Quitter la Méditerranée, direction les gorges du Gardon et un insolite boutique-hôtel. Une histoire d’eau toujours, mais avant tout pour le chef Benjamin Boloré, une histoire de reconquête des convives et du Michelin. En bonne voie !
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Son nom, tout comme le bleu de ses pupilles, trahissent ses origines bretonnes… Après de longues heures passées avec son équipe en cuisine depuis novembre dernier, Benjamin Boloré a à peine le temps, avant la saison estivale, de prendre ses marques à Uzès où il a élu domicile avec femme et enfants, de ferrer la truite, sa passion, de repérer les castors dans le barrage naturel, en contrebas. En acceptant au Château de Collias, 5-étoiles villageois, le poste de chef exécutif à la tête du BistrO’ Le Bougainvillier et de L’hirondelle, table gastronomique, dont l’étoile à peine gagnée en 2024 fila un an plus tard avec celui qui l’avait décrochée, Benjamin, qui cumule aussi la fonction de chef pâtissier, connaît l’enjeu : retrouver les grâces étoilées, deux plutôt qu’une, du Michelin.


De son enfance bretonne dans une famille de restaurateurs et de boulangers, Boloré, « un seul L », précise-t-il, conserve le goût de l’effort, l’appétit pour les bonnes choses, le tempo du service efficace, affable. Sous les voûtes séculaires ou en terrasse si le temps est complice, chaque séquence du dîner à L’hirondelle, entre 4 et 7, ressemble à un acte de ballet, à la chorégraphie légère, parfaitement réglée par Antony Simon, sommelier, directeur de salle, conteur né, interprétée ce soir-là par Faustine, gracieuse serveuse. Rien de guindé, d’amidonné, ni dans l’art de la table, sobre, ni dans le décor moucheté de quelques œuvres contemporaines bleu Majorelle, éclairant la pierre écrue. Ni dans l’assiette. Dès les « Prémices », expression plus poétique qu’amuse-bouche, le talent du chef se devine. Croquer, en appréciant les bulles extra-brut, vineuses, 100 % pinot noir de la maison de champagne Brice, dans son gravlax et ses œufs de truite, relevé de pétales de souci, ou dans sa tartelette au pélardon, augure bien de la suite. Tout en finesse, entre le maquereau cru de Méditerranée avec son sabayon à l’ail des ours et le maigre confit, chair exquise qui ne supporte aucun excès de cuisson, soulignée de verveine et de pois gourmands. Et en guise de dessert, la note acidulée de la rhubarbe parfumée au sirop de rose du jardin.
L’hirondelle, ouvert uniquement le soir. Menu à partir de 95 €. Le BistrO’ Le Bougainvillier, midi et soir, à partir de 39 €. Fermés les mardis et mercredis.
L’esprit des lieux

C’est un château du XVIIIe siècle, dont les fondations les plus anciennes datent du XIe, comme l’attestent des actes de 1380, un château abandonné des années, disparaissant sous la végétation, en son immense parc broussailleux, ses hectares de terres en friche, filant jusqu’à la falaise dominant le Gardon. Il fallait tout le courage, l’imagination, l’esprit d’aventure, la détermination de Christophe Tailleur et Philippe Huber, ses actuels propriétaires, pour qu’après sept ans de travaux dignes d’Hercule, la façade retrouve sa noblesse, l’intérieur ses fresques murales, ses trompe-l’œil dont certains du XVIe siècle, les escaliers leur stabilité, pour grimper jusqu’à la tour du XIe siècle, les hectares végétaux, leur harmonie. Et qu’en point final, huit chambres, toutes différentes, plongent les hôtes dans un univers de conte de fées. Avec pour celle se rêvant coiffée d’un diadème, la « Duchesse » dévoilant le parc redessiné, replanté, sa piscine et l’esquisse du chemin bordé de grands arbres menant à la rivière.
Article paru dans le numéro 141 d’Hôtel & Lodge.