Les Bassans, passeport breton

À Perros-Guirec, sur la côte de granit rose, face à l’île de Rouzic, minuscule pointillé dans l’infini de la mer où vivent 14 127 couples de fous de bassan, le dernier hôtel de Fontenille Collection prend son envol. Dopé par l’air marin.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

Avec son allure de château d’opérette, figurant en couverture de Martine en Bretagne, édité pour la première fois en 1954, ses massifs d’hortensias blancs, joufflus, oscillant sous la brise, ses parasols rayés à l’aplomb des vagues, ces grands oiseaux blancs à l’approche et l’amorce de la plage de Trestrignel, on dirait une carte postale comme celles qu’on trouve encore, décolorées, sur les tourniquets rouillés du Grand Bazar de la Plage. La villa en granit rose percée de bow-windows pour mieux scruter l’horizon, architecture typique des résidences secondaires des années 1930 sur cette côte bretonne, eut une première vocation hôtelière à partir de 1960 sous le nom du Manoir du Sphinx, référence à un rocher de l’archipel des Sept-Îles, dont la forme évoque cet animal légendaire. Guillaume Foucher et Frédéric Biousse, fins limiers pour dépister des lieux hors du commun, la repèrent et l’achètent à ses propriétaires fatigués comme la décoration. Avec l’expertise de Boris Le Noane, architecte, créateur de l’Atelier 618 à Lannion, et l’équipe interne de Fontenille Collection menée par Giacomo de Zoppi, en quelques mois de chantier intense, 25 chambres, 4-étoiles et un nouveau nom, Les Bassans, dessinent un hôtel charmant pour reprendre son souffle, emprunter, ragaillardi, le sentier des douaniers qui traverse la propriété et file en filtrant au plus près du rivage, direction Trébeurden.

Selon les jours, pique-nique face au phare de Mean Ruz, dîner en regardant la mer et les îlots des Sept-Îles. © DR
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Construite dans les années 1930, en granit rose extrait de la carrière proche, la villa devenue hôtel 4-étoiles domine avec panache et élégance le paysage marin. © Tiphaine Caro

Élire domicile dans notre chambre coup de cœur, petite de taille mais séductrice en diable, la 4, pile face à l’île de Rouzic, pile face au soleil couchant et au levant, avec vue à 240 degrés sur la mer, c’est comme prendre le large, quitter l’hôtel pour s’imprégner à chaque seconde, fenêtres ouvertes, de cette région à l’identité forte. C’est comprendre l’attachement de Gustave Eiffel, Maurice Denis, Laurent Voulzy, Ernest Renan et bien d’autres pour ce littoral brut qu’une flore exceptionnelle adoucit.

Les suites et chambres avec terrasse et bow-window jouent, comme la salle du restaurant, les vigies pour, à toute heure, par tous les temps, s’imprégner de la beauté de Perros-Guirec. © Tiphaine Caro
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Idée 100 % écolo, la mosaïque des salles de bains, faite à base de sédiments marins bretons, par un artiste-artisan local. © Tiphaine Caro
Tons sable, lumière douce, les chambres s’inscrivent naturellement dans le décor, que les longues-vues révèlent en gros plan. © Tiphaine Caro
Coin salon, chaises en châtaignier et corde, collection KER – Maison Iodée, inspirées par le travail des charpentiers de marine. © DR

Respectueux des territoires et de l’environnement, sous l’impulsion de Guillaume Foucher, Les Bassans, sans tomber dans le folklore, affirment leur appartenance à ces paysages qui bouleversent. Les mosaïques en dégradés de bleus, que Gwilen fabrique à partir de sédiments marins récoltés sur l’estran, ornent les salles de bains. Le personnel « défile » en uniforme de la maison Mont Saint-Michel. La toile de Caravane Paris, couleur sarrasin, comme les galettes salées, s’applique en fond de lit. Et les rideaux blancs nacrés Pierre Frey, comme les patelles et les amandes qu’on pêche à pied, à marée basse, retiennent les rêves telles les épuisettes les crevettes. Et si le débit de la douche et des autres robinets en fins filets étonne, c’est, explique Guillaume Foucher : « parce que nous avons installé un système qui insuffle de l’air dans la tuyauterie, garantissant une économie d’eau appréciable en ces temps où les réserves mondiales deviennent critiques. L’accumulation d’attentions de ce genre, l’utilisation de matériaux écosourcés nous a d’ailleurs permis de décrocher le label BREEAM Very Good, qui mesure l’impact environnemental des bâtiments. » Quand on remonte de la plage, après quelques brasses vivifiantes dans la Manche qui, elle aussi, soucieuse d’économies d’énergie, ne monte guère au-delà de 20 degrés, un cocktail rose breton, un homard, un chou-fleur, des fraises, tous produits locaux troussés par Paul Dumez, jeune chef de 26 ans, concluent en beauté une escapade de quelques jours ou quelques semaines aux Bassans.

L’unique réserve de fous de bassan d’Europe

Curieux oiseau qui, adulte, affiche une envergure, qu’il soit mâle ou femelle, de 1,80 m pour un poids de 3 kg, un oiseau qui boulotte 500 g de poisson par jour, soit 14 tonnes pour la colonie, s’aventurant parfois jusqu’en Écosse pour trouver sa pitance du jour. Il pêche en plongeant violemment, ce qui lui vaut son qualificatif de fou donné par les marins. Et, de février à octobre, niche sur ce rocher de l’archipel des Sept-Îles avant de gagner les côtes africaines pour réchauffer son plumage. L’hôtel de Fontenille Collection organise, en relation avec des bateaux agréés, des balades pour les observer en respectant la distance autorisée. Lorsqu’on approche, au vent du territoire de ces volatiles pélagiques, aux yeux bleu vif, cernés de noir profond, leur cri métallique et l’odeur ammoniaquée de la fiente les trahissent. Cohabitent en leur compagnie, outre goélands et mouettes, cormorans huppés, macareux moines, pingouins torda, guillemots de Troïl. Ne pas oublier ses jumelles. Spectacle d’une rare beauté.

Article paru dans le numéro 141 d’Hôtel & Lodge.

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