nikki Beach, 1093 chemin de l’Épi, Ramatuelle.
L’incontournable
L’Hôtel Sube, 3-étoiles magnifié, juste refait à l’identique. Son bar très british avec ses fauteuils en cuir, ses boiseries et ses alcools rares, est celui des régatiers, des habitués, qui aiment son ambiance et sa vue. Ouvert de 8 heures à 23 heures, il ne désemplit pas. Cette année, Geneviève Walter, sa truculente propriétaire, propose une carte de tapas maison.
23 quai du Bailli-de-Suffren, Saint-Tropez.
Vivement mercredi !
Ce jour-là, on réserve sur la terrasse du Cheval Blanc pour la soirée Riviera avec musiciens live et mets sur braseros. Avant, les hommes peaufinent barbe et moustaches, au spa Guerlain, sous le coupe-chou de Kevin Boon, meilleur barbier du monde.
Plage de la Bouillabaisse, Saint-Tropez.
Article paru dans le numéro 117 d’Hôtel & Lodge