Courir dans les parcs, ramer sur le fleuve Yarra, bronzer à St Kilda, savourer de grands crus dans la péninsule, traquer les street artists, se gâter à Block Arcade… Surprenante Melbourne, capitale du Victoria, état australien.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Longtemps ville star d’Australie, supplantée par Sydney, Melbourne regagne des points sur sa rivale. En nombre d’habitants, presque 6 millions au dernier recensement, mais surtout un environnement exceptionnel, un art de vivre différent, un rien européen, parfois snobbish, parfois olé olé, avec sa population métissée, venue de tous les continents et qui en une, deux, dix générations trouve ses marques, devient australienne, sans renier ses origines. Richesse réelle !
Pourtant tout avait mal commencé par un « hold-up » sur le détroit de Bass, la grande baie dont l’AHS Australian Hydrographic Service affirme qu’elle se situe sur l’océan Austral, excroissance de l’océan Pacifique Sud, alors que l’OHI, Organisation hydrographique internationale, soutient que le détroit baigne dans l’océan Indien. Querelle d’experts qui ne change rien au sens de l’Histoire.
En 1835, John Batman, fermier et homme d’affaires tasmanien, débarque sur les rives du fleuve Yarra, à Port Phillip, et s’octroie 2 400 km2 de terres qu’il déclare inhabitées.
Or, depuis au moins 40 000 ans, les Koories, peuple aborigène, vivent ici. Qu’importe, un soi-disant accord avec huit chefs « achetés » suffit à Batman pour coloniser les terres, fonder l’État de Victoria et Melbourne. Quelques années auparavant, l’homme avait massacré nombre d’autochtones en Tasmanie. Batman, son vrai patronyme, père fondateur, à juste titre controversé. Sa statue près du marché de Victoria subit régulièrement quelques dégradations. En revanche, Melbourne, sensible à ses premiers habitants, multiplie les lieux consacrés à la préservation de leur art, de leur culture, notamment au Koorie Heritage Trust à Federation Square avec ses collections historiques et contemporaines, ses conférences, et au Centre Ian Potter au sein de la National Gallery de Victoria. Visites incontournables, tout comme celle de la State Library Victoria érigée en 1913 après la colonisation britannique, l’Australie étant alors, comme aujourd’hui, membre « consentant » du Commonwealth.

Ces notions historiques acquises, Melbourne se vit au rythme de ses habitants, pour s’imprégner de l’ambiance, du style de ses quartiers, selon les jours, les heures, qui eux aussi racontent son passé et surtout son présent, son quotidien. On s’extasie de l’architecture fin xixe siècle des immeubles et maisons dans Swanston Street et à Fitzroy, le quartier plus huppé. On flâne, téléphone en bandoulière, dans Union Lane, très instagrammable avec ses murs couverts de street art de grande facture. On se requinque dans un coffee-shop Jasper, marque de café bio, 100 % melbournienne. On canote sur la Yarra, plonge dans la mer, au pied des cabines peintes de St Kilda et le soir, on rejoint les noctambules dans Chapel Street où des bars, des clubs, des restaurants, s’échappent les notes des DJ et des musiciens du cru… Sans pour autant adopter le dress code des filles et des garçons, de tous milieux confondus, qui semblent immunisés contre le froid et le soleil, sortant très peu couverts quelle que soit la température. Melbourne, aux antipodes de la France, mais qui avec ses grands vins, ses belles tables, sa convivialité spontanée, nous touche au cœur.
W Melbourne, Effet waouh !
Dès l’entrée, ce 5-étoiles pas comme les autres affiche sa différence. Vibrant, coloré, arty, convivial, aimantant les artistes, les noctambules comme les businessmen et les familles. Prompt à les épater !

Certes, c’est le positionnement des W, être décalés, festifs, ultra-contemporains, en osmose avec la ville. Parfois ça matche, parfois ça retombe comme un soufflé raté. Ici, sur Flinders Lane, l’une des artères les plus busy, c’est un succès, un aimant, un lieu où il se passe toujours quelque chose, qui ne dort jamais, comme s’il était, en permanence, en décalage horaire. Au petit matin, le noctambule ébouriffé, regard éteint, sortant du Curious, bar underground, croise la sirène, cheveux trempés, regonflée à bloc sortant de la piscine, accessible 24 heures sur 24. Piscine scrutant la skyline au 14e étage. Sur son deck, la Wet Apple, œuvre en céramique de l’artiste Bruno Jorge Monteiro e Silva, dit Bruno, ex-graffeur, délivre à chacun le message qu’il souhaite. Scène, résumé de cette ruche vibrionnante qui puise son énergie, son style, son design dans la ville même. Les équipes d’architecture Collins Arch Building, d’Hachem, décorateur, et de Margot, curatrice d’art, ont collé au brief des commanditaires : que le W, leur W, soit le miroir de Melbourne, reflète tous ses aspects, ses rues où les artistes de street art s’expriment en des fresques un rien psychédéliques, ses trams dont les lignes sinueuses des couloirs évoquent les voies courant d’un quartier à l’autre et les poignées des chambres reprennent la forme de celles des wagons, de son fleuve séparant la ville en deux et ses vignes du côté de la mer.
Ici, dormir est en option, même si les 294 chambres et suites assurent un repos réparateur, rideaux occultants, clos, sur les grandes baies vitrées. Pour preuve, qui loue au 15e étage, avec son balcon au-dessus du fleuve Yarra, la suite Extreme Wow, la plus grande 175 m², la plus spectaculaire, celle que dans les hôtels traditionnels on qualifie de royale ou de présidentielle, tout est conçu pour s’amuser, recevoir, composer, avec son juke-box numérique interactif, son bar à champagne, sa console de mixage. C’est la préférée des musiciens, des groupes alternatifs, celle où ils peuvent, sans gêner leurs voisins, composer, répéter à l’envi. Et quand ils meurent de faim, de soif, qu’ils veulent changer d’air, prendre un taxi, dénicher un tailleur, un coiffeur, appeler le service exclusif du W, Whatever Whenever, pour, en un clin d’œil, obtenir ce qu’ils souhaitent. C’est ça aussi l’effet waouh du W de Melbourne…


Une hôtellerie en mouvement
Ça bouge, ça bouge côté centre-ville, côté parc aussi, avec des enseignes innovantes du 5-étoiles +++ à l’appart-hôtel bobo chic.
01 – THE RITZ-CARLTON
Resort urbain

Un vrai coup de cœur, malgré sa localisation dans un quartier encore en devenir, pour ce 5-étoiles de 80 étages planté dans le ciel dont les 256 chambres et suites, étalées entre les 67e et 79e niveaux, offrent des vues incroyables. Derrière la façade de verre et d’acier, le marbre gravite les étages, soulignant les œuvres d’art. Pas de Ritz-Carlton sans espace bien-être, situé ici au 64e étage, avec piscine, spa, sauna, hammam, salle de fitness et de yoga. Et entre l’Atria, table australienne, la plus haute de la ville, au dernier étage, le Melbourne’s Lobby Lounge pour grignoter à toute heure et le Cameo, bar à cocktails, The Ritz-Carlton comble les gourmets.
02 – UNITED PLACES, HOTEL BOTANIC GARDENS
En « ses » jardins

Dans le quartier fashion de South Yarra, mix de boutique-hôtel de luxe et d’appart-hôtel, un produit très innovant, conçu par un trio d’architecte, de designer et d’hôtelier. 12 vastes suites se prolongeant en large terrasse puisent verdure et sérénité dans les jardins botaniques royaux qu’elles surplombent. Le restaurant Matilda 159, next door, avec ses menus « feu de bois » s’inscrit dans la mouvance bobo-écolo chic. Service réduit au maximum le matin, un sac kraft avec pain, fruit et jus, accroché à la porte tient lieu de petit déjeuner. Aux hôtes de préparer avec leur machine les boissons chaudes.
03 – THE HOTEL WINDSOR
Old fashion

Face au Parlement, pour celles et ceux pour lesquels, en dehors des 5-étoiles historiques point de salut, c’est le lieu parfait, datant de 1883. Patiné sous ses hauteurs de plafond vertigineuses, son mobilier d’époque dans ses 180 chambres et suites, ses lustres à pampilles dans son lobby, sa ballroom, rappellent son âge avec élégance. Excellente table pour dîner chic, avec un temps fort, l’afternoon-tea, qu’aiment autant les dames poudrées, chapeautées, que les influenceuses habillées a minima. Petit rappel du temps où ce pays membre du Commonwealth était colonie britannique.
04 – VOCO MELBOURNE CENTRAL
Palette vive

Gai, rafraîchissant, original, ce 4-étoiles design du groupe IHG plaît avant tout aux jeunes. Une situation stratégique près de la gare centrale, du mall de Bourke Street et de celui très fashion de l’Emporium, que demander de plus… Une grande piscine-solarium sur le toit, un restaurant brasserie, le Blacksmith Bar & Grill, entre plats traditionnels, grillades et excellente carte des vins. Et 252 chambres et suites tout aussi guillerettes. À préférer, celles dans les étages supérieurs et si possible avec vue.
Délices d’initiés
Oui, Melbourne est épicurienne, gourmande, éclectique. La preuve par 4 adresses à savourer.
01 – RESTAURANT LAURA
Émerveillement

Ce restaurant de la collection Relais & Châteaux à Pt. Leo, dans la péninsule, cumule les superlatifs, une vue de sa belle salle tout à la fois sur le détroit de Bass, donc l’océan Indien, et sur le jardin de sculptures signées de grands artistes, telle Laura de Jaume Plensa, en métal de 7 m de haut, une table digne des meilleurs trois-étoiles du chef Josep Espuga, un service remarquable, souriant, mené par la directrice de salle Ainslie Lubbock et Amy Oliver, une sommelière hors pair. Selon la formule consacrée, « vaut vraiment le détour ».
02 – TEN MINUTES BY TRACTOR
Tout en un

Dans ce magnifique domaine viticole, familial, sur la côte est de Melbourne, on visite le vignoble, on teste les vins, souvent récompensés, chardonnays et pinots noirs notamment, on déjeune ou dîne au restaurant gastronomique, trois menus de haute volée du chef Hayden Ellis à partir de 75 €. Les plus : son nom (les deux frères qui le dirigent habitent à 10 minutes en tracteur l’un de l’autre), son design épuré signé Cox Architecture, le grand choix de vins au verre pour accompagner son repas.
03 – KOKO BLACK
Papilles en fête

Le meilleur du cacao pour des chocolats noirs, lait, blancs, fabriqués artisanalement, selon la méthode belge, avec des ingrédients 100 % naturels. Le packaging est ravissant, les tablettes à croquer à belles dents pour les amateurs de goûts affirmés, la Koko Critters Collection, pour des cadeaux à rapporter, avec ses sujets en forme d’animaux australiens, forcément. Les acheter dans la jolie boutique de Royal Arcade, en centre-ville. Attention, tout est tentant, tout est addictif, les pralinés, les truffes, les pâtes à tartiner.
04 – PRAHRAN MARKET
Toujours plus

Dans le sud du quartier Yarra, ce marché couvert de 1864, particulièrement actif le dimanche, aligne sur ses étals, outre les aliments les plus incroyables, venus du monde entier, même de l’excellent beurre salé de Bretagne et du camembert normand, à côté de la viande de kangourou et des poissons frais, des objets les plus hétéroclites, chapeaux de cow-boys, châles faits main, jouets, peluches artisanales. Tout le monde y trouve son compte, de la moindre babiole à l’instrument de musique traditionnel. On y passerait des heures et toutes ses économies.
Fans inconditionnels de Melbourne
Trois personnalités issues de milieux différents, native pour l’une, ayant acquis la nationalité australienne pour l’un et la désirant
pour le troisième. Leur point commun : amoureux de « leur » ville, ils ne la quitteraient pour rien au monde. Ensorcelés.
NICCI CROSSING
Directrice de The Ultimate Wine Tour

Votre métier ?
Guide gastronomique et œnologique. J’organise des visites privées, des événements dans la vallée de Yarra et la péninsule de Mornington, les deux plus grandes régions viticoles dépendant de Melbourne.
Melbourne, côté loisirs
L’hiver, je me balade dans les jardins botaniques au-dessus du fleuve Yarra, l’été je vais à la plage, j’y retrouve mes amis. Et surtout je ne manquerais pour rien au monde le Spring Racing Carnival, courses de pur-sang australiens, en novembre, l’Open d’Australie en février et le Grand Prix de Formule 1 en mars.
En épicurienne affirmée, vos adresses ?
J’aime dîner dans le centre, chez Maha, expérience immersive aux saveurs du Moyen-Orient, ou chez Chin Chin, table typiquement australienne. Je suis une habituée du Curious Bar du W pour son ambiance, sa carte des vins, ses cocktails, et de Brunetti Oro, sur Flinders Lane, pour son café. Chez moi, j’ai toujours au frais un shiraz pinot noir, vin pétillant du Domaine Chandon.
THIERRY BARBERAT
dit Thierry B, artiste galeriste

« J’ai débarqué à Melbourne en mentant sur mon niveau d’anglais, pour devenir chef de rang au France-Soir, table bistronomique réputée. J’y suis resté 15 ans, peignant pour me distraire. J’ai affiché mes toiles au restaurant, surpris que des clients les achètent. Alors j’ai décidé d’être peintre, galeriste. C’est ça, l’Australie, le pays de tous les possibles où on donne sa chance aux autres. On se réjouit de leur succès. Je m’amuse, je rencontre des personnes fortunées qui me font confiance. Et j’ai l’impression d’être en vacances toute l’année. Je me balade souvent du côté de Great Ocean Road, sur les plages de Torquay, de Lorne, mais aussi à Point Leo et suis très attaché à mon quartier, Windsor, branché, et à mon passeport australien que j’ai depuis 28 ans. »
XAVIER TOCCO
Chef du Lollo à l’hôtel W Melbourne

« Français d’origine sicilienne, je suis marié à une Australienne d’origine gréco-égyptienne, d’où le nom de ma fille Isis, et d’année en année, je me sens plus australien que français. Je sais que dans cette ville cosmopolite ma petite Isis, 7 ans, aura davantage d’opportunités pour entreprendre ce qu’elle voudra. À Melbourne, pour qui le veut, tout est plus facile, plus accessible, la culture, le sport, la nature, même trouver une bonne table, un bar sympa, c’est plus simple. Il suffit d’aller à Collins Street et Little Collins. L’ambiance à Melbourne a beaucoup changé depuis 10 ans, elle talonne Sydney, même en nombre d’habitants, tout en restant plus humaine, plus accessible, plus conviviale. Je suis amoureux de cette ville. »
Voler vers Melbourne
Cathay Pacific développe ses vols Paris-Melbourne via Hong Kong et devrait bientôt mettre sur cette liaison des Boeing 77-300 ER avec ses Aria Suites en Business et ses nouvelles cabines Premium et Economy. Elle vient d’être reconnue, lors des Skytrax Awards, parmi les trois meilleures compagnies au monde, et a reçu le prix de la meilleure classe éco. Vols A/R à partir de 1 245 € en Economy, 2 829€ en Premium Economy et 6 979€ en Business.
cathaypacific.com/cx/fr_FR.html
Article paru dans le numéro 141 d’Hôtel & Lodge.



