Connu pour ses neuf dahabiehs qui parcourent le Nil toute l’année, le groupe Lazuli Nile Cruises s’est lancé récemment à la conquête du Lac Nasser. L’Aga Khan, l’un de ses deux safari-boats, explore cette mer intérieure. Une croisière exclusive aux allures de retraite spirituelle, sur fond de lumière dorée.
Texte Caroline Anid-Ithurbide et Thi-Bao Hoang
La star en Égypte, c’est lui, le Nil, ce fleuve nourricier qui s’étend sur 6 700 kilomètres et traverse pas moins de six pays d’Afrique. De Louxor à Assouan, il dévoile une succession de merveilles : Karnak, les vestiges de Kôm Ombo, la Vallée des Rois, le temple d’Horus, sanctuaire le mieux préservé du pays. Pour la plupart des touristes, le rêve s’arrête aux portes de la Nubie, là où se dresse le haut barrage construit dans les années 1960 par le Premier ministre Gamal Abdel Nasser et qui donne son nom au lac qu’il surplombe : le lac Nasser, un géant dont les eaux limpides poursuivent tranquillement leur cours millénaire. Interdite au public pendant des années pour des raisons de sécurité, cette immense mer intérieure a depuis peu rouvert son accès à de rares visiteurs. Très peu de compagnies s’y aventurent. Parmi elles, Lazuli Nile Cruises, experte des croisières sur le Nil à bord des dahabiehs, des bateaux traditionnels. Sur le lac Nasser, elle innove avec deux safari-boats au style colonial-chic : des petites embarcations à moteur et en bois, composées de quatre chambres doubles. Intimité garantie, avec un personnel aux petits soins.


L’embarquement se fait depuis un ponton privé près du port d’Assouan, à deux pas du mythique Sofitel Legend Old Cataract, où ont séjourné plusieurs écrivains et célébrités. Il faut ensuite laisser derrière soi la sublime île éléphantine, s’éloigner des felouques, passer devant le délicat temple de Philæ pour partir voguer vers de nouveaux horizons. Plus arides, plus désertiques, plus accidentés. Arriver sur le lac Nasser, c’est comme débarquer sur la Lune. Le contraste avec le Nil est saisissant. Adieu palmeraies, champs de cultures, falaises de grès et villages animés. Ici, le décor est tout autre, presque statique, minéral : des dunes de sable et des roches de calcaire. Nasser est un voyage dans le voyage, une croisière bien plus paisible, à la limite de la contemplation, qui prend sa source au temple de Kalabsha et se termine en apothéose à celui d’Abou Simbel. Quatre jours et trois nuits d’une navigation hors du temps, et partout la sensation d’être au bout du monde. « Souvent, le wifi se déconnecte, et on n’a plus de réseau pendant des heures, raconte Ali, le capitaine du bateau. Mais finalement, cette coupure plaît à notre clientèle. » Reset enclenché. Entre deux siestes à la poupe de l’Aga Khan, les visites se succèdent, mais le rythme est doux : Wadi el Seboua – aussi appelée la Vallée des Lions –, Dakka, Amada, Der ou encore la tombe de Pennout, autant de sites oubliés de la mémoire des hommes, menacés par la montée des eaux et qui auraient dû être engloutis si deux Français, l’écrivain et intellectuel André Malraux et l’égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt, n’avaient pas imaginé un vaste plan de sauvetage par l’Unesco.



Après la culture, place à la nature. Caboter sur les safari-boats Lazuli, c’est aussi décider de vivre en harmonie avec l’environnement, observer les centaines d’oiseaux migrateurs et aquatiques qui s’envolent dans un ciel toujours bleu. Refuge d’espèces endémiques, le lac est un paradis pour les amoureux d’ornithologie, comme pour les amateurs de grands espaces. Certains auront la chance de croiser au loin chacals, fennecs, gazelles et ibex, ces petits bouquetins au pelage beige typiques de la région. Pas impossible non plus, lors d’une randonnée en plein désert encadrée par un guide, d’apercevoir quelques cobras cracheurs. Inoffensifs pour l’homme, ils sont le symbole de la Basse-Égypte puisque ce sont eux qui ornent la couronne des pharaons depuis la nuit des temps.
Crocodiles : mythe ou réalité ?
Certains voyageurs racontent avoir entrevu, perçant sous la surface, les yeux jaunes des derniers crocodiles du Nil, protégés par une loi qui interdit leur chasse. Ils seraient encore 30 000 à arpenter les fonds marécageux du lac Nasser, mais les voir relève du miracle. Ali, le capitaine de l’Aga Khan, assure avoir déjà décelé des traces de l’étrange prédateur lors d’une baignade sur une plage abandonnée. Élevés au rang de divinité depuis l’Antiquité, les crocodiles du Nil sont pour ceux qui les croisent le signe d’un bon présage.
L’incroyable destin d’Abou Simbel

Le temple d’Abou Simbel est l’un des monuments archéologiques les plus importants d’Égypte, et pourtant, il a failli disparaître. Érigé à la gloire de Ramsès II en 1250 avant J.-C., il a été oublié durant des millénaires, enseveli sous des tonnes de sable, avant d’être redécouvert dans un désert brûlant en 1813. C’est ensuite la montée des eaux qui a menacé ces quatre immenses statues du roi sur son trône. L’Unesco choisira donc de découper le temple en 1 035 blocs de 30 tonnes chacun, et de les déplacer 200 mètres plus haut, construisant même des collines artificielles.
Wally Aziz, scénographe du Nil
Il a fondé Lazuli Nile Cruises, spécialiste des croisières de prestige sur le Nil. Sa compagnie vient d’intégrer la collection de Noé Voyage, une nouvelle agence qui prône le « less is more » et le slow tourisme. L’occasion d’échanger avec un entrepreneur charismatique, adepte d’histoire et de spiritualité.

Dans une première vie, Wally Aziz était guide égyptologue sur de gros navires de croisière sur le Nil. Un jour, alors qu’il montre à des touristes des aquarelles du peintre écossais David Roberts représentant les temples nubiens au xixe siècle, il remarque sur les toiles d’élégants bateaux à deux voiles latines, les dahabiehs. L’idée de proposer des circuits sur ces embarcations traditionnelles « qui sillonnent le fleuve tel un papillon, poussées par la brise », germe dans son esprit. Wally Aziz déniche sa première dahabieh, une ancienne propriété du pacha Mustapha Nahas. Il la restaure tout en préservant son cachet : son bois stuqué doré, une reproduction de la bijouterie d’origine en cuir et laiton… Le voilier à cinq cabines, avec tout le confort moderne, effectue sa première croisière sur le Nil en 2001. « Tout le monde alors se moquait de moi, mais ça a très bien marché. Lors de cette première saison, le bateau a été rempli durant 35 semaines ! », se souvient ce petit-fils d’un marchand de coton qui rêvait d’être cinéaste et se retrouve à la tête du groupe Lazuli, composé aujourd’hui d’une flotte de 9 dahabiehs ne dépassant jamais les 40 mètres de long et les 20 passagers, de 2 safari-boats sur le lac Nasser, d’un écolodge au sud-ouest du Caire. « Comme un réalisateur de films, je travaille sur la mémoire des gens, créant des scènes avec les paysages qui défilent, les tranches de vie égyptienne, confie-t-il. La dahabieh permet en plus d’accoster facilement sur une île, de descendre jouer au foot avec les enfants, d’observer les dames préparer le shamsi (pain solaire)… » Avec cette philosophie, les croisières haut de gamme sur les bateaux vintage de Lazuli s’intègrent parfaitement dans la collection de Noé Voyage, qui propose des circuits thématiques (couple, nature, spiritualité…) adaptés aux envies profondes de l’explorateur qui sommeille en chacun de nous.

Lieux d’histoire
Il vit le tiers de son temps dans des avions, pour raisons professionnelles. Pour le plaisir, il adore séjourner dans une suite du Saint James Paris : « J’aime le côté historique de cet hôtel particulier, habité par toutes les âmes qui y sont passées. » Son autre point de chute préféré, le sultanat d’Oman, pour ses paysages de vallées bordées de palmiers et de dattiers et de cultures en terrasses. « Je loge chez des amis, précise-t-il, c’est le seul moyen dans les pays du Golfe de manger local. » Dans sa wish-list de destinations, l’Afrique et notamment la Namibie, pour la nature et les animaux.
Article paru dans le numéro 142 d’Hôtel & Lodge.



