Japon : cap au sud-ouest

On dirait une estampe, une estampe que les nuages et la brume enveloppent de mystère. Ainsi, paraît en cet équinoxe d’automne, juché sur sa verte colline, l’Amanemu, dernier né des Aman resorts, en terre nipponne… Perle précieuse de cèdre et de basalte noirs.

Effilé comme un requin blanc, le shinkansen file à plus de 290 km/ heure brisant le rideau de pluie occultant le paysage. Qu’importe, entre Tokyo et Nagoya le tissu urbain ne s’interrompt jamais, suites d’immeubles sans grâce, de zones pavillonnaires sans éclat, d’usines crachant leur panache de fumée, avec de-ci de-là, grandes comme des mouchoirs de poche quelques rizières paumées affleurant les habitations. Quatre heures, entre le train rapide et la ligne régionale, avant de pénétrer dans le parc naturel d’Ise Shima, au cœur duquel se cache l’Amanemu. Une surprise de taille ! Le Japon tel qu’on le rêvait et auquel on ne croyait plus. Le Japon, avec ses érables et ses cerisiers que l’automne rougit, ses baies calmes et limpides où les parcs d’huîtres perlières de Mikimoto trouvent refuge en nombre.

Environnement préservé pour l’Amanemu et ses hôtes accueillis depuis juin dernier. C’est également là, et à cette même date que les membres du G7 se sont réunis, refusant pour cause budgétaire que leurs conjoints logent à l’Aman. Décision démagogique comparée au coût des 20 000 policiers, oui 20 000, chargés de la protection de ces hauts personnages. Dommage pour eux car Kerry Hill, l’architecte australien imprégné de culture extrême-orientale, maître d’œuvre de cet éden a recréé autour des sources chaudes, le style des minkas, maisons traditionnelles campagnardes.

Tous les bâtiments bas, habillés de cèdre noir et coiffés de tuiles rondes vernissées, se fondent dans la végétation, dominant la baie d’Ago sans se laisser deviner. Une prouesse sur ce terrain au relief accidenté qui donne son charme au domaine qu’on se promet de parcourir à pied dès que la pluie débarquée en force quelques jours auparavant avec le typhon cessera de tomber.

Pour l’heure, elle lustre les feuillages, accentue les volutes de vapeur qui s’échappent à 42 et 39 ° des onsens de l’immense spa, giclent sur la piscine à débordement. Une belle excuse ces gouttes drues pour paresser sur sa terrasse abritée scrutant les quelques bateaux qui plus bas naviguent en mer du Japon. Et, tout en continuant à se repaître de ce va-et-vient marin choisir de se prélasser dans son onsen privé alimenté en eau de source coulant à 60°.

Puis, purifiée par ce long bain quasi brûlant, enveloppée dans son kimono de coton, flâner dans sa grande suite vierge de toute décoration. Le chêne blanc dominant donne une tonalité reposante et lumineuse à l’ensemble. C’est Kerry Hill qui a dessiné les meubles, tables et sièges et confié leur réalisation à la célèbre enseigne italienne Cassina.

C’est toujours lui qui a demandé au designer japonais Koizumi d’imaginer les lampes graciles ressemblant à des nasses de pêcheur. Et lui encore qui a imaginé le jeu de parois coulissantes en bois et papier de riz structurant l’espace et faisant joliment office de volets.

On resterait bien blottie, à l’abri dans ce cocon boisé si le chef ne nous attendait pas pour nous confier les secrets du umami, la cinquième saveur propre à la cuisine japonaise et qui lui confère son goût si particulier, « délicieux » comme le signifie au sens littéral umami. Une préparation, un peu comme un fond de sauce, à base d’algue et de bonite séchée. Subtile comme la cuisine de Masakazu Inaba, incroyable personnage, d’une rondeur exquise, troussant les poissons et les légumes comme personne, accommodant avec délicatesse le bœuf matsusaka, veillant avec ses onze commis tant à leur présentation qu’à leur qualité gustative.

Une révélation, loin très loin de ce qu’en France on baptise cuisine japonaise. Un péché de gourmandise auquel on succombe sans l’ombre d’une contrition à chaque repas. Sous l’œil amusé d’Hisayo Shimizu, la directrice de l’Amanemu qui en parfaite hôtesse rompue aux traditions de son pays tient à la perfection le rôle d’okami, la maîtresse de maison, mais avec ce petit grain de folie, ce décalage élégant qui signe l’appartenance au Aman. Un rien junkie, comme fidèles clients se baptisent à travers le monde…

Aman Amanemu
Japon, 〒517-0403 Mie Prefecture, Shima, 浜島町迫子2165
Tel :+81 120-951-125
www.aman.com

Texte : Anne-Marie Cattelain-Le Dû – Photos : D.R

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