Kamba Africa, gorilles dans la brume

Au cœur du bassin du Congo, Kamba Africa propose une plongée aussi exclusive qu’inédite dans la forêt tropicale congolaise. En mariant lodges de luxe et découverte d’un des derniers écosystèmes vierges d’Afrique, ce projet touristique de haut vol ravit les voyageurs, même les plus expérimentés.

Texte Jean-Pascal Grosso

Dans le parc d’Odzala-Kokoua, la jungle est déjà une étuve au petit matin. La moiteur vous colle à la nuque, enveloppe le moindre de vos pas. Dans ce faux silence, criblé du chant hypnotique d’une majestueuse vague d’insectes, comme roulant à l’infini, chaque geste, chaque mot, la moindre des avancées est prégnante. Vous voilà au centre d’une réserve naturelle large comme la moitié de la Belgique, au sein d’un groupe forcément restreint, en contact avec la nature ; un contact frontal, organique et charnel. Ce qui peut sembler sur le papier un roman d’aventure se mue, sous la force sidérante du monde à la fois immémorial et neuf qui vous entoure, en expérience hors du commun, inoubliable. Et dont la grande difficulté sera ici d’en retranscrire, le plus exactement possible, la magie brute.

En mariant l’hôtellerie moderne au récit d’aventure, Kamba Africa propose à ses clients une expérience en contact avec la nature congolaise unique en son genre. © DR
Vu du ciel, le Mboko Lodge, où débute le séjour dans la brousse. Il laissera bientôt place à un centre de recherche. © Felix Studio

Il a fallu des heures pour arriver au Mboko Lodge, au nord-ouest de la République du Congo, atterrissant sur le gazon, à bord d’un LET L-410 à hélices et à douze places. Paris relié à Addis-Abeba, Addis-Abeba à Brazzaville. Et puis deux heures encore dans ce coucou à admirer la vue en se rafraîchissant de sodas et d’un éventail en wax.
Le Mboko Lodge sera bientôt transformé exclusivement en centre de recherche, tandis que le projet Kamba Africa s’étendra ailleurs. Le temps d’une bière locale, une Ngok’, ou d’une coupe de prosecco, la petite cérémonie d’accueil d’usage est finie, et il faut déjà monter dans un 4 x 4 aux allures de char d’assaut. La route est longue autant que spectaculaire jusqu’au Ngaga Lodge, dans le parc national d’Odzala-Kokoua. Deux guides se présentent, pas 60 ans à tous les deux. Ils vont nous accompagner pendant tout le voyage. Nicolas Lenz, jeune Lyonnais, très enthousiaste, et Helen Duffus, Allemande d’origine, passée par Le Cap en Afrique du Sud et le désert du Kalahari au Botswana, polyglotte, fascinante lorsqu’elle partage son amour de la jungle et de ses habitants. « Il existe vraiment une relation, je dirais presque tendre, entre les gens qui vivent ici et les gorilles, confie cette férue d’explorations et de grands espaces. Odzala est probablement le plus bel endroit en Afrique pour celles et ceux qui partagent une même passion pour ces animaux. » Sur la route, le véhicule passe par le village de Mbomo. Étrange parenthèse où deux mondes se croisent prestement, dans un sourire gêné des deux côtés pour commencer, puis rapidement des signes chaleureux de la main. Bienvenue en terre inconnue…

Des bois locaux et la vitalité du design africain : le lobby du Mboko Lodge incarne à plein l’esprit de Kamba Africa. © DR
À pied ou sur les eaux, le parc national d’Odzala-Kokoua propose un dépaysement au plus près des gorilles et des éléphants.  © DR

Il n’y a que six bungalows au Ngaga Lodge, nichés au cœur de la forêt tropicale, avec vue sur la canopée. Douze hôtes en tout au maximum de son occupation. L’exclusivité de l’expérience se fait sentir d’office lorsqu’on pousse la porte de sa chambre, confortable, au doux parfum d’aventure. Les bois sont locaux (azobé, mukulungu, sapelli), la salle de bains et les toilettes cachées par de superbes panneaux de cuivre. L’eau est chaude – grâce aux panneaux solaires –, le sommier parfait. Vous voilà dans un décor tout à fait cinématographique, par un temps délicieusement lourd, mais c’est bel et bien la réalité. Le soir à table, sous les toits de palmes de raphia, le premier dîner se déroule en toute quiétude et élégance après un premier verre au bar. Mais l’impatience pointe déjà… Demain il faut se lever tôt. 

Le Ngaga Lodge et son impressionnante terrasse autour d’un brasero. © Scott Ramsey
Après chaque exploration, le lodge se fait alcôve, face à la beauté de la jungle. © Scott Ramsey
Dans le lodge, une attention particulière portée à la cuisine et au service. © DR

À 5 h 30, alors que le soleil tarde, vous vous enfoncez dans la jungle et dans un silence intérieur quelque peu angoissé. Ce matin-là, les pisteurs se prénomment Gabin et Zépherin. Le site en compte sept, tous connaissent parfaitement l’art du pistage, tout comme le terrain. Il faut faire preuve de patience pour aller à la rencontre des gorilles des plaines de l’Ouest, sauvés par les marécages qui les ont tenus à distance de ceux de l’Est, décimés par le virus Ebola. Le moment est saisissant lorsque, en progressant à pied, vous les croisez. Ils sont à quelques mètres. Silence lourd, éblouissement. Neptune, gorille à dos argenté, laisse passer le groupe après quelques grognements formels. « Les gorilles ont pris l’habitude de nous voir passer à distance, explique Helen Duffus. En fait, ils nous ignorent plus ou moins. Les jeunes gorilles sont toujours un peu plus curieux, eux regardent. Quand c’est le cas, les pisteurs font reculer le groupe. Ils viennent de la région et ont vraiment grandi dans cette forêt, souvent avec un grand frère, un père, un oncle, qui les emmenait chasser. C’est comme ça qu’ils ont appris à connaître les lieux mieux que leur poche. »

Le Ngaga Lodge, c’est la promesse d’une rencontre avec les gorilles de la réserve. Dans le respect du monde animal. © Scott Ramsey
La rivière Lekoli en kayak, puis un peu de marche pour atteindre le Lango Lodge. © Scott Ramsey
Kamba Africa offre l’occasion de découvrir les richesses de la cuisine africaine. © Scott Ramsey

Elza Gillman, elle aussi, à sa manière, est une experte de ce territoire sauvage. Elle partage sa vie entre l’Afrique du Sud, son pays, où elle vit avec sa famille, et Kamba Africa, dont elle est la directrice générale. L’Afrique, l’énergique quadragénaire, au français parfait, l’a traversée, explorée. Elle en maîtrise les codes, les secrets, notamment ceux des réserves, au Congo, au Rwanda, en Ouganda, ce qui en fait une interlocutrice de choix et rassure ses clients. Car à Kamba Africa comme dans d’autres lodges, d’autres sites, ailleurs, le désir d’aventure et de dépaysement se mêle à l’exigence d’un confort minimum et d’une garantie de sécurité. Alors, quand on lui demande quelle est la singularité de la réserve d’Odzala-Kokoua, elle répond : « Seuls les visiteurs séjournant dans nos lodges ont accès aux animaux. C’est très exclusif. Comme il n’y a que six chambres par camp, cela en limite forcément le nombre. Ils viennent chez nous pour vivre une expérience totale. Nous ne sommes pas dans l’idée d’une machine à visée commerciale. À Kamba Africa, vous ne verrez jamais vingt personnes débarquer d’un autobus. » 

Les chambres du Lango Lodge cultivent un charme intemporel. © DR
Pour les amoureux de la nature, l’immersion dans la jungle est captivante. © Scott Ramsey
Après les gorilles du Ngaga Lodge, place aux éléphants du Lango Lodge. Toute la puissance de la nature africaine à portée de regard. © Scott Ramsey

Étape suivante, le Lango Lodge. Pour le rejoindre, il faut faire une partie du chemin (deux heures, pas moins) en kayak sur la rivière Lekoli et l’autre en marchant sur la piste. Soudain, une éléphante et ses deux petits s’agitent, passent à quelques mètres des embarcations, qu’elle asperge d’un coup de trompe, alertée, sûrement, par ce groupe compact et curieux. Le Lango, avec sa vue sur le baï, longue bande d’eau marécageuse, est une porte ouverte sur la terre des vénérables mammifères, dans une nature sinueuse et captivante. Et la découverte du baï, de l’eau jusqu’aux hanches, se fait non sans effort. Le retour au lodge n’en est que plus salutaire – là encore, six bungalows surélevés avec terrasse privative. La cuisine du chef guinéen Kamano Ansoumane, hommage aux récits culinaires de la région (le foufou, une purée de manioc, les filets de mérou en papillotes, le saka saka, le tondolo, un fruit sauvage du Congo…), revigore. Au dernier soir, par une nuit d’une chaleur bienheureuse, le ciel finit par craquer et se déverse sur les toits et les bois. Et soudain la forêt tropicale congolaise, plongée dans une noirceur de jais, exulte de mille cris et grondements, de barrissements. Ultime concert pour un au revoir.

Le Congo, un fleuve, deux pays

© DR

La réserve d’Odzala-Kokoua est située au nord-ouest de la République du Congo dont la capitale est la vibrante Brazzaville. Le pays jouit d’une stabilité politique. La République démocratique du Congo, dont la capitale est Kinshasa, au territoire six fois plus grand que son voisin, traverse, elle, régulièrement des périodes malheureusement plus funestes. Les deux pays ne doivent pas être confondus.

À l’origine, une grande dame

© Sabine Plattner African Charities

Sabine Plattner (photo), entrepreneuse et philanthrope née en Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, propriétaire avec son mari d’un golf en Afrique du Sud, a parcouru tout le continent pour finir par tomber amoureuse de la forêt tropicale congolaise. Impliquée dans de nombreuses associations caritatives – aide à l’enfance, au monde animal, à la protection de la nature, lutte contre le VIH… –, elle décide alors de créer écoles et dispensaires dans la région de la réserve d’Odzala-Kokoua. Avec une autre femme, le Dr Magdalena Bermejo, primatologue, elle se lance dans le projet fou de transformer le centre de recherche sur les gorilles de Ngaga en lodge chaleureux et d’y faire participer les habitants du bassin du Congo. Ainsi est né Kamba Africa, aujourd’hui sous la houlette de Tina Plattner, sa fille, qui promet encore de beaux développements.

Article paru dans le numéro 142 d’Hôtel & Lodge.

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