PrĂȘt pour une Digital Detox ?

L’ultra-digitalisation du quotidien pousse les voyageurs hĂ©donistes Ă  partir en quĂȘte d’oasis coupĂ©s du monde pour retrouver l’essentiel : paysages, relations humaines, envies profondes d’introspection et de recentrage sur soi
 Quand l’hĂŽtellerie se dĂ©connecte.

Se déconnecter pour mieux se reconnecter

FOMO, l’acronyme de “Fear Of Missing Out” serait le mal du XXIe siĂšcle, la nouvelle angoisse 2.0 rĂ©vĂ©latrice de notre rapport compulsif Ă  Internet. Ultra-connectĂ©s Ă  un monde en rĂ©seau, nous pianotons de concert sur nos Ă©crans tactiles ou nos smartphones dernier cri, recevons des milliers d’emails, absorbons quantitĂ© d’informations, faisons face Ă  des possibilitĂ©s dĂ©multipliĂ©es. Pas une minute de rĂ©pit et une peur, insidieuse, celle “de manquer quelque chose” nous empĂȘche, parfois, de lĂącher prise face au rĂ©el. Pour Ă©viter le burn out numĂ©rique, une seule solution : tout Ă©teindre, nous conseillent les spĂ©cialistes.

Une tendance venue d’outre-Atlantique

Voici venue l’ùre de la Digital Detox, une dĂ©marche venue tout droit d’outre-Atlantique, qui relĂšve davantage d’une recherche de mieux-ĂȘtre que de la cure mĂ©dicalisĂ©e. « Se dĂ©connecter pour mieux se reconnecter », c’est ainsi le leitmotiv d’un des pionniers du genre, Levi Felix, un jeune amĂ©ricain Ă  l’origine des camps californiens Digital Detox. Les participants y mettent leurs tĂ©lĂ©phones au placard durant 4 jours, pour se retrouver, Ă©changer avec les autres et renouer avec la nature.

Tout un programme que s’approprient des hĂŽteliers faiseurs d’écrins haut de gamme qui, aprĂšs l’essor des Spas, sont de plus en plus centrĂ©s sur le bien-ĂȘtre de clients en demande d’expĂ©riences inĂ©dites. « Aujourd’hui, c’est une nĂ©cessitĂ© pour les hĂŽtels d’offrir Ă  leurs clients de nouvelles formes d’évasion », justifie Fred Smits, Directeur gĂ©nĂ©ral du Westin Dublin et pionnier de la Digital Detox en Europe. « Les voyageurs d’aujourd’hui ont une vie bien remplie, ils courent partout, tout le temps, et tentent d’échapper Ă  cette agitation lorsqu’ils partent en vacances.

Quand ils viennent nous voir, ils veulent se dĂ©tendre, se concentrer uniquement sur eux-mĂȘmes. Cela passe par le fait de ne pas ĂȘtre joignable Ă  chaque instant
 » poursuit Stephanie Fischer, Directrice Marketing du Nira Alpina, Ă©tablissement suisse qui inaugure cet Ă©tĂ© un package Digital Detox comprenant soin relaxant, dĂ©jeuners dans la montagne, randonnĂ©e pieds nus, balade Ă  cheval ou en vĂ©lo Ă©lectrique dans les hauteurs du Mont Corvatsch, loin de l’agitation de Saint-Moritz, pourtant toute proche.

Au Nira Alpina, la Digital Detox s’appuie sur des activitĂ©s de plein air mais ce n’est pas une gageure. Ainsi Ă  l’Aqua Barra de Buzios, le processus s’accompagne d’une cure de jus et de massages, pour dĂ©toxifier et relaxer le corps autant que l’esprit. Une retraite de 6 jours pour doucement changer de rythme, au coeur de l’un des plus beaux sites balnĂ©aires du BrĂ©sil.


Hors du Temps et loin de l’agitation du monde

Les lieux d’exception sauvages et prĂ©servĂ©s sont les premiers Ă  couper du monde leurs hĂŽtes. En 2011, dans une tribune publiĂ©e dans le New York Times, intitulĂ©e fort Ă  propos “The joy of quiet”, l’essayiste d’origine britannique Pico Iyer annonçait que l’avenir du voyage Ă©tait sans nul doute dans des villĂ©giatures “trous noirs” pour privilĂ©giĂ©s qui s’y offraient le luxe de l’isolement, voire de la difficultĂ© d’accĂšs, et surtout, de l’absence totale de technologie, Wifi y compris. Pico Iyer s’appuyait pour Ă©tayer son raisonnement sur l’expĂ©rience d’un sĂ©jour au luxueux et reculĂ© Post Ranch Inn de Big Sur, installĂ© face Ă  l’une des plus belles vues de Californie.

Peut-ĂȘtre aurait-il pu Ă©galement citer l’emblĂ©matique “no news, no shoes” de Sonu Shivdasani, fondateur du groupe Six Senses et hĂ©raut d’une hĂŽtellerie de luxe intelligente et green. Aux Maldives, Ă  Soneva Fushi, resort pour robinsons nantis, ce pionnier multi-rĂ©compensĂ© a osĂ© pour la premiĂšre fois, dans les annĂ©es 90, proposer un sĂ©jour coupĂ© du monde, en osmose avec la nature, sans tĂ©lĂ©vision et sans accĂšs Internet, Ă  moins d’en faire la demande expresse.

CETTE RECHERCHE D’UN TEMPO DIFFÉRENT NE CONVAINC PAS TOUT LE MONDE…

Soneva Fushi a depuis fait des Ă©mules, posant la premiĂšre pierre d’une nouvelle dĂ©finition du luxe, intimement liĂ©e Ă  l’exclusivitĂ© et au paysage. RĂ©apprendre Ă  contempler, rĂȘver et se retrouver sans ĂȘtre interrompu devant l’immensitĂ© bleutĂ©e d’un ocĂ©an ou l’étendue verdoyante d’une forĂȘt… L’hĂŽtel Sacacomie, perdu au coeur de la Mauricie quĂ©bĂ©coise, le Lake Placid Lodge, Relais & ChĂąteau Ă  l’abri des majestueux Adirondacks, ou encore Petit-Saint- Vincent, Ăźle privĂ©e des Grenadines, dans les CaraĂŻbes sont autant d’adresses secrĂštes qui dessinent une cartographie de la dĂ©connexion, en des lieux oĂč la sonnerie d’un tĂ©lĂ©phone semblerait une anachronique hĂ©rĂ©sie. Ultime snobisme, Ă  Petit- Saint-Vincent, en lieu et place, les clients hissent un fanion de couleur au vent pour alerter le personnel de l’üle d’un dĂ©sir Ă  satisfaire.

La dĂ©connexion n’est pas pour autant un retour en arriĂšre. « Il s’agit bien de vivre dans son temps mais en maĂźtrisant la technologie, en Ă©tant capable, au cours d’un sĂ©jour, de couper avec cette technologie pour aller Ă  l’essentiel : le paysage, l’humain », analyse Philippe Chapelet, co-fondateur du concept hĂŽtelier Hi-Life.

La preuve Ă  Dar Hi, imaginĂ© Ă  Tozeur par la designeuse Matali Crasset, oĂč seule la vue sur le dĂ©sert entre dans les chambres. Pour le Wifi, rendez-vous prĂšs de la cheminĂ©e, dans le lobby. Cette recherche d’un tempo diffĂ©rent ne convainc pas tout le monde. GĂ©rard LaizĂ©, Directeur gĂ©nĂ©ral de l’Association VIA (Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement) fait partie des sceptiques. « La dĂ©connexion se justifie au bord d’un lac, de la mer, mais ne pas avoir du tout d’accĂšs Internet est pour moi une folie. On ne peut plus, aujourd’hui, imposer un tel choix au client. »

La rĂ©cente Ă©tude menĂ©e par Wifirst, opĂ©rateur Internet qui vient d’équiper 200 hĂŽtels du groupe Accor en Wifi, lui donne raison : 86 % des EuropĂ©ens s’attendent Ă  disposer d’un accĂšs Wifi au sein d’un Ă©tablissement hĂŽtelier, tandis que pour 37 % d’entre eux la couverture rĂ©seau est un vĂ©ritable critĂšre de choix au moment de la rĂ©servation.

86% DES EUROPÉENS S’ATTENDENT À DISPOSER D’UN ACCÈS WIFI DANS UN HÔTEL

Westin, pionnier de la Digital Detox en Europe avec son Ă©tablissement de Dublin, et dĂ©sormais celui de Paris, se heurte Ă  ces attentes. « Les clients sont intriguĂ©s par le concept, mais ne sont pas tout Ă  fait prĂȘts Ă  prendre l’engagement d’une cure complĂšte », constate Fred Smits. Cela n’a pas empĂȘchĂ© la marque de lancer en mars dernier, au Westin Paris-VendĂŽme, cette adaptation urbaine d’une Digital Detox inspirĂ©e des hĂŽtels balnĂ©aires.

« Nous croyons en l’originalitĂ© de cette offre, dans un hĂŽtel situĂ© en plein coeur d’une capitale trĂ©pidante. Nous y avons inclus un massage Ă©nergisant qui soulage les zones endolories par l’utilisation des gadgets technologiques, un plan-guide des parcs et jardins, des gourmandises
 pour stimuler les sens et amĂ©liorer l’expĂ©rience », dĂ©taille Julien Kiefer, Hotel Manager.

Sur un mode ludique, le Four Seasons Costa Rica a choisi de son cĂŽtĂ© de rendre l’expĂ©rience accessible en mettant ses hĂŽtes au dĂ©fi de passer une journĂ©e sans smartphone. Une liste de 24 expĂ©riences, de la croisiĂšre en catamaran au cours de danse, rend l’initiation particuliĂšrement rĂ©crĂ©ative.

Les thalassos pour répondre aux maux de la digitalisation

Mais la Digital Detox, si elle peut n’ĂȘtre qu’une expĂ©rience hors des sentiers battus ou une maniĂšre de renouer avec soi, rĂ©pond aussi Ă  un vrai besoin de gestion du stress provoquĂ© par l’usage intensif des nouvelles technologies. « L’application d’un tel programme n’est Ă  mon sens valable que dans des espaces hors-ville, pour Ă©viter la tentation et parce qu’il est plus logique de s’échapper de la digitalisation dans les lieux reculĂ©s », pointe Anne Auchet, Ă  la tĂȘte de l’Agence White Velvelt, spĂ©cialisĂ©e dans la communication hĂŽteliĂšre.

Et de rappeler que « la Digital Detox est un processus de dĂ©conditionnement qui nĂ©cessite un vrai accompagnement, avec yoga, mĂ©ditation, rĂ©gime alimentaire ou protocoles de soin adaptĂ©s. » Peut-ĂȘtre faut-il alors se tourner vers les thalassothĂ©rapies hĂŽteliĂšres. Le Miramar Crouesty confie travailler Ă  une cure intĂ©grant les prĂ©ceptes de la Digital Detox. Elle devrait ĂȘtre dĂ©voilĂ©e en septembre.

Preuve, s’il en est, que cette nouvelle tendance en plein dĂ©veloppement a de beaux jours devant elle. Car, d’aprĂšs Stephanie Fischer du Nira Alpina, « la Digital Detox dĂ©coule tout droit du tourisme lent. Et pourrait modifier durablement le comportement du voyageur qui en fait l’expĂ©rience. »

PrĂȘt pour une DĂ©tox Digitale au BrĂ©sil ?

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La Fazenda Catuçaba, Brésil

DĂ©couvrir le BrĂ©sil des propriĂ©tĂ©s fonciĂšres du XIXe siĂšcle. N’avoir pour horizon que la forĂȘt vierge, et pour fond sonore les chants et les cris des animaux sauvages. Ne disposer ni de tĂ©lĂ©vision, ni d’Internet.

Par Lucie Tavernier

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