Palais Bayram, Tunis

The Place : Nuit orientale dans la médina. Il a fallu sept ans pour sauver de la ruine l’ancien palais du grand mufti. Dans un déluge de stucs et de faïences murales, un monument historique se trouve une nouvelle vocation d’accueil.

PAR RAFAEL PIC – PHOTOS VÉRONIQUE MATI

La médina se meurt, la plus belle médina du monde arabe !”, lance d’une voix tremblante Fathi Bouzouita. Mais ce jour-là, par un frais janvier tunisois, c’est aussi un message d’espoir que délivre l’ancien antiquaire de la rue Jacob à Paris, qui vendait ses foulards à François Mitterrand. Dans la salle voûtée aux piliers énormes qui fut autrefois le magasin du palais, et qui ressemble davantage à une crypte de cathédrale qu’à un entrepôt, c’est en effet un joyau du patrimoine tunisien qu’il inaugure… et que beaucoup avaient cru condamné à jamais.

Une fois conclu le marathon juridique pour l’acquisition, l’essentiel restait à faire : restaurer le gros oeuvre et le décor tels qu’ils se présentaient en 1786. Une gageure tant les corps de métiers à solliciter étaient importants. “Maçons, carreleurs, tailleurs de pierre, sculpteurs sur bois, polisseurs, doreurs sur feuille, stucateurs, spécialistes des voûtes et coupoles…”, énumère Fathi Bouzouita sans prétendre à l’exhaustivité. C’est que le défi est multiforme : rehausser les pavements, renforcer les arcs et les linteaux, reprendre les parois en chaînages de brique plate et tubes de terre cuite, reposer les marbres polychromes et les boiseries. Sans compter la céramique murale… “Ce palais possède une extraordinaire collection de carreaux d’Iznik, sortis des fours des faïenciers ottomans deux siècles avant sa construction, explique Jean-Pierre Guinhut. Chacun a été nettoyé, restauré, repositionné, sans adjonction d’un seul élément moderne.” Dans la déréliction du début des années 2000, beaucoup s’étaient retrouvés chez des marchands peu scrupuleux : il fallut donc en racheter une partie sur le marché parallèle !

Aujourd’hui, la ruine n’en est plus une. Ses pièces ont été ressuscitées en suites au crépi jaune ou bleu nuit, aux lustres étincelants, aux plafonds à caissons, aux lits à baldaquin. Et sa gestion, signe des temps, est confiée à la société d’un jeune entrepreneur à succès, Abderraouf Tebourbi, cofondateur de l’Université internationale de Tunis et président de l’école Vatel locale. L’histoire peut donc reprendre : comme la parabole d’une Tunisie capable de se réinventer en des temps troublés…

Dar Bayram, construit à la veille de la Révolution française, fut la résidence de la plus haute autorité religieuse du pays, le grand mufti. Celui qui avait le pouvoir de décréter le début du ramadan et de prononcer des fatwas vit son pouvoir fortement rogné sous Bourguiba. Au début du XXIe siècle, son palais, d’une emprise de 3 500 m², au coeur d’une médina pourtant déclarée patrimoine universel par l’Unesco, n’est plus qu’une carcasse branlante… Vitres et volets brisés, planchers enfoncés, fontaines muettes, stucs en poussière. Des familles entières se partagent une simple pièce, entre chats et poules en liberté. “Il a fallu négocier avec dixneuf héritiers !”, explique Jean-Pierre Guinhut, propriétaire avec Fathi Bouzouita de cette propriété hors norme. Lui aussi a un parcours atypique : orientaliste, envoyé de la France à l’ONU au lendemain des attentats du World Trade Center, premier ambassadeur de France en Afghanistan en 2002 après 22 ans de rupture des relations diplomatiques, il s’est pris de passion pour cette vaste enfilade de cours et de salons somptueux.

 

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