Madrid, vibrante et solaire : le city guide

Madrid est la capitale européenne la plus séduisante du moment pour un city break. À la fois espagnole et cosmopolite, chic et bohème, hyperactive et désinvolte… Sous son merveilleux ciel tout bleu, elle mène la danse à sa manière, enjouée et passionnée. Pour le Prado et le flamenco, pour la tortilla et la fiestaViva España !

Texte Céline Baussay

adrid a le triomphe modeste. Enfin, sauf quand il s’agit de football. Quand le Real bat le Barça, elle fanfaronne et nargue volontiers sa rivale catalane. Mais sur d’autres sujets, elle savoure son succès avec plus de discrétion. Ainsi, alors que Barcelone souffre de surtourisme, Madrid lui dame le pion, fière d’être devenue la ville espagnole qu’il faut absolument arpenter, visiter, savourer. Pour une multitude de raisons : une architecture riche et éclectique, des musées extraordinaires, des quartiers-villages au charme fou, une forte tradition gastronomique et festive, une qualité de vie et un taux d’ensoleillement qui donnent envie de tout quitter sur-le-champ pour s’y installer. D’ailleurs, la capitale espagnole voit sa fréquentation touristique s’élever (11,1 millions de touristes en 2024, + 5,3 % vs 2023) en même temps que sa population, avec un record d’étrangers, sans doute attirés par sa vitalité économique. Nombre de Latinos ont franchi le pas : selon le journal El País, ils sont plus d’un million aujourd’hui contre 80 000 en 2000, et un habitant sur sept est un expatrié venu d’Amérique latine. Ce qui fait dire au quotidien que « la capitale a retrouvé son identité latino-américaine ». Miami n’a qu’à bien se tenir ! Partout, dans les rues, des Vénézuéliens, des Argentins, des Brésiliens, des Colombiens, des Péruviens… Parmi eux, de grosses fortunes qui ont élu domicile à Salamanca, Chamberí ou Chamartín, les quartiers les plus chics. Tout récemment, Madrid a même été désignée ville préférée des plus riches de la planète, devant Dubaï, Miami et Monaco, par le Barnes City Index 2025, un baromètre du marché de l’immobilier de luxe.

À la lueur du petit matin, l’incontournable Plaza Mayor, encore paisible, dévoile toute sa splendeur. © Shutterstock

Un peu comme à Paris, Rome ou Londres, on peut venir et revenir à Madrid sans jamais se lasser. Elle a tant d’histoires à raconter, tant de bonheurs à partager. Philippe Starck, la star française du design, qui a réalisé la direction artistique d’un nouveau 5-étoiles, le Brach Madrid, est sous le charme : « Je connais très bien l’Espagne et les Espagnols dont j’aime particulièrement le caractère : un mélange très sophistiqué de dignité, de folie et de passion. Et j’ai toujours été fasciné par l’identité et l’atmosphère uniques et paradoxales qui existent à Madrid. On peut encore y sentir les jours sombres de la dictature franquiste. C’est une ville extraordinairement exubérante et joyeuse avec une communauté artistique dynamique et, en même temps, dure et austère, à l’image de son architecture minérale monolithique. » Le Brach Madrid apporte sa fantaisie et sa poésie à une hôtellerie de luxe en plein essor. Des palaces comme le Four Seasons, le Rosewood Villa Magna, le Thompson ou encore le Mandarin Oriental Ritz, des resorts urbains comme l’Edition, mais aussi des boutiques-hôtels plus intimistes comme le Tótem, le Santo Mauro ou l’Orfila ont lancé le mouvement ces dernières années. D’autres belles marques ont confirmé leur arrivée prochaine : Nobu Hotel, Radisson Collection… Encore de très bonnes raisons de préférer Madrid.  


Brach Madrid, Romance espagnole

Après Paris et avant Rome, Evok Collection vient d’inaugurer un hôtel Brach à Madrid, sur la Gran Vía. Un 5-étoiles inventé de toutes pièces par Philippe Starck comme un puzzle émotionnel.

Dans les chambres, chaque portrait, chaque objet raconte une histoire d’amour. À chacun de l’interpréter comme il l’entend… © Guillaume de Laubier

Pour définir le concept Brach, Emmanuel Sauvage, cofondateur et directeur général d’Evok Collection, parle d’« un style de vie, une façon de recevoir, chaleureuse, moins corsetée que dans les codes du luxe traditionnel. » Et pour l’hôtel à Madrid, le second Brach après celui qu’il a ouvert il y a six ans dans le 16e arrondissement à Paris, il décrit plus précisément un décor « urbain, vibrant, magnétique ». Cet écrin-là se veut précieux et foisonnant : majestueux escalier d’origine, comptoir en pierre de lave, totems en bois sculptés, objets chinés et œuvres d’art, mobilier et pièces dessinées sur mesure par Philippe Starck… « Lorsque je travaille sur un projet, explique l’architecte-designer, j’invente des scénarios, tel un réalisateur de films. Ici, j’ai imaginé un voyage dans le Madrid des années 1920-1930 avec un lieu d’élégance, de poésie ; le reflet de l’âme et de la passion espagnoles. »

Le restaurant, inspiré des grands cafés madrilènes que fréquentaient Dalí, Buñuel, García Lorca… © Sadik sans Voltaire
La piscine de La Capsule, ouverte 24 h/24 et bordée de niches dorées. © Julien Benhamou
La terrasse de la suite 506, l’une des plus grandes, avec vue panoramique. © Guillaume de Laubier

Comme à l’époque dans les grands cafés fréquentés par les artistes et intellectuels, le tout-Madrid, et pas seulement les clients de l’hôtel, est le bienvenu au rez-de-chaussée, invité à se retrouver autour de cocktails, des plats à partager du chef Adam Bentalha (comme au Brach Paris) ou d’irrésistibles pâtisseries. Dans les 57 chambres et 4 suites, Starck poursuit son récit : « Il devient plus intime et sentimental, celui d’un amour vécu, puis perdu, mais qui vit toujours à travers les rêves et les souvenirs du couple : leur portrait, les instruments de musique de la femme, les gants de boxe de l’homme, les dessins et notes de leur voyage de noces, le grand miroir de la salle de bains réalisé à la main par le mari en cadeau pour sa femme. Dans la chaleur de cette nostalgie heureuse, chacun peut reconstituer l’histoire à sa manière. » Starck a conçu les chambres comme des armoires à tiroirs, pleines d’indices, de surprises, de références vintage, d’objets incarnés (tous à vendre). Quel contraste entre leur maximalisme et l’univers ouaté, monochrome blanc, de La Capsule, en sous-sol… Dans cet espace bien-être, des cabines de soins Clarins (gamme Precious) et MyBlend, une piscine, un bain glacé, un bassin de flottaison, un sauna infrarouge et, plus inattendu, un caisson d’oxygénation hyperbare et une salle dédiée à l’hypnose, à l’acupuncture ou au tapping (tapotements). Loin, très loin de la frénésie de la ville.


Casa de las Artes, à l’hôtel comme au musée

Décor théâtral, clins d’œil à la peinture, au cinéma, à la littérature, animations culturelles : le premier hôtel The Melia Collection à Madrid met les Beaux-Arts sur le devant de la scène.

Contraste net entre les chambres aux tons doux et le hall grandiose menant au restaurant, aux murs saumon, ornés de moulures, sous une belle verrière. © DR
© DR

Quartier de las Letras, la façade du siège de l’association des employés des chemins de fer espagnols, datant de 1916, est plus belle que jamais. L’intérieur aussi, réunion de quatre bâtiments historiques, a été totalement rénové par Alvaro et Adriana Sanz, partenaires fidèles du groupe espagnol Melia, pour accueillir un nouveau 4-étoiles de 137 chambres, Casa de las Artes. Une « maison des arts » dont le nom résume bien tout le propos puisqu’elle met à l’honneur sept disciplines artistiques. L’architecture, d’abord, avec l’exceptionnel restaurant Maché (référence au papier mâché). L’effet de surprise est immédiat, une fois franchies les portes de cet ancien théâtre, grandiose, lorsque se dévoilent les arches et les hauts plafonds, les moulures et les vitraux d’origine, les rideaux rouges et les marbres bruns. Quel spectacle ! Aux murs, une couleur inattendue, entre le saumon et le terracotta, la même que celle des salles d’exposition du musée national Thyssen-Bornemisza. Une autorisation officielle a été nécessaire pour utiliser le même Pantone. Cette teinte donne aussi beaucoup de cachet au lobby et au lounge, lui aussi à l’entrée, où sont disposés des sculptures, des costumes de films et des lithographies originales de Dalí.

Dans la bibliothèque, des portraits d’écrivains et d’innombrables livres. L’hôtel possède son propre ex-libris. © DR

Autres lieux hors norme, l’immense bibliothèque, qui célèbre la littérature durant l’âge d’or de l’Espagne avec des centaines de livres à consulter sous les portraits peints de grands écrivains, et le petit cinéma inspiré par le Hollywood des années 1950 qui offre aux clients des projections tous les jours. Dans la salle de fitness, une barre de ballet et un grand miroir évoquent l’univers de la danse. Une fois n’est pas coutume, la piscine intérieure, inspirée des thermes romains, n’est pas cachée. Bien au contraire, elle borde le couloir central, axe stratégique de l’hôtel, et fait face à des salles de réunion tout sauf banales, aménagées comme des studios d’architectes. Plusieurs fois par semaine, le Casa de las Artes se transforme en centre culturel, accueillant des expositions temporaires, des concerts de jazz, mais aussi d’autres activités plus insolites comme des séances de poésie-guitare-brunch ou des ateliers de peinture avec DJ et cocktails. L’art ici se conjugue au pluriel et ne se prend pas vraiment au sérieux.


4 palaces urbains

Quatre hôtels majeurs, quatre visions d’un luxe classique. La quintessence de l’art de recevoir à la madrilène.

01 – MANDARIN ORIENTAL RITZ
Précieux

© DR

En 2022, après trois ans de travaux, le bâtiment Belle Époque qui abrite l’hôtel depuis 1910, œuvre de César Ritz, a retrouvé son faste. Dès l’entrée, le lobby, le bar Pictura et le lounge sous l’immense verrière en cristal restaurée révèlent de somptueux décors, qui se prolongent au restaurant gastronomique Deessa, double étoilé Michelin. Lit à baldaquin, moulures, sols en bois et marbre, couleur crème… L’intervention du studio parisien Gilles & Boissier dans les 100 chambres et 53 suites, dont certaines donnent sur le musée du Prado, est remarquable.

02 – FOUR SEASONS HOTEL MADRID
Panoramique

© DR

Inauguré en 2020 entre la Puerta del Sol et le quartier de las Letras, le premier Four Seasons en Espagne joue dans la cour des très grands. Ses intérieurs truffés d’œuvres d’art contemporain et d’objets anciens sont à la hauteur du prestige des bâtiments historiques qui l’abritent. Il possède 200 chambres et suites, un spa de 1 400 m2, une merveilleuse piscine intérieure. Le célèbre chef Dani García orchestre les cuisines, notamment celles du gastro, le Dani, avec terrasse sur le toit. En janvier dernier, il a lancé dans sa brasserie avec vue, au 7e étage, un vertigineux concept de brunch dominical.

03 – PALACIO DE LOS DUQUES GRAN MELIÁ
Souverain

© DR

Ce Leading Hotels of the World dans le Madrid des Habsbourg, au décor largement influencé par Velázquez jusque dans ses 180 chambres, rebat régulièrement les cartes du luxe hôtelier. Dernière nouveauté en date, l’arrivée du chef Manuel Arenilla au Jardín de los Duques, la table gastronomique installée dans les anciennes écuries du palais des ducs de Grenade datant du xixe siècle. À la carte, des plats castillans traditionnels revus avec un twist contemporain et une belle sélection de vins locaux. À goûter, les croquetas, primées parmi les meilleures du pays.

04 – THE PALACE A LUXURY COLLECTION HOTEL, MADRID
Opulent

© Antonello Dellanotte

Pablo Picasso, Salvador Dalí, Mata Hari, Ernest Hemingway… D’illustres clients ont fréquenté cet hôtel emblématique, inauguré en 1912 dans le quartier de las Letras. Le groupe Marriott le rouvre ce printemps avec 470 clés, après une rénovation complète. Les techniques artisanales les plus fines, les matières les plus nobles ont été utilisées pour restaurer la façade, le dôme en vitrail, et pour habiller les intérieurs signés du designer d’intérieur Lázaro Rosa-Violán, dans l’esprit luxe et glamour des Années folles.


Carte sur table, 4 adresses

En version tapas, bistrot ou gastro, quatre adresses pour célébrer l’art espagnol de la dégustation.

01 – DESBORRE
Libre

© DR

La jeune cheffe Lucia Grávalos vient de repenser le concept de son restaurant, proche du Teatro Real. Elle ne sélectionne désormais que des producteurs qui pratiquent l’agriculture et l’élevage régénératifs et vise le zéro déchet. Une durabilité renforcée, une créativité débridée, pour donner du piment et du sens à ses plats, voilà son nouveau credo. Son génie se révèle surtout avec les légumes (faux risotto à base de fenouil, millefeuille de carottes et de panais…) et les desserts, régressifs à souhait.  

03 – TRAMO
Engagé

© Juan Baraja

Le studio Selgascano et le designer Andreu Carulla ont reconverti une salle de concert emblématique de la movida madrilène, dans le quartier de Chamartín, en un restaurant au décor brut, lumineux, géométrique, à l’image de la nef en béton, acier, bois. Tramo est un projet vertueux, basé sur le recyclage, la bioconstruction, l’autosuffisance énergétique, l’inclusion sociale. Même philosophie en cuisine : dans chaque plat, le produit (bio et local) est roi et les vins sont tous biodynamiques. Le Guide Michelin vient de lui décerner une étoile « verte ».

02 – OSA
Minimaliste

© DR

Ouvert en 2023 dans un petit chalet au bord de la rivière Manzanares, Osa a déjà décroché deux étoiles Michelin. Une récompense bien méritée pour Jorge Muñoz et Sara Peral, un duo de chefs au talent exceptionnel et au look inattendu, piercings et tatouages. Respect des matières premières, techniques de fumage, de maturation et de cuisson ultra-maîtrisées, ils cuisinent au plus juste, sans effet superflu. Au choix, deux menus dégustation, de 14 ou 20 plats. Et un large choix de vins qui fait partie de l’expérience.

04 – GLASS BAR
Éblouissant

© DR

Accolé au lobby de l’Hotel Urban Madrid, membre de Small Luxury Hotels of the World, le Glass Bar est un cube vitré entouré de panneaux en bois wengé. Côté rue, un très haut mur d’étagères couvertes de flacons en albâtre. Côté bar, un immense panneau rétroéclairé, en albâtre lui aussi. La carte des cocktails a été élaborée par l’équipe du Sips Barcelona et celle des bocados, des bouchées toutes délicieuses et très originales, par les chefs de la table étoilée de l’hôtel, Cebo. Deux très belles références !


Madrid, mi amor !

Conquis par l’énergie et la bonne humeur qui planent dans la ville, les Madrilènes de souche ou d’adoption en parlent avec enthousiasme. Ils en sont les meilleurs ambassadeurs et partagent volontiers leur carnet d’adresses.

LAURA PITEIRA BANGA
Cheffe concierge Clefs d’Or du Brach Madrid

© DR

Pourquoi Madrid ?
J’aime sa personnalité, espagnole dans le sens le plus fort du terme, et son potentiel. Elle grandit, se modernise, sans trahir ses traditions, son offre hôtelière monte en gamme. Certains comparent Barcelone à New York ou Miami et Madrid à Washington DC, je suis assez d’accord.

Quels quartiers recommandez-vous particulièrement ?
Salamanca, Chamberí, et dans un style plus alternatif, plus branché, Las Salesas. Avec la calle del Barquillo et la plaza de las Salesas, autour de son église.

Et quels lieux culturels, au-delà des grands musées ?
La Galería de las Collecciones Reales, ouverte en 2023 près du Palacio Real, est consacrée à l’art dans l’histoire de la monarchie espagnole. Elle offre une perspective inédite sur la ville. Le Monasterio de las Descalzas Reales présente une collection d’art et de tapisseries exceptionnelle. Et je conseille l’Espacio Solo aux amateurs d’art contemporain. 

ANA CERRATO
Fondatrice de la marque de chaussures Cayumas

© DR

« Madrid est devenue ces dernières années une ville dynamique, pleine de vie, débordant d’opportunités commerciales et culturelles. Mon jour préféré est le dimanche. J’en profite pour aller au marché aux puces du Rastro, puis au Mandarin Oriental Ritz pour un brunch spectaculaire. Les journées ensoleillées et froides, caractéristiques de la ville, je me promène dans le parc du Retiro. Autour de ma boutique, Cayumas, je déjeune à La Ancha d’un plat mythique, l’escalope Armando, et je vais acheter des bonbons à la violette à la confiserie La Pajarita. Madrid offre des vues fantastiques depuis les multiples terrasses et toits. Je recommande celui du Círculo de Bellas Artes, un bâtiment imposant des années 1920 avec des expositions, une librairie, un théâtre, d’où l’on peut voir l’élégante calle de Alcalá, la Gran Vía, la plaza de Cibeles. »

OSCAR LUCIEN ONO
Architecte d’intérieur et décorateur

© German Seiz

« Mon mari est originaire de cette ville, ce qui m’a permis de la découvrir sous un angle plus intime et authentique. C’est un lieu de rencontre, d’inspiration et de moments privilégiés. Mes quartiers préférés ? Las Letras, pour ses galeries d’art, ses cafés bohèmes, et Justicia, plus sophistiqué et branché. Mes adresses fétiches ? Charrúa, un steakhouse uruguayen, Manero Madrid – Claudio Coello pour les tapas, les cocktails et la décoration de Lázaro Rosa-Violán, Numa Pompilio pour son jardin d’hiver, le Club Financiero pour sa vue panoramique… J’ai aussi quelques endroits secrets, comme Lander Urquijo pour ses costumes sur mesure, le musée Lázaro Galdiano, Sala Equis, un ancien cinéma transformé en espace culturel, et pour prolonger la nuit, El Amante, une boîte de nuit un peu canaille… »

Article paru dans le numéro 139 d’Hôtel & Lodge.

Inscription à notre Newsletter Hôtel & LodgeInscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !